M. Dubuc qualifie l’industrie des sables bitumineux de « symbole » (de quoi ?) et considère les opposants aux nouveaux projets de transport pétrolier sur le Saint-Laurent comme des ignorants qui entretiennent une « vision romantique du fleuve ». Mme Bertrand qualifie de « vision obscurantiste de l’acceptabilité sociale » la volonté d’exclure de la navigation fluviale les produits jugés « indésirables ».
Si nous élargissons notre champ d’intérêt au-delà des profits liés à l’extraction et le transport d’hydrocarbures pour y inclure, par exemple, les besoins humains fondamentaux et ceux des autres espèces vivantes, la qualité de la vie en plein air, les ressources de la chasse et de la pêche, le tourisme, les technologies propres et la démocratie, le fleuve Saint-Laurent acquiert une dimension beaucoup plus vaste. Il devient un écosystème riche, complexe et fragile.
Les études scientifiques qui parlent du fleuve révèlent, entre autres, que le Saint-Laurent souffre d’hypoxie [3], c’est-à-dire qu’il est progressivement asphyxié par l’activité humaine et les effets du réchauffement climatique. Déjà les poissons de fond, comme les morues, désertent la zone entre Tadoussac et les eaux au large de Rimouski qui manquent d’oxygène. Le taux d’acidification de l’eau, due à l’absorption du CO2 produit par la combustion des énergies fossiles, menace les populations de micro-organismes qui sont à la base de la chaine alimentaire [4]. Dans tous les océans, le phytoplancton, qui produit la moitié de l’oxygène de la planète, connaît un déclin accéléré. Les scientifiques ont enregistré une baisse de 40% des stocks depuis 1950 [5]. Avec l’augmentation des gaz à effets de serre (GES), c’est tout l’écosystème marin qui est voué à l’effondrement, entraînant les nombreuses espèces d’oiseaux et de mammifères qui y sont liées. On comprend qu’avec l’ajout annuel des 32 millions de tonnes de CO2 que devrait générer le projet Énergie Est [6], ce n’est pas seulement notre eau potable, nos terres agricoles, l’industrie de la pêche et du tourisme et les bélugas qui sont directement menacés. C’est aussi la qualité de l’air qu’on respire partout sur la planète et une bonne part de nos ressources alimentaires.
En choisissant d’ignorer ces faits, M. Dubuc et Mme Bertrand nient la gravité des impacts des émissions de GES de l’industrie pétrolière. C’est là un exemple de désinformation véhiculée par certains médias complaisants. Dans la guerre d’opinion que livre TransCanada, par chroniqueurs interposés, pour faire accepter ses projets au Québec, la première victime est encore la vérité.
Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures de L’Assomption
Le 23 novembre 2014