Édition du 18 juin 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Non à l’Europe forteresse !

Sarkozy et Berlusconi souhaitent rétablir les frontières malgré les accords de Schengen, prenant prétexte de l’arrivée de milliers d’immigrants tunisiens pour renforcer leur politique xénophobe.

L’arrivée en Italie de 26 000 immigrants en quatre mois, venus de Tunisie, provoque une crise politique au niveau européen à propos des accords Schengen. Cela donne lieu à une fuite en avant raciste aussi bien de la part de Sarkozy que de Berlusconi. Ni l’un ni l’autre ne veulent de Tunisiens chez eux ! Malgré des divergences, ils sont d’accord sur un contrôle accru des frontières en Méditerranée.
Barroso, président de la Commission européenne, les soutient, en dépit de quelques bémols : « J’ai la conviction que nous partageons les mêmes objectifs, à savoir une meilleure gestion de la politique migratoire au niveau de l’Union européenne, plus coordonnée, plus renforcée, plus solidaire et surtout plus commune. »

L’Union européenne (UE), qui se prétend un « espace de liberté de circulation intérieure », rétablit des frontières en son sein même. Le gouvernement français organise une véritable chasse au faciès pour bloquer tous les migrants arrivant de Tunisie à Vintimille, à Marseille, à Paris... Depuis que le gouvernement italien vient d’accorder aux migrants venus de Tunisie des papiers provisoires d’une durée de six mois leur permettant légalement de circuler au sein de l’UE, le gouvernement français joue la surenchère sécuritaire, agitant à nouveau « le spectre de l’invasion ».

Il est important de dénoncer ce fantasme. Contrairement à ce que prétend Sarkozy, ces nouveaux arrivants ne constituent en rien une menace pour l’Europe. Selon la fondation Schuman, la population immigrée est stable depuis 20 ans, à 8, 5 %, soit près de 35 millions d’immigrés dans l’UE. C’est moins qu’aux USA où les immigrés représentent 12, 5 % de la population. Entre 2000 et 2005, le solde migratoire moyen de l’UE était de 1, 2 million d’immigrés en plus par an. Le « problème » tunisien ne représente qu’une augmentation de 2 %.

L’augmentation de cette immigration est due à deux raisons principales : la guerre en Libye et la chute du régime dictatorial de Ben Ali. 165 000 personnes au moins ont fui la Libye vers la Tunisie et les bombardements menés par l’Otan et l’UE ne sont pas pour rien dans l’aggravation de la situation dans toute la région. Depuis plusieurs années, dans le cadre des accords de Schengen, l’UE coopérait avec les polices de Kadhafi et Ben Ali dans le cadre de Frontex (400 millions d’euros par an). Ce dispositif meurtrier de flicage de la Méditerranée organisé par l’UE est devenu moins « efficace », même si la traversée reste risquée. On comprend aisément qu’aujourd’hui plus de gens arrivent.

La réponse à cette augmentation des migrations ne peut être un contrôle accru des frontières, internes comme externes de l’UE, ni des moyens supplémentaires pour l’appareil sécuritaire Frontex. Nous refusons évidemment la démagogie raciste de Sarkozy, qui tente de reconquérir l’électorat de Marine Le Pen. Cambadélis pour le PS a déclaré que « fermer nos frontières, cela ne règle rien ». Même Chérèque, peu connu pour sa radicalité, s’y oppose : « On ne doit pas agir tel qu’on le fait actuellement [...], ce n’est pas une invasion ». Même s’ils évoluent, tous les deux défendent une position qui reste cependant très ambigue de contrôle strict et « humain » des flux migratoires, puisqu’ils acceptent l’argument de la droite de renvoyer « chez eux » les Tunisiens, mais seulement d’ici quelques mois.

Riposte antiraciste

Localement, les initiatives se multiplient pour soutenir et accueillir les migrants de Tunisie. À Paris, des locaux sont occupés, avec le soutien de la mairie. Dans le sud, appuyé par des militants, des avocats ont déjà fait annuler les arrestations à la frontière de plusieurs dizaines de Tunisiens car leur titre de séjour accordé en Italie est bien légal. Des militants italiens avaient accompagné des migrants à Vintimille pour un passage en train de la frontière franco-italienne, mais la police française a bloqué le départ même du train.

La gauche doit maintenant s’investir beaucoup plus dans la mobilisation pour faire cesser cette politique anti-immigrés. La CGT, la FSU, Solidaires, des sections CFDT, ainsi que toute la gauche politique à l’exception du PS, sont signataires de l’appel unitaire « d’ailleurs, nous sommes d’ici » à manifester le 28 mai. Soyons le plus nombreux possible dans la rue dans toute la France, afin d’exiger « Des papiers pour qui ? Des papiers pour tous ! »

Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 101 (04/05/11)

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