À l’époque où le Québec était dominé par l’idéologie religieuse catholique,
on entendait des politiques, des journalistes, des professionnels parler de
la « grâce de Dieu » ou de « providence » comme si c’était des choses
démontrées. Il ne venait à l’idée de personne de contester publiquement
l’utilité de la prière quotidienne à la radio.
La nouvelle religion, celle qui fait dire des absurdités sans que personne
ne sourcille, est celle de l’économie. Malheureusement, cette religion fait
des ravages dans tous les pays occidentaux. Et il est remarquable de voir
même l’attitude de tous les journalistes lorsqu’ils interviewent les
politiques ou les économistes opiner du bonnet lorsque ceux-ci récitent la
vulgate des principes austéritaires.
Alors même que les expériences d’austérité ont entraîné la plupart des pays
dans une spirale déstructurante, les rares qui s’y opposent sont vus au
mieux comme de doux rêveurs, au pire comme de dangereux psychopathes.
J’ai entendu récemment à la radio la célèbre Christine Ockrent poser la
question suivante à un économiste invité (économiste de droite, on s’en
doutait) : « Hollande aura-t-il le courage de prescrire les mesures
d’austérité qui s’imposent ? » La question ne portait donc pas sur la
pertinence des mesures d’austérité.
C’est assez fort de café, même si on connait les accointances de la fameuse
intervieweuse, n’est-il pas son rôle de pousser l’interviewé à se justifier
plutôt que de l’encourager à faire pression sur quelqu’un d’autre ?
J’ai entendu la même chose à Radio-Canada quand un animateur et un
reporteur faisaient des gorges chaudes avec l’intention du président du
Vénézuela de rendre l’inflation illégale. On a la mémoire courte, car
c’était aussi l’intention du Parti conservateur de Robert Stanfield au
Canada en 1974, qui a été battu par le Parti libéral du Canada en
opposition féroce à cette mesure. Devinez qui l’a appliquée dès 1975 ? Le
gouvernement Trudeau !
Pour en revenir à notre religion d’État, on peut concevoir que ce n’est pas
par mauvaise volonté si tous les grands médias et leurs employés chantent
en choeur les louanges de l’austérité économique, ils en sont rendus à
croire, comme on croyait jadis aux dogmes catholiques, que ces idées
relèvent de l’ordre naturel des choses.