Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique d’austérité

Les femmes aux premières lignes des mesures d'austérité

Une nouvelle recherche révèle que les femmes seraient les plus durement touchées par les mesures d’austérité du gouvernement Couillard. Au final, elles assumeraient 4,5 milliards de dollars de plus de compressions que les hommes. Quant aux mesures de relance, elles favoriseraient les hommes de manière disproportionnée. Comment expliquer une telle situation ? Nouvelles CSQ a rencontré l’un des chercheurs responsables de l’étude.

« Les mesures de relance visent à dynamiser l’économie par des transferts aux personnes ou aux entreprises ainsi que par des projets d’infrastructures, lesquels comptent surtout des emplois masculins. Les mesures d’austérité, quant à elles, se traduisent par des taxes ou des tarifs auxquels s’ajoutent des compressions budgétaires imposées aux organismes et aux ministères, là où la main-d’œuvre féminine est importante », explique Eve-Lyne Couturier.

À la demande de l’Intersyndicale des femmes, dont fait partie la CSQ, et du groupe Relais-femmes, Simon Tremblay-Pepin et elle, tous deux chercheurs à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), ont étudié les effets des mesures d’austérité du gouvernement Couillard en se penchant sur quatre stratégies, soit :

1. l’effort de contrôle des dépenses demandé aux ministères et aux organismes publics ;
2. les réductions ou gels de salaires et les réductions de personnel ;
3. les hausses de taxes, de tarifs et l’imposition des particuliers ;
4. les pressions sur le secteur de la santé.

Un transfert de responsabilités sur les femmes

Selon la chercheuse, les compressions dans les services publics et les programmes sociaux entraînent un transfert des responsabilités collectives sur les individus, particulièrement sur les femmes. « Ces dernières se voient alors dans l’obligation de prendre la relève, car ce sont elles qui, majoritairement, assument encore les tâches domestiques et les responsabilités familiales, même si les choses changent lentement. »
Plus encore, Eve-Lyne Couturier précise qu’« en utilisant le revenu des ménages pour diminuer les prestations familiales, on rend invisibles les personnes gagnant moins. On instaure aussi une certaine dépendance dans le couple, car les services sont alors accessibles en fonction du budget du couple et non plus en fonction de celui des individus. Dans le cas des services de garde, par exemple, les compressions auront une influence plus importante sur le deuxième revenu du ménage ».

L’emploi des femmes plus touché

Pour leur part, les compressions dans la masse salariale, soit par le gel ou la réduction des salaires, jumelées aux abolitions de postes dans les services publics touchent directement l’emploi des femmes, puisqu’elles représentent près de 62 % des personnes salariées dans ce secteur. Résultat : le nombre de postes de qualité occupés par des femmes est réduit, tout comme leurs possibilités de se projeter dans un emploi à haute valeur sociale et productive.

L’égalité des sexes... sur la glace

En s’intéressant à l’expérience des pays européens qui ont mis en place des mesures d’austérité, les chercheurs ont constaté que la grande majorité d’entre eux ont remis à plus tard leur politique d’égalité des sexes. L’exception, c’est l’Islande qui a refusé de sacrifier ses politiques d’égalité au nom de l’austérité.
Ces pays européens ont resserré ou aboli plusieurs programmes importants pour l’égalité des sexes, dont les congés parentaux et de paternité ainsi que plusieurs formes de soutien financier, comme l’aide sociale.
Ils ont également apporté des changements importants aux régimes de retraite, au détriment des femmes puisqu’elles cotisent généralement moins, en raison de leur salaire plus faible, et moins longtemps dû à leur carrière plus courte. À cela s’est ajoutée la diminution – voire l’arrêt – du financement des groupes de défense des droits des femmes ou des ressources, comme les centres d’hébergement.
Une tactique qui ne date pas d’hier

Au Québec, cela fait plus de 20 ans que les gouvernements successifs sabrent dans les programmes sociaux et les services publics. Et ces mesures s’additionnent. « On cherche à transformer un État providence, composé de citoyens, en un État de contribuables, formé de consommateurs. Ce n’est pas unique au Québec ni à la période dans laquelle on vit. Mais cette période-ci en est une de restructuration majeure sur les plans des services, de la fonction publique et du gouvernement », explique Eve-Lyne Couturier.

« Ici comme en Europe, le redressement des finances publiques représente une occasion pour les gouvernements d’aller plus loin dans le "recentrage du rôle de l’État", dans "l’amélioration de l’organisation du travail" et dans "l’adaptation du rôle des programmes" à la nouvelle réalité », poursuit-elle. La spécificité des femmes n’étant pas considérée, aucune mesure ni aucun programme ne sont mis en place pour freiner les effets indéniables de l’austérité sur elles. En conséquence, les femmes seront les grandes perdantes de ces politiques.

1 La recherche estici.

Sur le même thème : Politique d’austérité

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...