Dans la série américaine Zoo, tirée du roman éponyme de James Patterson et Michael Ledwidge et diffusée entre 2015 et 2017 sur CBS, les animaux sauvages, partout dans le monde, commencent soudainement à attaquer les humains. Pure fiction. Et c’est dommage.
À lire le dernier rapport « Planète vivante » du WWF, on pourrait espérer un sursaut animal tant celui des humains peine à convaincre. Ce rapport montre un « déclin global de 60 % de l’effectif des populations de vertébrés sauvages [poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles, Ndlr] entre 1970 et 2014 ». Ce déclin s’observe dans toutes les régions, « mais ces diminutions sont particulièrement prononcées dans les trois zones tropicales. Ici, l’abondance moyenne des vertébrés en 2014 a diminué de moitié par rapport à 1970 », précise WWF. Qui ajoute que la région néotropicale, couvrant l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale, a subi le déclin le plus important « avec une perte de 89 % par rapport à 1970 ».
L’ONG cite trois exemples pour illustrer son propos. L’éléphant africain, d’abord, dont l’espèce a subi un déclin de 86 % depuis 1976, notamment à cause du braconnage. L’orang-outang de Sumatra ensuite dont l’habitat est menacé par un « déboisement toujours plus effréné » à cause de l’industrie du bois, des plantations de palmiers à huile et autres exploitations agricoles. Les manchots Adélie, enfin, qui subissent de plein fouet la hausse rapide de la température en Antarctique occidental.
Le rapport de WWF nomme ce phénomène « la grande accélération » : « L’explosion démographique et la croissance économique entraînent des changements planétaires sans précédent en raison de la demande accrue en énergie, en terres et en eau. » Toujours selon l’ONG, sur les cinquante dernières années, l’empreinte écologique humaine a augmenté d’environ 190 %.
Au banc des accusés : l’agriculture intensive, l’élevage, la dégradation des sols et leur imperméabilisation, la surpêche, les pollutions et notamment le plastique et le dérèglement climatique.
« Les causes immédiates de la dégradation des terres sont généralement locales (gestion inadaptée des ressources terrestres), mais les facteurs sous-jacents sont souvent régionaux ou mondiaux, notamment une demande croissante de produits dérivés des écosystèmes, supérieure à la capacité décroissante des écosystèmes à les fournir », précise WWF.
Le constat n’est pas neuf et ne concerne pas que les vertébrés. Le 15 octobre, le Washington Post faisait état d’une nouvelle étude scientifique signée par Bradford C. Lister et Andreas Garcia – le premier est biologiste, le second écologiste – dans Proceedings of the National Academy of Science. Bradford C. Lister étudie les invertébrés dans la forêt tropicale El Yunque de Porto Rico depuis quarante ans.
« Nous nous sommes rendus en 1976-1977 dans cette forêt pour étudier les ressources : les insectes, les insectivores, les oiseaux, les grenouilles, les lézards », déclare Lister au Washington Post. Revenu quasiment quarante ans plus tard sur les mêmes lieux, le chercheur a été ébahi de ce qu’il voyait, ou plutôt de ce qu’il ne voyait plus.
Les chercheurs ont dressé des pièges à insectes, et plus particulièrement à arthropodes (les araignées et autres centipèdes), au sol, mais aussi dans la canopée. Entre 1977 et 2013, le taux de capture a été divisé par soixante. Les chercheurs ont également dénombré les espèces qui vivent des insectes, par exemple les lézards anoles. Ceux-ci sont 30 % moins nombreux. Certaines espèces ont totalement disparu.
D’autres équipes ont capturé des oiseaux en 1990 puis à nouveau en 2005. Résultat : une chute de 50 % des captures.
Les chercheurs notent que cette forêt est relativement préservée de la pression directe de l’homme. La cause pourrait provenir du dérèglement climatique. Ils ont observé une hausse de près de 2 °C de la température moyenne sur la période ; or les invertébrés ne possèdent pas de capacité à adapter leur température au contraire des vertébrés.
WWF parle de « changements rapides et sans précédent pour la planète ». Pour inverser la tendance, l’ONG plaide pour un « accord mondial pour la nature et les peuples (...) qui aborderait les questions capitales suivantes : comment nourrir la population mondiale croissante ? Comment arriver à un réchauffement à 1,5 °C ? Et comment permettre à la nature de se restaurer ? »
« Nous demandons l’accord international le plus ambitieux à ce jour : un nouvel accord mondial pour la nature et les peuples, afin d’inverser la courbe de la perte de biodiversité. Les décideurs, à tous niveaux, des individus aux communautés, en passant par les pays et les entreprises, doivent faire les bons choix en termes de politiques, de finance et de consommation pour que l’humanité et la nature puissent prospérer à nouveau », explique le rapport. « D’ici à 2020, année où les leaders mondiaux prendront des décisions clés sur la biodiversité, le climat et le développement durable, nous avons une opportunité unique de créer un élan qui nous guidera vers l’accord le plus ambitieux à ce jour : celui qui proposera une feuille de route en faveur de la biodiversité et des populations, pour 2050 et bien après », ajoute-t-il.
Pour WWF, la solution passera par des « changements majeurs dans les activités de production, d’approvisionnement et de consommation ». C’est à peu de choses près la même conclusion à laquelle sont parvenus les experts du Groupe d’experts intergouvernemental pour le climat (Giec) dans leur rapport spécial rendu début octobre. Mais comme nous l’expliquions alors, tout porte à croire que l’ampleur des changements à opérer, et la rapidité avec laquelle il faudrait les réaliser, rend une telle réponse tout à fait improbable. Sans compter, pour prendre un dernier exemple récent, l’élection d’ennemis déclarés de la planète, comme ce fut le cas la semaine passée au Brésil. Le nouveau président d’extrême droite n’a-t-il pas promis de faire de la forêt amazonienne un paradis pour l’industrie agroalimentaire ?
Au rythme actuel, il apparaît plus probable que l’espèce humaine disparaisse avant que toute vie sur terre ne s’éteigne (comme l’expliquait Hubert Reeves, par exemple, en janvier 2017). Une étude publiée le 30 octobre dans Proceedings of the National Academy of Science donne un éclairage à cet égard assez édifiant.
Matt Davis, Søren Faurby et Jens-Christian Svenning se sont prêtés à un exercice inédit : rebâtir « l’arbre de la vie » des mammifères, en retracer les branches et leur évolution dans le temps. Avec pour objectif de répondre à cette question : « Combien de temps faudrait-il aux mammifères pour évoluer suffisamment pour recréer les espèces disparues à cause de l’homme ? » La réponse se situe entre trois et sept millions d’années.
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