Tiré de Entre les lignes et les mots
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Alors que l’horreur de la façon dont Dominique Pelicot a longuement drogué son épouse, Gisèle, et permis à au moins 83 hommes de la violer continuait à être dévoilée dans une salle d’audience française la semaine dernière, il était difficile de voir comment l’affaire « aurait pu être pire », comme l’a suggéré un élu local.
Louis Bonnet, maire de #Mazan, la ville de 6 000 habitants du sud de la France où vivaient les Pelicots et un certain nombre de violeurs présumés, a en effet soutenu que « personne n’a été tué », même s’il s’est excusé plus tard et a admis que ses mots n’étaient « pas tout à fait appropriés ».
Pour les féministes et militantes françaises cependant, les commentaires malencontreux de M. Bonnet résument la façon dont la France n’a pas réagi au mouvement #MeToo et accuse un retard « abyssal » dans la lutte contre lesagressions sexuelles sur le plan social et juridique.
Anne-Cécile Mailfert, fondatrice de l’organisation féministe Fondation des Femmes, a déclaré que le fait qu’un tel commentaire puisse être lancé à propos d’un procès « qui symbolise ce que la violence masculine peut faire de pire » montrait les défis auxquels les femmes doivent faire face. « Cela montre exactement ce à quoi nous sommes confrontées, à savoir non seulement une culture du viol, mais aussi une culture de l’impunité », a-t-elle conclu.
Anna Toumazoff, écrivaine et militante féministe, a ajouté : « C’est un exemple de la façon dont les hommes ont encore du mal à comprendre ce à quoi nous sommes confrontées en tant que femmes, et c’est là le véritable problème ».
« C’est le produit d’une société qui ne parvient pas à protéger les femmes ou à les considérer comme des êtres humains à part entière. »
Depuis que le mouvement mondial #MeToo a émergé, encourageant les victimes à aborder et à signaler les agressions sexuelles et sexistes, la France peine à changer d’attitude à l’égard de celles qui le font.
Les accusations portées contre un certain nombre de personnalités, dont l’acteurGérard Depardieu et les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, n’ont pas réussi à ébranler le relent de ce que l’on qualifie souvent de puritanisme anglo-saxon attaché au mouvement MeToo dans les esprits français, malgré des protestations d’innocence.
En mai, dans le contexte d’une frustration croissante face à l’absence de changement après que le nombre d’affaires de viols classées sans suite a atteint le pourcentage de 94% des plaintes déposées, une pétition signée par plus de 140 personnalités, publiée dans Le Monde, a appelé à une nouvelle loi de grande ampleur contre les violences sexuelles et sexistes.
« #MeToo a révélé une réalité empreinte de déni, y a-t-on lu : les violences sexistes et sexuelles sont systémiques et non exceptionnelles. Les faits semblent se succéder les uns aux autres. Qui nous écoute ? » Mme Mailfert, l’une des instigatrices de la pétition, a soutenu que l’affaire Pelicot, entendue à un tribunal d’Avignon, montre à quel point une nouvelle « loi intégrale » est nécessaire.
« Nous l’avons régulièrement réclamée à chaque fois qu’un cas particulier se présentait », a-t-elle déclaré. « Nous ne pouvons qu’espérer que cette fois-ci, cela débouchera sur une loi de grande envergure qui couvrirait la manière dont la police traite les plaintes au départ, la manière dont elles sont instruites, puis la manière dont elles sont jugées. Cela permettrait à la société de progresser vers la résolution de ces problèmes ».
« EnFrance, il y a un débat pour savoir si #MeToo est allé trop loin. ‘Est-ce vraiment si grave si quelqu’un met la main aux fesses de quelqu’une, après tout ce n’est qu’un geste ? Est-ce si grave de prendre une photo sous la jupe de quelqu’une ? Ce n’est qu’une photo.’ Mais tous ces délits apparemment mineurs doivent être pris au sérieux, car une personne capable de mettre la main aux fesses de quelqu’un sans son consentement ou de prendre une photo sous une jupe est peut-être capable de faire quelque chose de beaucoup, beaucoup plus grave. Comme nous le constatons dans cette affaire ».
Les agressions de Dominique Pelicot à l’encontre de sa femme n’ont étédécouvertesque lorsqu’il a été repéré par un agent de sécurité en train de prendre des photos sous les jupes de femmes dans un supermarché et qu’il a été arrêté.
Mme Mailfert a ajouté : « Nous ne devons pas oublier que c’est grâce à la chance que Dominique Pelicot a été arrêté. C’est une chance que l’agent de sécurité qui l’a attrapé […] l’ait retenu, ait appelé la police et ne l’ait pas laissé partir avec un simple avertissement ».
« C’est une chance que la femme dont il a filmé sous la jupe ait porté plainte. C’est une chance que la police n’ait pas choisi de s’occuper d’une centaine de choses perçues comme plus graves et qu’elle ait poursuivi l’affaire, regardé son ordinateur et découvert ce qu’il faisait ».
« Si rien de tout cela n’était arrivé, il aurait sûrement continué. Ce qui semblait être un petit incident était un indicateur de quelque chose de beaucoup plus grave. Il s’inscrivait dans un continuum de violence. »
Mme Mailfert a déclaré que toute nouvelle loi devrait également traiter de la manière dont les victimes sont traitées au tribunal. La semaine dernière, Gisèle Pelicot, 72 ans, a été contrainte de rappeler au juge que ce n’était pas elle qui était en procès, après avoir été confrontée à ce qu’elle a qualifié de « questions humiliantes » de la part des juges et des avocats de la défense concernant ses vêtements, sa consommation d’alcool et la question de savoir si elle avait consenti à des relations sexuelles avec les 50 hommes qui se trouvaient sur le banc des accusés avec son mari accusé de viol.
Kim Willsher à Paris, pour The Guardian, le 21 septembre 2024
Traduction : TRADFEM
https://tradfem.wordpress.com/2024/11/10/pas-tous-les-hommes-mais-beaucoup-dentre-eux-le-proces-de-gisele-pelicot-changera-t-il-enfin-lattitude-des-francais-a-propos-des-agressions-sexuelles/
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