Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le blogue de Donald Cuccioletta : « La Gauche américaine en 2020 - Stratégies et perspectives »

La grève générale prévue aux états-Unis pour le 1er mai a eu lieu

Avant d’analyser les résultats et les impacts de cette grève générale, nous croyons important de rappeler les raisons de cet appel à la grève générale lancé par différents groupes socialistes, comme Cooperation Jackson au Mississippi, les Black Socialists of America, certains syndicats comme les travailleurs et travailleuses dans l’industrie des services, travailleurs et travailleuses d’entrepôt, ainsi des groupes populaires et communautaires dans plus de 20 villes américaines.

La grève générale pour le 1er mai correspondait avant tout à une volonté de montrer à la classe capitaliste que la classe ouvrière américaine dénonçait la stratégie désastreuse contre la pandémie, qui est toujours utilisé par les élu-e-s à tous les niveaux du système politique. Au moment de l’appel à la grève générale, il y avait 26 millions de travailleuses et de travailleurs qui étaient sans emploi. Aujourd’hui, ce chiffre s’élève à 30 millions. Cette situation est du jamais vu par la classe ouvrière américaine depuis la grande crise des années trente. Sans emploi - et il ne faut pas oublier que l’assurance chômage dans plusieurs états ne dure que de deux à quatre semaines - les ouvriers et ouvrières ne pouvaient pas payé leurs loyers, leurs hypothèques, les paiements sur leurs voitures et les nécessités de base comme l’épicerie. Ils et elles font face à une situation de pauvreté qui pourrait s’étendre sur plusieurs années.

Cette grève se voulait aussi un avertissement adressé la classe capitaliste : malgré la sévérité de la pandémie, les ouvriers et ouvrières n’accepteront jamais des mesures arbitraires et autoritaires pour leur faire payer les conséquences de la crise. Kali Akuno, de Cooperation Jackson, a affirmé dans un Zoom quelques jours avant la grève que la lutte devait continuer indépendamment de la difficulté à se mobiliser. Dans une crise comme celle-ci, une grève est la meilleure occasion pour la classe ouvrière américaine de démontrer que la lutte va continuer contre les capitalistes et leur système. Malgré les conditions difficiles dans lesquelles cette grève a été menée, particulièrement dans certaines villes telles que Détroit, New York et Atlanta, elle a néanmoins eu lieu.

Les travailleurs et travailleuses dans les entrepôts de Amazon en Californie ont tenu un débrayage de midi à 15h devant les différents entrepôts à travers l’État, demandant une meilleure protection contre le virus sur les lieux de travail, des indemnités pour ceux et celles qui ont attrapé le virus et davantage de pauses dans la journée de travail. Il faut aussi savoir que les travailleurs et les travailleuses d’Amazon, mènent une lutte contre cette compagnie depuis six mois dans l’état de la Californie. Dix employé-e-s d’Amazon ont été arrêté-e-s par l’antiémeute à Oakland.

À San Francisco et à Oakland, les ouvriers et ouvrières ont mené des actions dans leurs différents quartiers, et devant la mairie de San Francisco pour supprimer les loyers pour le mois de mai et éventuellement réduire le coute des loyers. À Oakland, la communauté noire a mis sur pied des cuisines publiques dans différents quartiers de la ville pour s’assurer que les enfants auront un repas et pour donner à leurs parents des paniers d’épiceries. Nous savons selon le New York Times qu’un enfant sur cinq ne mange pas à sa faim aujourd’hui à travers les États-Unis. « Make America Great Again » Monsieur Trump.

D’autres travailleurs et travailleuses devant la compagnie de distribution alimentaire « Whole Foods » ont distribué à leur période du midi des repas pour les sans-abris et les plus pauvres de la communauté. À la compagnie Skipit qui appartient à Target, les employé-e-s ont distribué des tracts sur les coins de rue pour expliquer l’importance du1er mai. D’autres actions, toutes différentes l’une des autres, ont eu lieu dans l’État de l’Ohio, du Kentucky, au Massachusetts, au Colorado et en Floride.

À Dallas selon notre camarade Kristian Hernandez, la communauté latinx c’est organisée dans les différents quartiers latinx, tout en respectant la distanciation sociale, afin d’écouter les résidents et résidentes et de faire comprendre le 1er mai. Plusieurs réseaux ont été formés via Zoom à travers les États-Unis pour encourager et défendre les locataires qui ont été ou sont sur le bord de se faire expulser de leurs logements ou de leurs maisons. Certes, il n’y avait pas foule ni des grandes marches ni des grands rassemblements, les conditions ne le permettant pas. Néanmoins, les ouvriers et les ouvrières, les militants et les militantes dans les groupes populaires et communautaires se sont mis à l’œuvre, pour défendre leurs revendications, pour faire l’éducation populaire sur le 1er mai, et pour lancer un message à la classe capitaliste qu’en dépit de la pandémie, ils et elles seront toujours dans la lutte.

Comme nous l’avons dit, il n’y avait pas foule, donc les médias capitalistes n’en ont pas parlé. Bernie n’est plus dans la course à l’investiture, alors pourquoi parler de la gauche et surtout de leurs actions ? Évidemment certaines critiques ont surgi de la droite et l’extrême droite, surtout que dans la même période plusieurs États avaient commencé à rouvrir l’économie, en dépit du fait que les morts et les cas du COVID-19 avaient augmenté à travers le pays.

Il faut admettre aussi que certaines critiques sont venues de la gauche. Il fallait certes célébrer le 1er mai, mais organiser une grève générale dans ce contexte était perçu par certains et certaines comme du gauchisme. Face à une pandémie, des critiques de gauche pensent qu’il fallait plutôt mettre nos énergies à combattre cette crise, surtout que la grande majorité des personnes atteintes et décédées par le COVID-19 sont issues de la classe ouvrière. Mais à l’opposé de toutes ces critiques, un excellent article est apparu dans Jacobin qui décrivait la grève générale de 1919 à Seattle en pleine crise de la grippe espagnole.

Cette Grève générale, sans être nécessairement une grande victoire à néanmoins soulevé des débats au sein de la gauche américaine. Ceci démontre qu’une des leçons à tirer de cette expérience de la grève générale est avant tout que la gauche socialiste aux États-Unis demeure encore composée par une variété de tendances, sans nécessairement une analyse commune, avec différentes positions sur les multiples contradictions qui existent aux États-Unis.

L’autre leçon à tirer et probablement la plus importante est la fragilité organisationnelle qui existe encore, face a un mouvement qui vit une renaissance et qui, selon certains et certaines, existe depuis les élections présidentielles de 2016 avec Bernie Sanders. D’autres diront cette renaissance s’inscrit dans une longue tradition de la gauche aux États-Unis depuis Eugene V. Debs.

Selon nous, la véritable leçon pour la gauche américaine autour de cette expérience de la Grève générale pour le 1er mai se trouve dans les réflexions, les discussions politiques et idéologiques qui ont surgi après cette expérience. En somme, la base sur laquelle un véritable mouvement éco socialiste peut réussir et grandir est le débat pour trouver une position commune et non dogmatique à partir de laquelle, selon Gramsci, une hégémonie de la société civile peut naître pour mener la lutte de classe contre l’hégémonie des idées bourgeoises et capitalistes.

La router sera longue, mais la lutte continue. Lotta Continua

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