J’ai été très heureux et j’ai énormément profité de pouvoir participer pendant 2 jours à un colloque où étaient invités les plus grands spécialistes du Moyen orient. C’était en mai dernier à l’Université Laval dans le cadre du 81e congrès de l’ACFAS. J’ai pu y confirmer plusieurs idées et en ajuster certaines autres. Le thème de ce colloque était d’étudier si les suites du Printemps arabe ne pourraient pas s’expliquer par le filtre d’une montée des minorités. Selon un des ces éminents spécialistes, Khattar Abou Diab, les Kurdes sont de très loin le plus important peuple du moyen orient toujours sans état. Une avancée de la question kurde pourrait certainement contribuer à rendre plus sereine la vie dans cette région du monde.
Je commence par quelques chiffres pour vous situer. Les Kurdes sont entre 30 et 35 millions, comme le Canada entier. Ils sont 15 millions en Turquie, 7-8 millions en Iran, 5 en Irak, 2 en Syrie. Sur un total de près de 10 millions en exil, selon le site web de l’institut Kurde de Paris [www.institukurde.org] La diaspora kurde d’Occident est à près de 85% formée de Kurdes de Turquie. Les Kurdes d’Irak viennent en second lieu. Les estimations les plus courantes font état de la présence d’environ 1.2 million de Kurdes en Europe occidentale. Ils forment d’importantes communautés en Allemagne (650 000), en France (130 000), aux Pays-Bas (85 000), en Grande-Bretagne (35 000), et en Suède (50 000). Celle-ci, en raison d’une politique d’immigration généreuse initiée par Olof Palme et d’incitations matérielles pour l’édition et la création, a su attirer une part importante de l’intelligentsia kurde tandis que l’Allemagne abrite surtout une immigration ouvrière. En comparaison, ils sont aux États-Unis (30 000) et au Canada (plus de 10 000).
Bref élément d’histoire
À la suite de la guerre de 1914-18, le Traité de Sèvres du 10 août 1920, dans sa section III aux articles 62 à 64, les Alliés (France, Grande-Bretagne et États-Unis) avec l’Empire Ottoman, prévoient la création d’un État kurde. Ce traité ne sera jamais appliqué sur le terrain. Jusqu’à sa victoire définitive sur les Grecs en 1922, Mustafa Kemal n’a cessé de promettre la création d’un État musulman des Turcs et des Kurdes.
Le 24 juillet 1923, un nouveau traité fut signé entre le gouvernement kémaliste d’Ankara et les puissances alliées. Il rendait caduc le Traité de Sèvres et sans apporter aucune garantie en ce qui concerne le respect des droits des Kurdes consacrait l’annexion de la majeure partie du Kurdistan au nouvel État turc.
À la fin de 1925, le pays des Kurdes, connu depuis le XIIème siècle sous le nom de "Kurdistan", se trouvait partagé entre 4 États : Turquie, Iran, Irak et Syrie. Et pour la première fois de sa longue histoire, il allait être privé même de son autonomie culturelle.
Plus près de nous, depuis qu’ils ont bénéficié d’une protection américaine durant la guerre en Irak, dans la province du nord, ils ont pratiquement une autonomie de fait. Ce qui constitue une base arrière importante pour leurs frères de Turquie. Justement en Turquie le Premier ministre Erdogan qui souhaite redorer son image afin d’augmenter ses chances de rejoindre l’Union européenne a encouragé des discussions avec un de ces plus illustre prisonnier politique, à savoir Abdoula O’Callan chef d’un des principaux parti kurde en Turquie, le PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan). À la suite de ces tractations, celui-ci, a publiquement demandé à ces partisans d’abandonner les armes et de participer à la vie démocratique du pays.
Ainsi à terme, les tensions ont des chances de diminuer. Par exemple, depuis quelques années en Turquie les Kurdes peuvent enseigner leur langue dans quelques écoles primaires. En Iran, il existe une relative indépendance culturelle mais rien de politique (Cf. Houchang Hassan-Yari). En Syrie, dans l’actualité chaude le projet de reconquête par Hassad du contrôle de la région d’Alep, il se pourrait bien que l’importante minorité kurde vivant dans cette région joue un rôle. Les Kurdes du nord de la Syrie rêvent d’une autonomie provinciale. C’est à suivre.
Et les perspectives d’avenir pour le Moyen orient ?
Selon le spécialiste du Moyen Orient, le professeur Khattar Abou Diab, affirme que de repenser les frontières, les grands dirigeants internationaux y résistent toujours le plus possible. Au Moyen orient, avec la fin de la Syrie, par exemple, ce serait de l’instabilité pour de 10 à 20 ans, il est presqu’impossible d’y penser. D’autre part, il affirme que ce serait LA solution à bien des problèmes. Ce serait aussi de répondre aux promesses faites à la fin de la Première guerre mondiale aux Kurdes avec la fin de l’Empire Ottoman.
J’ajoute, en terminant, y aura-t-il moins d’instabilité si les frontières restent figées ?