Madame la ministre,
En cette Journée internationale des femmes, nous ne pouvons résister à l’envie de vous écrire. Nous avons lu samedi dernier en ces pages, que vous préfériez parler d’égalité aux jeunes plutôt que de féminisme. Et que nous devions « modérer notre discours si nous voulions qu’il continue d’être accrocheur ». Vos propos sont pour le moins surprenants venant de la ministre de la Condition féminine.
Les auteures de ces lignes sont toutes deux féministes. L’une est une sexagénaire en pleine forme et l’autre est une jeune femme de 23 ans. L’une est devenue féministe à l’âge de 32 ans, l’autre, beaucoup plus tôt. Ce que nous avons en commun : des amies, des collègues, des journalistes, des politiciennes, des professeures n’ont pas craint de nous parler de féminisme et des luttes des femmes pour l’égalité.
Comment prôner l’égalité sans rappeler ce qu’ont été les luttes menées au nom d’une conception féministe du monde ? Pourquoi masquer aux jeunes cette grille d’analyse essentielle qui a permis à des millions de femmes de comprendre qu’elles étaient -et sont encore- discriminées par rapport à l’autre sexe ? Un exemple : l’analyse féministe nous a appris que le travail des femmes a toujours été considéré comme ayant moins de valeur que celui des hommes et cela a amené une immense coalition québécoise de groupes féministes à réclamer et obtenir une loi sur l’équité salariale.
Depuis les débuts des luttes des femmes pour l’égalité, les préjugés ont la vie dure. On traite les féministes de mal-baisées, de frustrées, d’anti-hommes, voire, de lesbiennes, l’insulte suprême aux yeux de plusieurs. Il n’est pas étonnant que des jeunes femmes, et même des moins jeunes, craignent d’être associées à celles que l’on s’acharne à décrire comme des viragos insupportables ! Cela ne date pas d’hier.
Il faut refuser, madame la ministre, de baisser les bras devant nos éternels détracteurs. Leur faire face. Dire : « Nous sommes féministes » et expliquer ce que ça signifie. Ne pas « modérer » un discours féministe, qui est inclusif et surtout porteur d’espoir pour les femmes et les hommes du Québec.
Car, qu’est-ce que les féministes québécoises proposent aujourd’hui ? Réduire de façon significative les inégalités sociales, protéger les services publics, assurer une retraite digne à toutes et à tous, créer des emplois durables et accessibles aux femmes et aux hommes de tous les milieux et de toutes les origines, mettre en œuvre des mesures de conciliation famille-travail, éliminer les violences faites aux femmes et développer leur confiance en elles, en particulier, face à leur image corporelle. Voilà un beau programme ! Comment ne pas souscrire à ces propositions porteuses d’un projet de société mobilisant pour tout le monde ?
En cette Journée internationale des femmes, nos tenons à nous afficher clairement : féministes nous sommes, féministes nous resterons. Fièrement !
Françoise David, Présidente et porte-parole,Québec solidaire
Emilie Guimond-Bélanger, responsable Commission nationale des femmes, Québec solidaire