Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

On peut encore influencer le cours des choses

Le confrère Paul Cliche, bien connu pour sa contribution à l’unité de la gauche québécoise, vient de publier dans le journal Le Couac un article sur l’adhésion du PQ au néolibéralisme. Il en fait l’histoire, à travers la succession des leaders de ce parti qui auraient conduit au seul point de vue des accommodements avec le capitalisme.

Guy Roy est coporte-parole du PCQ

Je voudrais apporter ici certains bémols face à une telle affirmation.

Il est effectivement possible que le néolibéralisme du PQ, comme courant au sein de ce parti, continuera à se consolider de manière durable. Cela se produira d’autant plus si les forces de gauche de gauche, au sein du mouvement souverainiste, à l’intérieur du PQ, de même qu’à l’extérieur de celui-ci, ne font rien pour essayer de contrer cette tendance.

C’est en même temps notre opinion qu’une éventuelle alliance entre tous les souverainistes peut contribuer à faire reculer cette tendance. Déjà le SPQ Libre s’y emploie. Si nous, à l’extérieur du PQ, y ajoutons aussi notre poids via une alliance, nous pourrons peut-être ramener le PQ à de meilleures politiques, en vue d’une indépendance qui fera du néolibéralisme un projet pro capitaliste fragilisé, par rapport au projet de pays annonçant du neuf dans les rapports de pouvoir.

Cela pourrait d’autant plus donner de bons résultats qu’une telle alliance aura été négociée sur la base d’une sorte de programme minimum commun qui reprendrait au moins en partie plusieurs des éléments de programme de Québec solidaire, ainsi que d’Option Nationale, qui ont au demeurant plusieurs points en communs, au niveau de leurs propres programmes politiques respectifs. Ce serait certainement mieux que de rester chacun dans notre coin, et laisser en plus le PQ continuer dans sa dérive.

Ceux et celles qui pensent qu’une telle alliance ne pourra jamais marcher, devraient se rappeler ce qui se passa en 1995, lors de la dernière campagne référendaire ; une alliance fut alors conclue entre, d’une part, le mouvement souverainiste, et d’autre part la défunte ADQ fédéraliste, sans qu’il ait eu besoin de faire trop de compromissions sur les buts de cette campagne référendaire. Si cela fut alors possible, alors il devrait être très possible, pour l’ensemble des trois grandes formations politiques souverainistes ,de trouver un minimum de terrain d’entente, dans le meilleur intérêt de la relance du combat souverainiste, ainsi que pour le Québec dans son ensemble.

Notre responsabilité est grande ; il s’agit entre autres choses de combattre le sectarisme, comme nous l’avons tous fait, pendant des années, pour sortir la gauche de sa propre marginalité. Ça nous a réussi. Sans une stratégie similaire pour l’unité des souverainistes, nous pousserions certains éléments plus hésitants du PQ dans leurs derniers retranchements, vers la droite québécoise. Ce serait une erreur.

Les marxistes-léninistes, dont j’étais, ont jadis fait une erreur d’ultra-gauche du même type, et celle-ci a objectivement favorisé, par la suite, les arguments des éléments les plus à droite au PQ. Nous n’avons pas le droit de tomber dans le même panneau ; notre devoir face au peuple du Québec, envers toute notre nation, est au contraire de tirer de justes leçons de cette époque, où les chapelles se multipliaient et s’invectivaient au nom de la pureté de l’idéal révolutionnaire.

Est-ce qu’une éventuelle alliance à trois, avec Option Nationale, Québec solidaire, et le PQ, ne permettrait pas justement de rendre en même temps le projet de pays beaucoup plus réalisable sur un horizon pas si lointain ?

Ce serait tout autant une erreur de conclure, sur la seule base des obstacles toujours bien en place, face au projet d’alliance, qu’on devrait s’en tenir, au moins pour le moment, à notre seul projet du combat contre le capitalisme. OU encore de retomber dans le panneau consistant à notre tour à secondariser à nouveau le combat pour l’indépendance. Comme si, de toute manière, ce combat pour une plus grande justice sociale pouvait être dissocié du combat pour notre propre indépendance nationale.

Nous, au Parti communiste du Québec, considérons que le combat pour l’émancipation sociale et nationale sont étroitement liés. Vous conviendrez en même temps avec moi que le projet communiste n’est pas ce qu’il y a de plus imminent, ici au Québec. Non qu’il faille mettre le socialisme de côté, mais cette option demande de notre part un regard modeste sur ce dont nous sommes nous même capables dans les circonstances. Le socialisme, que nous décrivons dans notre propre programme, demande l’adhésion d’une masse critique de salariés que nous ne pouvons prétendre avoir encore convaincus. Disons en même temps que l’apprentissage d’un mode de gouvernement socialiste est encore à l’ordre du jour des débats entre révolutionnaires, communistes, ou partis ouvriers dans le monde.

Québec solidaire ne se définit pas lui-même comme étant un parti d’inspiration clairement socialiste. Il ne va pas aussi loin, même s’il se dit par contre, anti-capitaliste. Force est en même temps de reconnaître, même avec un programme plus modéré, mais tout de même beaucoup plus radical que celui du PQ, que Québec solidaire est encore loin de regrouper des appuis d’une majorité de Québécois et de Québécoises.

Par contre, et en lui-même, le projet d’indépendance du Québec continue toujours, envers et contre toute la propagande pro-fédéraliste, à recueillir un très large appui dans la population. Un tel projet signifierait en même temps un immense progrès démocratique qui aboutirait à une liberté bien plus grande au cœur de la mondialisation impérialiste. Il y aurait alors encore bien plus d’opportunités de nous rapprocher d’un socialisme éventuel, dans la mesure où une telle vision aurait en même temps gagné une adhésion de la part d’un plus grand nombre de gens au Québec.

Comme je le soulignais plus haut, il n’y a toujours pas de révolution imminente chez nous au Québec, même avec un mouvement comme celui des étudiants. Les plus sectaires d’entre nous n’oseront peut-être pas l’admettre, mais s’il y a une révolution au Québec, elle aura sans doute plus le visage d’un combat anti-impérialiste conséquent et de longue portée. L’histoire du Québec ne s’arrêtera pas au lendemain de l’indépendance.

Tout cela pourra éventuellement nous amener à vivre des périodes de plus grandes effervescences , à condition encore une fois, que l’objectif de mener le Québec plus loin, soit en même temps partagé par beaucoup plus de gens, en particulier les salariés.

Là encore, une éventuelle alliance entre toutes les forces souverainistes pourrait contribuer non seulement à favoriser une telle accélération de ce processus, mais aussi à redonner en même temps beaucoup plus de confiance à un très grand nombre de ces même gens, d’autant que bons nombre d’entre eux adhèrent d’ores et déjà en grande partie au projet souverainiste.

Leurs leaders, en tout les cas, font souvent état de leur impatience envers cette cause. Au point où se créent aussi toutes sortes de forums, de regroupements, et de site WEB, … où tous font valoir un point de vue qui donne d’ores et déjà un aperçu de ce que pourrait être un projet de société pluraliste dans un Québec indépendant.

Est-ce à dire que nous devrions renoncer à affronter, au jour le jour, les affres du libéralisme économique et politique ? Absolument pas. Est-ce que la tentative de renouveler la social-démocratie pour s’en prendre aux mesures néolibérales après des années d’attentisme pendant les Trente Glorieuses est tout ce qui devrait mobiliser Québec solidaire, les syndicats ou les groupes populaires ? Pour avoir laissé perdurer l’illusion de s’accommoder d’un régime capitaliste, les réformistes sont de plus en plus acculés au pied du mur. Devrions-nous les laisser encore à eux-mêmes ? Et renoncer à un projet accessible qui pourrait en même temps les inclure ?

Sûrement pas ! C’est justement pour avoir enduré que le PQ oscille entre la droite et la gauche depuis tant années, tout en lui cédant le monopole de la question nationale, que les sociaux démocrates hors du PQ se retrouvent maintenant en retard sur leur objectif de libérer le Québec.

Le retour aux applications des théories économiques de Keynes ne sera pas suffisant. Éveiller le Québec au parcours de son émancipation nationale n’a pas de sens si on met en même temps de côté une population majoritairement composée de salariés. Lier l’émancipation sociale et émancipation nationale devra forcément devenir avec le temps une condition inévitable de la lutte pour un Québec libre.

Les réformistes du PQ, et la famille sociale démocrate dans son ensemble, ne pourront éternellement escamoter la tâche autour du projet politique de libération. Certains membres de la direction du PQ voudraient sans doute pérenniser l’ordre établi de la société capitaliste entre les salariés, marchands et non marchands. Mais devant une gauche qui prend de plus en plus à cœur le sort et la condition de la majorité, le PQ ne pourra pas reculer indéfiniment l’échéance du passage à l’indépendance à laquelle participent de toute manière ces mêmes salariés, et qui devront nécessairement avoir aussi une voix au chapitre, avec leurs programmes déjà bien élaborés. Cela s’applique tout autant à Québec solidaire qu’à toutes les autres forces de gauche, y compris nous mêmes, les communistes. Tout cela va aussi dans le sens de travailler à réaliser une éventuelle alliance entre tous ces forces.

Ces programmes, dont je viens de faire référence, contiennent déjà l’embryon politique d’un futur Québec souverain. Nous devons en être aussi fiers que ces PQistes qui veulent parfois nous narguer, mais qui demandent aussi, et en même temps, à leurs propres dirigeants de ne pas rejeter pour autant l’option de l’unité au sein du camp souverainiste. À nous de démontrer également un maximum d’ouverture face aux défis communs qui nous attendent encore.

Guy Roy

l’auteur est membre du collectif PCQ de Québec solidaire à Lévis.

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