Déclaration
Nous, organisations regroupant ou représentant des travailleuses et des travailleurs non-syndiqué-e-s, déclarons ce qui suit :
Nous tenons à exprimer collectivement notre vive inquiétude à quelques jours de l’adoption possible du projet de loi no 59 modernisant le régime de santé et de sécurité du travail ;
Pour faire face aux nombreuses critiques qui ont suivi le dépôt de ce projet de loi en octobre 2020, le ministre du Travail, M. Jean Boulet, se disait à l’écoute. Or, malgré les amendements adoptés lors de l’étude détaillée du projet de loi en commission parlementaire, qui s’est terminée le 22 septembre dernier, nous devons constater que le projet de loi demeure toujours totalement inacceptable. Loin d’améliorer le régime de santé et de sécurité du travail, il permettra surtout de réduire les coûts du régime, pour le bénéfice des employeurs, au détriment des droits des travailleuses et travailleurs du Québec ;
Pour nous, l’adoption du projet de loi no 59, tel qu’il sera présenté au Salon bleu de l’Assemblée nationale dans les prochains jours, aurait des impacts catastrophiques pour les droits de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs du Québec, mais c’est pour les non-syndiqué-e-s que les conséquences risquent d’être les plus graves ;
Nous déplorons en effet que le ministre du Travail ait refusé la quasi-totalité des amendements qui visaient spécifiquement la protection et l’exercice des droits des travailleuses et travailleurs non-syndiqué-e-s. Cette négation, en 2021, de l’existence d’un déséquilibre du rapport de force entre un employeur et une travailleuse ou un travailleur non-syndiqué-e est tout simplement consternante ;
Avec ce projet de loi, le Québec demeurerait la seule province au Canada à n’offrir aucun soutien spécifique à l’exercice des droits des travailleuses et travailleurs non-syndiqué-e-s, tant en matière de réparation des lésions professionnelles qu’en matière de prévention ;
Nous constatons également que l’adoption du projet de loi entraînerait des reculs majeurs pour les travailleuses et travailleurs par rapport à la situation actuelle ;
Nous remarquons que de nombreuses restrictions contenues au projet de loi rendront beaucoup plus difficile la réparation des lésions professionnelles. Le projet de loi no 59 empêchera des milliers de victimes d’accéder aux soins et aux indemnités dont elles ont besoin. Dans bien des cas, les victimes seront plongées dans la pauvreté suite à un accident ou une maladie du travail ;
Nous constatons aussi qu’en matière de prévention, la réforme affaiblit les mécanismes de prévention, réduit le rôle et le pouvoir des travailleuses et des travailleurs en santé et sécurité du travail au profit de l’employeur et supprime toute garantie au sujet du temps de libération. Rien n’est prévu pour assurer le fonctionnement adéquat des mécanismes de prévention et de participation des travailleuses et des travailleurs dans les milieux non-syndiqués, ce qui constitue pour nous un non-sens ;
Soulignons également que plusieurs dispositions du projet de loi peuvent être qualifiées de sexistes et que la réforme ignore la réalité de bien des travailleuses et de travailleurs vulnérables, tels que les employé-e-s d’agences de placement de personnel. Le ministre du Travail a refusé bon nombre de recommandations qui auraient pu corriger ces écueils ;
Pour toutes ces raisons, nous en arrivons à la conclusion que le projet de loi no 59 ne doit pas être adopté. Les travailleuses et travailleurs du Québec méritent mieux qu’une réforme faisant reculer leurs droits de quarante ans, en plus de discriminer les femmes et d’ignorer la réalité des plus vulnérables ;
Comme l’ont fait au cours des derniers jours de nombreuses organisations syndicales, nous réclamons l’abandon de ce projet de réforme et invitons le ministre du Travail à retourner faire ses devoirs ;
Dans l’éventualité où le projet de loi n° 59 était présenté pour adoption à l’Assemblée nationale, nous demandons aux député-e-s de voter contre cette législation qui ferait reculer les droits des travailleuses et des travailleurs les plus vulnérables.
Organisations signataires
– Aide aux Travailleurs Accidentés (ATA), Marie-Ève Picard, coordonnatrice
Association des travailleurs et travailleuses accidentés de Joli-mont (ATTAJ), Éric Dupuis, coordonnateur
– Association des victimes de l’amiante du Québec (AVAQ), Daniel Legros, administrateur
– Association des travailleuses et travailleurs accidenté de l’Abitibi-Témiscamingue (ATTAT), Yvan Arseneault, directeur général
– Association pour la défense des droits du personnel domestique de maison et de ferme (ADDPD), Eugénie Depatie-Pelletier, directrice générale
– Au Bas de l’Échelle (ABE), Mélanie Gauvin, porte-parole
– Carrefour d’aide aux non-syndiqué-es (CANOS), Anne-Marie Tardif, coordonnatrice
– Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI), David Mandel, membre du Conseil d’administration
– Comité des travailleurs et travailleuses accidenté(e)s de l’Estrie (CTTAE), Patrick Morin, coordonnateur
– Comité d’appui aux travailleurs et travailleuses accidentés de la région des Appalaches (CATTARA), Mario Dufresne, co-directeur et agent de prévention et de développement
– Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT), Cynthia Beaulieu, coordonnatrice droits
– Front de défense des non-syndiqué-es (FDNS), Mélanie Gauvin, porte-parole
– Illusion-Emploi de l’Estrie, Manon Brunelle, coordonnatrice
– Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ), Michel Pilon, directeur
– Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM), Roch Lafrance, secrétaire général
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