Ce massacre s’étend à la Cisjordanie et peut-être au-delà comme l’incite tous ses bombardements et incursions de l’État sioniste jusqu’au seuil d’une invasion du Liban. À contrario, les peuples rejettent ce va-t’en-guerre, même de plus en plus le peuple israélien lui-même malgré la déformation médiatique ultra-nationaliste de la guerre renforçant l’idéologie sioniste qui l’empoisonne. Loin d’être condamné par les plus importants gouvernements occidentaux à commencer par leur chef de file étatsunien, ce génocide est cautionné et soutenu sans état d’âme par leurs classes dirigeantes, ce qui décrédibilise d’a à z le bien-fondé idéologique de leur soutien intéressé et réservé à la lutte de libération nationale du peuple et du gouvernement ukrainiens contre l’envahisseur impérialisme russe. On se dit que les armes envoyées à Israël devraient être destinées à l’Ukraine sans qu’il ne soit nécessaire de hausser les dépenses militaires.
Les grands médias braquent de plus en plus ailleurs que sur Gaza les projecteurs de l’actualité tout en corroborant ou suggérant les mensonges de l’État israélien traitant chaque habitant de Gaza (et de plus en plus shiite-libanais) en terroriste ou son protecteur. Pendant que chaque otage israélien assassiné — un crime de guerre certes tout comme les meurtres civils du 7 octobre — est nommé et personnalisé, les plus de 40 000 palestiniens gazaouis massacrés, majoritairement femmes et enfants, demeurent une froide statistique tout comme les centaines de palestiniens cisjordanien assassinés sans compter les dizaines de milliers de morts pourrissant sous les décombres, les centaines de milliers d’éclopées et les milliers de prisonniers souvent torturés dans les prisons israéliennes. Qui s’intéresse aux cris d’alarme devenus rituels du Secrétaire général des Nations unies et de ses hauts fonctionnaires ? Pourtant les récents propos de Philippe Lazzarini, commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) mériteraient d’être médités et discutés :
Les onze derniers mois de guerre ont été atroces pour la population de Gaza. Onze mois à revivre les traumatismes anciens du déplacement forcé et de la séparation des familles. Onze mois à endurer de nouveaux traumatismes comme la faim extrême et le retour de maladies dévastatrices comme la polio. Aujourd’hui, Gaza est un endroit qui horrifie même les humanitaires les plus chevronnés. C’est un terrain vague, impropre à la vie humaine. Et pourtant, deux millions de personnes y restent piégées. La quasi-totalité de la population est désormais concentrée sur environ 10 % de cette étroite bande de terre. Des masses de gens désespérés vivent au milieu de rivières d’eaux usées et de montagnes d’ordures, avec des rats, des cafards, des serpents et des scorpions. Chaque personne est épuisée, malade et a dépassé depuis longtemps les limites de son endurance. Cette situation est totalement inhumaine. […]
Je crains que si cette obscurité persiste, nous ne soyons désensibilisés à la souffrance des civils de Gaza et que nous ne commencions à tourner le dos à leur sort - le manque d’empathie et de compassion dont nous avons déjà entendu parler. Et s’il devient fatigant d’entendre parler de Gaza, comment pouvons-nous comprendre à quel point il est épuisant d’y vivre ? Cette crise ne touche pas seulement les Palestiniens de Gaza. Elle a des implications pour chacun d’entre nous. […] Plus de 600 000 filles et garçons ne sont pas scolarisés et vivent dans les décombres. La région ne peut pas se permettre de perdre une génération entière, qui sèmerait les graines de la haine et de l’extrémisme. Ramener les enfants à l’école est une question d’urgence qui devrait tous nous mobiliser. […]
L’Office, l’UNRWA, est la cible d’attaques incessantes. À Gaza, 214 membres du personnel de l’UNRWA ont été tués. Plus des deux tiers de nos bâtiments ont été endommagés ou détruits. En Cisjordanie occupée, en proie à une escalade de la violence, l’espace opérationnel de l’UNRWA se rétrécit. Un projet de loi déposé à la Knesset israélienne vise à expulser l’Office des locaux qu’il occupe depuis plus de 70 ans, à révoquer ses privilèges et immunités et à le désigner comme une organisation terroriste. Il est sans précédent et inadmissible qu’un État membre des Nations unies tente de désigner une entité des Nations unies, mandatée par l’Assemblée générale, comme une organisation terroriste. Mais l’UNRWA n’est pas le seul à être attaqué. Dans l’ensemble du territoire palestinien occupé, le personnel des Nations unies et des ONG internationales est progressivement éliminé par le non-renouvellement des visas. La campagne de démantèlement de l’UNRWA et de mise à l’écart de l’ensemble de la communauté humanitaire vise à priver les Palestiniens de leur statut de réfugié et à modifier unilatéralement les paramètres établis de longue date en vue d’une solution politique. […]
Un cessez-le-feu à Gaza est impératif. L’Agence a un rôle essentiel à jouer au cours de la transition, inévitablement longue et douloureuse, qui s’ensuivra. L’avantage le plus frappant de l’Office réside dans l’éducation et les soins de santé primaires. En l’absence d’un État à part entière, seul l’UNRWA peut répondre aux besoins des réfugiés palestiniens en matière d’éducation et de soins de santé. Enfin, les tentatives de fermeture et de marginalisation de l’UNRWA doivent être rejetées dans les termes politiques les plus forts. J’en appelle à votre soutien pour contrer les efforts visant à démanteler l’Office, à ternir sa réputation et à mettre fin à ses opérations dans le territoire palestinien occupé. Ces efforts constituent une menace non seulement pour les réfugiés palestiniens, mais aussi pour le système des Nations unies, l’ordre multilatéral et les perspectives d’une solution politique. [1]
Défaites militaires (et coloniales) et apprentissage de la désensibilisation
Les gouvernements « occidentaux » à commencer par celui étatsunien qui donne le ton, depuis le début de la guerre froide ont appris à se désensibiliser par rapport aux guerres qu’ils mènent, commanditent ou soutiennent hors de leurs frontières et encore plus vis-à-vis les peuples « orientaux ». La défaite étasunienne de la guerre contre le Vietnam il y a un demi-siècle qui suivait la demi-défaite de la guerre de Corée au début des années 1950 avait engendré le « syndrome vietnamien » :
Lorsqu’il y a plus d’un demi-siècle, le pays a passé une dizaine d’années embourbé dans un conflit en Asie du Sud-Est, envoyant des millions de soldats dans ce qui semblait être une guerre sans fin et de plus en plus ingagnable, cela a profondément façonné la politique et la culture américaines, non seulement dans le présent, mais aussi pour la génération suivante. À partir de 2001, le pays a passé deux décennies à s’enliser dans de nouveaux conflits apparemment chimériques, envoyant des millions de soldats en Asie centrale et au Moyen-Orient. […]
Au niveau mondial, les coûts ont été immenses. Au total, les guerres lancées et menées par les États-Unis depuis le 11 septembre 2001 ont entraîné directement ou indirectement la mort de 4,5 à 4,7 millions de personnes, selon une remarquable base de données gérée par le Watson Institute for International and Public Affairs de l’université Brown. […] Trente-huit millions d’autres ont été déplacés ou sont devenus des réfugiés. Le New Yorker a récemment estimé qu’en Irak et en Afghanistan seulement, les troupes américaines pourraient avoir été responsables de 800 cas de crimes de guerre présumés.
Mais le militarisme renouvelé qui a démarré en 2001 s’est généralement poursuivi - peut-être en prévision d’une nouvelle confrontation, cette fois avec la Chine, qui 1 Statement of Philippe Lazzarini, Commissioner-General of the United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees (UNRWA) at the 162nd Session of the League of Arab States Council at the Ministerial Level, ESSF, 10/09/24 succéderait à celle que nous avons maintenant dépassée qui se concentrait sur l’islam radical et le fondamentalisme islamique. […] Depuis 2015, les États-Unis ont ajouté plus de 300 milliards de dollars à leur budget annuel de défense. Selon les calculs de l’Institut Watson, cela représente environ suffisamment d’argent supplémentaire chaque année, en 2023, pour payer l’intégralité du coût de l’enseignement préscolaire universel, deux années d’université pour tous les étudiants et l’assurance maladie pour tous les Américains qui ne sont pas assurés. Comme le soulignent souvent les politiques scrupuleux, la part des dépenses militaires dans le PIB a en fait diminué au cours des dernières décennies et, selon certaines mesures, le pays est devenu de moins en moins martial. Mais en termes absolus, les dépenses restent énormes et plus de la moitié de toutes les dépenses discrétionnaires fédérales sont encore consacrées à la défense sous une forme ou une autre, selon les calculs du rapport Watson.
Tout comme le démantèlement des empires coloniaux des puissances européennes et du Japon, malgré le legs néocolonial, cette série de défaites ou demi-défaites infligées par les peuples de couleur à la super-puissance étatsunienne, sur fond d’un historique racisme anti-autochtone et antinoir qui a façonné l’histoire des ÉU et dont ni sa guerre d’indépendance ni sa guerre de sécession ni sa lutte pour les droits civils ne sont venues à bout, ont préparé la venue du trumpisme, champion du suprémacisme blanc :
Mais beaucoup de choses ont changé […] de manière à la fois ostentatoire et souterraine. Les attentats [de 2001] ont introduit un nouvel esprit de vulnérabilité et de honte dans ce qui était, quelques jours auparavant, une nation beaucoup plus allègrement impérieuse, et les guerres qui ont suivi ont souvent été humiliantes elles aussi. Au niveau de la rhétorique publique et de la politique étrangère, la performance conventionnelle d’un homme d’État désintéressé a cédé la place à un militarisme plus intéressé et parfois impulsif. […] … les guerres qui ont suivi […] ont déclenché de nouvelles vagues de xénophobie qui ont rendu la santé et la sécurité du pays beaucoup plus précaires. Nous avons vu des agents fédéraux infiltrer les mosquées américaines et les services de police locaux se militariser davantage, en partie grâce à du matériel renvoyé des lignes de front de la guerre. Nous avons constaté une suspicion et un scepticisme croissants à l’égard du leadership américain à l’étranger, ainsi qu’une nouvelle impunité des élites et un relâchement sans équivoque de l’État de droit à l’intérieur du pays. Aujourd’hui encore, il est frappant de constater que de nombreux partisans de l’invasion de l’Irak, en particulier, occupent toujours des positions d’autorité et de prestige, non seulement dans le monde politique, mais aussi dans les médias et le milieu des commentateurs. […]
… c’est la guerre contre le terrorisme, et la méfiance qu’elle a engendrée, qui a produit l’ascension de Donald Trump, sa prise de contrôle du parti républicain et, finalement, de la Maison Blanche. […] l’horreur lointaine d’ISIS en Irak et en Syrie a été utilisée, à l’approche des élections de 2016, pour justifier des mesures de répression à notre frontière méridionale, où le nombre de passages n’avait jamais été aussi bas depuis des dizaines d’années.
Un repli sur soi mis à nu par le rappel de la réalité par les gouvernements du Sud
Paradoxalement, « la guerre mondiale contre le terrorisme [consistant en] davantage d’engagements militaires facultatifs et parfois désastreux à l’étranger [s’est] accompagnée d’années plutôt calmes pour le terrorisme sur le sol américain. » En a résulté qu’« aujourd’hui, il est courant que les Américains s’inquiètent davantage du soi-disant théâtre de la sécurité des contrôles dans les aéroports que des actes de terrorisme qui l’ont inspiré, tandis que la guerre éternelle qui semblait autrefois s’étendre de manière si inquiétante dans l’avenir et s’immiscer si ostensiblement dans nos vies privées s’est déjà évanouie de la mémoire culturelle, comme un rêve fiévreux. » Ce qui fait que « Dick Cheney [qui soutient] publiquement la candidature de Kamala Harris à la présidence […] peut être la figure la plus partisane de l’ère de la guerre contre le terrorisme [ce qui suggère] que la plus grande menace pour la République était désormais interne plutôt qu’externe et à droite plutôt qu’à gauche. » Cette déconnexion par rapport aux guerres perdues de l’empire entraîne le divorce entre politique intérieure et politique extérieure :
Aujourd’hui, lorsque les Américains parlent de l’histoire politique récente du pays, ils ont tendance à se concentrer sur une autre série de sujets narratifs, eux-mêmes désormais assez familiers : la crise financière et la lente reprise qui a suivi ; l’élection choc de Trump, la réaction de droite qu’elle a révélée et la réaction de gauche qu’elle a produite ; et le test de Covid comme une sorte d’écran sur lequel les partisans de diverses tendances peuvent projeter leurs histoires préférées sur la rupture du pays. Lorsque les conversations s’approfondissent, elles atteignent parfois d’autres sujets de discussion - peut-être la mondialisation, la désindustrialisation et le choc chinois ; peut-être l’inégalité des revenus ; peut-être la division des diplômes, les médias sociaux et la justice sociale.
Mais elles remontent rarement aussi loin que le 11 septembre, lorsque le pays s’est lancé dans une aventure militaire mondiale non déclarée et à durée indéterminée, ciblant un ennemi largement indéfini et changeant de forme, qui a traité les frontières nationales comme de simples suggestions et a produit un effet de contagion mondial à l’échelle d’une génération. Cela nous renseigne sur la manière dont la guerre elle-même a été présentée et vendue - au début comme une nécessité existentielle, oui, mais relativement peu de temps après comme quelque chose se déroulant plus loin des yeux et de l’esprit, supervisé simplement par le Pentagone et presque autant en marge de la vie américaine que les actions policières et les coups d’État extralégaux des décennies précédentes.
Ce qui fait que « [l]es engagements militaires des États-Unis en Ukraine et à Gaza apparaissent parfois aux Américains comme des ruptures soudaines avec un passé récent et pacifique » [2] d’autant plus que l’armé étatsunienne n’y participe pas directement. Ce repli sur soi manufacturé, aurait dit Chomsky, d’une partie substantielle du peuple étatsunien aveuglé par le racisme déshumanisant les peuples de couleur pour ne pas reconnaître la série de défaites de leur armée, clash avec la dénonciation de la guerre génocidaire par la grande majorité des peuples du monde, plus intenses dans les pays du Sud, sur laquelle leurs gouvernements doivent surfer indépendamment de leurs politiques réelles :
Un autre front s’est ouvert sur le plan juridique. Deux décisions récentes de la Cour internationale de justice (CIJ), l’organe judiciaire des Nations unies, ont donné un coup de fouet à la campagne contre Israël. En janvier, une décision provisoire a semblé donner quelque crédit à la thèse de l’Afrique du Sud selon laquelle Israël commettait des actes de génocide (l’affaire est distincte des accusations de crimes de guerre portées par les procureurs de la Cour pénale internationale contre les dirigeants d’Israël et du Hamas). En juillet, la CIJ a rendu un avis consultatif selon lequel l’occupation par Israël de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza - territoires dont il s’est emparé en 1967 - était illégale.
Profitant de leurs nouveaux privilèges [sic], les Palestiniens ont déposé une résolution à l’Assemblée générale, destinée à donner force à la décision. Cette résolution demande à Israël de se retirer de toutes les terres, de l’espace maritime et de l’espace aérien palestiniens, de démanteler les colonies juives, de restituer les biens saisis et de payer des réparations. Elle invite également les pays à créer un registre international des dommages, semblable à celui mis en place par le Conseil de l’Europe, un groupe régional, pour préparer les plaintes ukrainiennes contre la Russie. En outre, les pays sont invités à imposer des embargos sur les armes à destination d’Israël, à restreindre le commerce des produits provenant des colonies juives et à imposer des interdictions de voyager et des gels d’avoirs à l’encontre des « personnes physiques et morale »" qui maintiennent l’occupation israélienne.
La résolution a été adoptée avec le soutien de la Russie et de la Chine, mais aussi de certains alliés américains, dont la France et le Japon. Israël et son petit groupe d’amis fidèles - parmi lesquels l’Amérique et certains États insulaires du Pacifique - s’y sont opposés. La Grande-Bretagne, le Canada et l’Australie se sont abstenus. La résolution ne mettra pas fin à l’effusion de sang à Gaza. Elle ne créera pas non plus d’État palestinien. Les textes de l’Assemblée générale ne sont pas contraignants pour les membres et l’Amérique y opposerait son veto s’ils étaient présentés au Conseil de sécurité. Néanmoins, ils pourraient encourager davantage de pays à reconnaître la Palestine comme un État, comme l’ont fait l’Irlande, la Norvège et l’Espagne en mai. Elle pourrait également favoriser l’imposition d’embargos sur les armes à l’encontre d’Israël, comme celui, partiel, imposé par la Grande-Bretagne ce mois-ci [et le Canada, NDLR].
Des bouleversements plus extrêmes sont possibles. Les Palestiniens pourraient présenter une nouvelle demande d’adhésion à part entière, à laquelle l’Amérique opposerait à nouveau son veto. L’Assemblée générale pourrait alors recourir à l’option nucléaire : priver Israël de ses droits de vote au sein de l’organe, comme elle l’a fait avec l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid en 1974. Une telle mesure provoquerait la fureur du Congrès américain, qui pourrait décider d’interrompre son financement des Nations unies. Une loi existante engage déjà le Congrès à cesser les paiements à tout organe de l’ONU qui traite la Palestine comme un membre à part entière. L’Amérique reste le principal contributeur de l’ONU, puisqu’elle paie environ un tiers de ses dépenses, en comptant à la fois les contributions obligatoires et les contributions volontaires. […]
Un monde plus anarchique a plongé l’ONU dans une crise profonde. L’organisation est occupée, par exemple, à fournir une aide humanitaire aux peuples affligés, mais elle est de plus en plus marginalisée. Alors même que les conflits font rage du Mali au Myanmar, le Conseil de sécurité est paralysé. « Les défis auxquels nous sommes confrontés évoluent beaucoup plus vite que notre capacité à les résoudre », a averti António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, le 12 septembre dernier. […] L’inimitié entre les grandes puissances s’aggrave et le nombre de vetos [au Conseil de sécurité] augmente. Depuis le début de l’année 2020, la Russie a mis son veto 13 fois, l’Amérique six fois et la Chine cinq fois. [3]
Austérité et transferts clientélistes asphyxient les services publics
Cette contradiction flagrante entre d’une part la morale et la loi internationale et d’autre part la realpolitik n’est que le reflet de la grandissante contradiction socio économique entre les pays du Nord et ceux du Sud :
La quasi-totalité des progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté l’ont été au cours des 15 premières années des années 2000. En effet, en 2022, à peine un tiers des personnes se sont sorties de l’extrême pauvreté par rapport à l’année 2013. Les progrès en matière de lutte contre les maladies infectieuses, qui se développent dans les pays les plus pauvres, ont fortement ralenti. Si la proportion de personnes contractant le paludisme dans les pays touchés par la maladie avait continué à baisser au même rythme qu’entre 2000 et 2012, il y aurait eu deux fois moins de cas qu’en 2022. La mortalité infantile dans les pays en développement a chuté de 79 à 42 décès pour 1 000 naissances entre 2000 et 2016. Pourtant, en 2022, ce chiffre n’avait que peu diminué, passant à 37. La proportion d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire dans les pays à faible revenu s’est figée à 81 % en 2015, alors qu’elle était de 56 % en 2000. La pauvreté appartient au passé dans une grande partie de l’Europe et de l’Asie du Sud-Est ; dans une grande partie de l’Afrique, elle semble plus enracinée qu’elle ne l’a été depuis des décennies. […]
En 2005, les 72 pays les plus pauvres du monde ont reçu des fonds équivalant à 40 % des dépenses de l’État, grâce à une combinaison de prêts bon marché, d’allègements de la dette et de subventions. […] Aujourd’hui, cependant, l’argent se tarit à mesure que l’enthousiasme occidental faiblit et que de nouvelles causes émergent. Aujourd’hui, l’aide ne représente que 12 % des dépenses publiques des pays les plus pauvres. La concurrence pour les financements ne fera que s’intensifier à mesure que le changement climatique et les problèmes des réfugiés du monde riche deviendront plus pressants. L’année dernière, par exemple, les flux d’aide mondiaux ont augmenté de 2 % sur le papier. Pourtant, 18 % de l’aide bilatérale totale a été dépensée par les pays riches pour s’occuper des réfugiés sur leur propre sol - une échappatoire dont peu de pays ont profité jusqu’en 2014. En outre, 16 % de l’aide a été consacrée aux dépenses climatiques, contre 2 % il y a dix ans. Au total, les 72 pays les plus pauvres du monde n’ont reçu que 17 % de l’aide bilatérale, contre 40 % il y a dix ans. Dans le même temps, le financement chinois du développement s’est évaporé. En 2012, les banques d’État du pays ont accordé 30 milliards de dollars de prêts à l’infrastructure. En 2021, elles n’ont accordé que 4 milliards de dollars. [4]
Si l’austérité du Sud a des conséquences plus cruelles que celles du Nord, elle n’y en progresse pas moins. L’âge de la retraite en est sans doute le canari dans la mine. Depuis 1990 dans plusieurs pays de l’OCDE, « [l]’âge d’éligibilité à la retraite a été repoussé de 2 à 5 ans selon le pays ». [5] En Chine, fer de lance des pays BRICS, à cheval entre les pays du Nord et du Sud, « [l]’âge de la retraite passera de 50 à 55 ans pour les ouvrières, de 55 à 58 ans pour les employées et de 60 à 63 ans pour les hommes ». [6] Paradoxalement, la hausse de la part des dépenses gouvernementales totales dans le PIB au sein des pays riches correspond à une baisse de la part des dépenses dans les services publics (et des investissements publics) en faveur des dépenses de transferts (entitlements). De son côté, la pression fiscale est atténuée par une combinaison d’austérité et de renforcement de l’endettement public pendant que l’expertise passe du public au privé :
Alors qu’en 1960, les dépenses de l’État dans les pays riches représentaient 30 % du PIB, elles dépassent aujourd’hui 40 %. Au début des années 1950, nous estimons que les dépenses de l’État [étatsunien] en matière de services publics, allant du paiement des salaires des enseignants à la construction d’hôpitaux, représentaient 25 % du PIB du pays. À la même époque, les dépenses liées aux transferts, au sens large, ne représentaient qu’un petit poste, les dépenses liées aux pensions et à d’autres types d’aide sociale équivalant à environ 3 % du PIB. Aujourd’hui, la situation est très différente. Les dépenses de l’État américain en matière de prestations ont augmenté et les dépenses en matière de services publics se sont effondrées. Les deux représentent aujourd’hui chacun environ 15 % du PIB.
D’autres pays ont suivi une voie similaire. […] En moyenne, dans l’OCDE, les dépenses sociales des pays pour lesquels des données sont disponibles sont passées de 14 % du PIB en 1980 à 21 % en 2022. […] Une partie de l’augmentation des dépenses liées aux transferts est inévitable. En 2022, les pays riches comptaient 33 millions de personnes âgées de plus de 85 ans, soit 2,4 % de la population totale, ce qui représente une augmentation considérable par rapport aux 5 millions de personnes (0,5 % de la population totale) recensées en 1970.
Les transferts à la population en âge de travailler ont augmenté encore plus rapidement, rendant le système encore plus redistributif. En 1980, le cinquième des Américains les moins bien rémunérés recevait des transferts conditionnels à leurs revenus équivalant à un tiers de leurs revenus bruts. À la fin des années 2010, ce chiffre avait doublé […]. Le Canada et la Finlande, deux autres pays disposant de données fiables, présentent un schéma similaire. Les dépenses suivent souvent un effet de cliquet. Par exemple, depuis les années 1970, la proportion d’Américains bénéficiant de bons d’alimentation a doublé, pour atteindre une personne sur huit. Ces dernières années, les politiciens ont préféré agir comme si des dépenses supplémentaires pouvaient être réalisées avec peu d’augmentation de la fiscalité, quelle qu’elle soit. Des années 1960 aux années 1990, le prélèvement fiscal, en pourcentage du PIB des pays riches, n’a cessé d’augmenter. Depuis les années 2000, il n’a pratiquement pas augmenté. […] Jusqu’en 2022, quelque 85 % des réformes de l’assiette de l’impôt sur le revenu des personnes physiques dans les pays riches ont entraîné un rétrécissement de cette assiette, tandis que 15 % seulement l’ont élargie. La plus grande réforme de la dernière décennie a été l’énorme réduction d’impôts du président Donald Trump en 2017. Ni M. Trump ni Kamala Harris, la candidate démocrate, ne promettent une gestion fiscale sobre dans les années à venir.
Les politiciens qui ne parviennent pas à augmenter les recettes sont confrontés à deux choix. Le premier consiste à creuser les déficits budgétaires : cette année, les gouvernements des pays riches enregistreront un déficit global de 4,4 % du PIB, alors même que l’économie mondiale se porte plutôt bien. L’autre consiste à financer des transferts plus généreux en procédant à des coupes dans d’autres domaines. La demande de services publics a considérablement augmenté. Pourtant, en 2022, le pays riche médian y consacrera 24 % de son PIB, soit le même pourcentage qu’en 1992. L’emploi dans le secteur public, en proportion du total, a diminué depuis la fin des années 1990. Tous les secteurs, des soins de santé fournis par l’État à l’éducation et à la sécurité publique, ont souffert.
Un autre rôle historique de l’État - aujourd’hui en perte de vitesse - a été de mettre en place une bureaucratie efficace. Il est difficile de mesurer cet aspect quantitativement, mais les chercheurs s’y sont essayés. Les données produites par l’Institut Berggruen, un groupe de réflexion, et l’Université de Californie, Los Angeles, combinent des mesures objectives, telles que les recettes fiscales, et des mesures subjectives, telles que la perception de la corruption, pour concevoir une mesure transnationale de la "capacité de l’État". Dans le groupe des économies avancées du G7, cette mesure est en baisse. Il en va de même pour l’"indice de rigueur et d’impartialité de l’administration publique", produit par v-Dem, un autre groupe de réflexion, qui illustre la mesure dans laquelle les fonctionnaires respectent la loi.
Aujourd’hui, […] [l]es dépenses pour des solutions à court terme prennent le pas sur les projets difficiles et à long terme. M. Biden parle de sa politique industrielle, censée relancer l’emploi dans le secteur manufacturier et réduire la dépendance des États-Unis à l’égard de la Chine. Dans la pratique, les dépenses fiscales associées à cette politique sont insignifiantes. Ailleurs dans le monde riche, l’investissement public est en net recul, tandis que les gouvernements ont sabré dans les services de recherche et développement. Dans l’ensemble de l’OCDE, l’État représente aujourd’hui moins de 10 % des dépenses totales de R&D, ce qui constitue un changement radical par rapport à la norme de l’après-guerre. Les gouvernements ne sont plus des foyers d’innovation. La quasi-totalité des développements récents en matière d’intelligence artificielle sont issus du secteur privé. [7]
On devine le remède prôné par The Economist : moins de transferts universels, plus de services publics en partenariat avec le privé — un service public ciblé et hiérarchisé, mais non nécessairement universel, est nécessaire à la reproduction sociale — et idem pour les investissements publics dans les infrastructures et la R D fondamentale, plus de taxes indirectes à la mode scandinave. Il ne vient pas à l’esprit de la revue de la City d’attribuer la hausse relative au PIB des transferts, universels et conditionnels, à l’effritement de la dite classe moyenne causée par le néolibéralisme, ce qui polarise la distribution des revenus tout en approfondissant la pauvreté par la précarité généralisée et dorénavant par la hausse des prix de l’habitation, des aliments et de l’énergie, d’où la présente hausse des grèves. Il leur vient encore moins à l’esprit de critiquer la grève fiscale des riches et des grandes entreprises, par le subterfuge des paradis fiscaux en plus de la baisse des taux, car à leurs yeux le retour à la progressivité fiscale d’antan découragerait les investissements alors que ces derniers étaient proportionnellement plus importants.
Dépenses d’armement comme soutien à l’énergie fossile connaissent un boom
L’austérité systémique qui se dégage de cet effritement des services publics n’affecte cependant en rien ni les dépenses d’armement ni le soutien étatique au stratégique secteur des énergies fossiles et consort. « Le total des dépenses militaires mondiales s’élève à 2 443 milliards de dollars US en 2023, soit une augmentation de 6,8 % en termes réels par rapport à 2022. Il s’agit de la plus forte augmentation d’une année sur l’autre depuis 2009 » [8] soit un taux de croissance plus de deux fois plus élevé que celui du PIB mondial réel alors que le ratio dépenses militaires versus PIB avait été relativement constant depuis l’an 2000 après avoir baissé drastiquement dans la dernière moitié du XXe siècle. [9]
Côté énergie fossile, « [l]es données les plus récentes de l’OCDE et de l’AIE montrent que le coût budgétaire mondial des mesures de soutien aux combustibles fossiles dans 82 économies a presque doublé pour atteindre 1 481.3 milliards USD en 2022, contre 769.5 milliards USD en 2021, les gouvernements ayant mis en place des mesures pour compenser exceptionnellement les prix élevés de l’énergie, en partie en raison de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. ». [10] Plus généralement mais pour les pays dit en développement seulement, « [de nouvelles données montrent que plus de 650 milliards de dollars US […] de subventions publiques sont alloués chaque année aux entreprises de combustibles fossiles, à l’agriculture intensive et à d’autres industries nocives dans les pays en développement ». [11]
Cynique message aux naïfs : « La sortie des énergies fossiles est un ‘‘fantasme’’ pour l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), qui prévoit que la demande en or noir continuera de progresser au moins jusqu’en 2050, un cap symbolique de la lutte contre le changement climatique, dans un rapport publié mardi ». [12] Pour ceux et celles qui persistent à prendre au sérieux les officielles statistiques émanant des sources d’émissions [13], soit celles utilisées par les COPs, et non celles des concentrations de GES dans la haute atmosphère [14] bien que ces dernières, par définition, ne peuvent que fournir la densité des GES et, surtout, leurs taux de croissance qui montrent que ces gaz croissent à un taux croissant, « [s]elon un rapport, les incendies de forêt qui se sont déclarés au Canada en 2023 ont rejeté l’équivalant de près de dix ans du dioxyde de carbone, au cours de l’une des pires saisons des incendies au monde ». [15] Comment ne pas voir que ces statistiques nationales de GES ne sont que pure désinformation. Pourtant :
Les pays riches pourraient récolter cinq fois plus d’argent que les pays pauvres n’en demandent pour le financement de la lutte contre le changement climatique, grâce à des taxes exceptionnelles sur les combustibles fossiles, à la suppression des subventions néfastes et à un impôt sur la fortune des milliardaires, selon une étude. Les pays en développement demandent au moins 1000 milliard de dollars US par an de fonds publics pour les aider à réduire les gaz à effet de serre et à faire face aux impacts des conditions météorologiques extrêmes. Les pays riches évoquent des sommes potentielles bien inférieures, dans le cadre du financement conventionnel de la lutte contre le changement climatique, sous la forme de prêts à faible taux d’intérêt accordés par la Banque mondiale et d’autres institutions similaires. […]
Les recherches menées par le groupe de pression Oil Change International, publiées mardi, montrent que les pays riches pourraient générer 5000 milliards de dollars par an en combinant l’impôt sur la fortune et l’impôt sur les sociétés, ainsi qu’en luttant contre les combustibles fossiles. Un impôt sur la fortune des milliardaires pourrait générer 483 milliards de dollars au niveau mondial, tandis qu’une taxe sur les transactions financières pourrait rapporter 327 milliards de dollars. Les taxes sur les ventes de grandes technologies, d’armes et de vêtements de luxe rapporteraient 112 milliards de dollars supplémentaires, et la redistribution de 20 % des dépenses militaires publiques rapporterait 454 milliards de dollars si elle était mise en œuvre dans le monde entier. L’arrêt des subventions aux combustibles fossiles libérerait 270 milliards de dollars d’argent public dans les pays riches, et environ 846 milliards de dollars au niveau mondial. Les taxes sur l’extraction des combustibles fossiles rapporteraient 160 milliards de dollars dans les pays riches et 618 milliards de dollars dans le monde. [16]
L’orientalisation déshumanisante permet d’aller jusqu’au bout de la compétitivité
L’« orientalisation » du monde par les puissances occidentales qui a fortement pénétré leur population, qui stigmatise spécialement les femmes doublement opprimées par la culture des uns et des autres souvent en utilisant hypocritement l’une contre l’autre, tend à déshumaniser l’ensemble des rapports sociaux. Les guerres génocidaires de Gaza et d’Ukraine au su et à la vue de toustes, mais aussi les meurtrières guerres soudanaise et des Grands lacs africains ignorées de toustes en sont la démonstration la plus évidente.
Cette déshumanisation pénètre tant les services publics que le cœur capitaliste de l’économie qui en redemande. On se dit que la constatation du Protecteur du citoyen québécois a valeur universelle :
…cas par cas, le Protecteur du citoyen dresse le portrait d’un État qui « déshumanise » sa population dans l’accomplissement de ses missions. La pénurie de main-d’œuvre afflige les services publics et compromet « le souci d’humaniser les services » attendus de l’État québécois, déplore le Protecteur du citoyen dans son rapport annuel. La lenteur des ministères à mettre en place les recommandations formulées il y a parfois plusieurs années aggrave encore des problématiques qui empirent par manque de personnel. [17]
Aux ÉU, en plus des meurtres de masse qui se multiplient [18], les tueries policières ne cessent d’augmenter [19] et les mises à mort judiciaires s’accélérer :
Cinq exécutions, cinq États, six jours. Une vague d’exécutions judiciaires sans précédent depuis 20 ans a eu lieu la semaine dernière - et il n’y a rien eu de fortuit. "Au cours des six dernières années, la culture juridique relative à la peine de mort a connu un changement radical", a déclaré Bryan Stevenson, fondateur de l’Equal Justice Initiative. "Les arbitres ont disparu, il n’y a plus de surveillance. [20]
Ce n’est guère mieux au Canada vis-à-vis les tueries policières contre les Autochtones. [21] Le développement de l’intelligence artificielle, la nouvelle frontière technologique, est une ogresse de ressources naturelles alors que la lutte climatique exige la décroissance radicale de leur consommation :
OpenAI a présenté à l’administration Biden la nécessité de mettre en place des centres de données massifs qui pourraient chacun utiliser autant d’énergie que des villes entières, en présentant cette expansion sans précédent comme nécessaire pour développer des modèles d’intelligence artificielle plus avancés et pour concurrencer la Chine. [22]
L’intensité de la compétitivité de la mondialisation des marchés pousse la course compétitive de la productivité jusqu’à l’intolérable :
Dans La société malade de la gestion (Seuil, 2005), j’ai essayé de déconstruire les grands principes qui définissent cette idéologie managériale. J’en mentionne trois qui illustrent le potentiel de violence et de déshumanisation qu’ils sous-tendent. Il y a d’abord l’objectivisme. Toutes les activités humaines et économiques sont objectivées de telle manière qu’elles se traduisent en variables, en indicateurs de mesure, en capitaux. En décidant de ce qui est rentable et de ce qui ne l’est pas et, par conséquent, de ce qui doit être gardé ou abandonné, ce principe permet d’alimenter la financiarisation de la société. Il y a aussi l’utilitarisme à travers lequel l’activité humaine est considérée recevable socialement seulement si elle est « utile ». Autrement, elle est jugée nuisible, comme l’immense cohorte des exclus, des sans-emplois et des sans domicile fixe, sans oublier les artistes, les marginaux et tous ceux qui ne veulent pas perdre leur vie à la gagner. Enfin, il y a le positivisme selon lequel il n’y a de valeur que dans ce qui est analysable techniquement. N’est un problème que ce qui a une solution technique, sinon il n’existe pas. [23]
Une enquête interne de Boeing a révélé que de nombreux ouvriers subissaient encore des pressions pour privilégier la rapidité au détriment de la qualité, quelques mois après qu’une explosion en plein vol de l’un des avions à réaction de la société a déclenché une crise de confiance chez le constructeur aéronautique. [24]
À l’autre bout de la lorgnette de la productivité jusqu’au bout on trouve la brutale politique de l’indigence majoritaire qu’applique l’avant-garde du néolibéralisme « austoritaire » [25] :
Le taux de pauvreté pour les six premiers mois de cette année était de 52,9 %, contre 41,7 % au second semestre de 2023, a déclaré l’agence nationale de statistiques Indec. Depuis son entrée en fonction en décembre, M. Milei a réduit les subventions accordées aux transports, aux carburants et à l’énergie et a licencié des milliers de fonctionnaires, dans le but de faire baisser l’inflation et de réduire les dépenses de l’État. En août, le taux d’inflation annuel de l’Argentine est resté l’un des plus élevés au monde, avec plus de 230 %. [26]
C’est là l’ultime conséquence de la croissance des inégalités et de la pauvreté :
La concentration du pouvoir des entreprises et des monopoles au niveau mondial contribue à creuser les inégalités, ce qui enrichit les plus riches et appauvrit les plus pauvres. Les cinq personnes les plus riches du monde ont plus que doublé leur fortune depuis 2020, tandis que les 60 % les plus pauvres ont perdu de l’argent, selon un rapport d’Oxfam. [27]
Et pourquoi ne pas aller jusqu’à la robotisation de l’être humain ?
Mark Zuckerberg dévoilera la dernière collection de casques intégrant l’intelligence artificielle générative lors de la conférence Connect de Meta, mercredi. […] Avec une caméra, un microphone et des haut-parleurs dans les montures, elles permettent à Meta AI de voir et d’entendre ce que fait le porteur. [28]
Comme les multimilliardaires ne peuvent faire autrement que d’aller jusqu’au bout de leur folie accumulatrice dont ils perçoivent l’aboutissement catastrophique, ils prévoient de fuir vers la planète Mars loin du déferlement vers la terre-étuve dont ils sont la cause première. [29]
Hyper concentration-centralisation du capital nécessistant la grande diversion
Ces moins de trois mille milliardaires mondiaux [30] possèdent à coup sûr les sous pour contrôler la dizaine de sociétés de capital-investissement mondiales clefs [31], la quarantaine de banques billionnaires en actifs dans la monde [32] et la centaine d’entreprises non-financières ayant un chiffre d’affaires de plus de 100 milliards $US [33]. On se dit, cependant, que les milliards de personnes du 99% mondial si ce n’est du 99.9%, du moins du 90% si on tient pour acquis que la classe moyenne supérieure a intérêt à aveuglément maintenir le statuquo, devrait avoir la lucidité et l’intérêt à arrêter ce train en marche vers l’abîme.
La stratégie de la « grande diversion » du 1% aura été de lâcher la bride à l’extrême droite pour propager l’immense « fake news » complotiste du « grand remplacement ». Sans abandonner l’antisémitisme d’antan, l’extrême-droite a compris qu’il lui fallait donner la priorité à la stigmatisation de l’immigration de couleur. Si le racisme traditionnel antinoir (et anti-autochtone) reste de mise comme fond de scène, depuis la déclaration de la lutte permanente anti-terroriste en 2001 l’islamophobie orientaliste est devenue le fer de lance de cette stigmatisation. Le monde en chamaille mêlant catastrophes climatiques en croissance géométrique, guerres génocidaires renouvelant les génocides du XXe siècle contre les Hereros, les Arméniens, les Juifs d’Europe, les Tsiganes et les Tutsis et misère populaire legs du néolibéralisme intensifié par un capitalisme en crise profonde depuis la Grande Récession de 2008-09 faisant suite aux grandes crises de la fin du XIXe siècle et des années 1930 [34] a fait rapidement croître la migration internationale se dirigeant de plus en plus vers les riches pays du Nord tant socio-économiquement que géographiquement parlant :
Aujourd’hui, plus de personnes que jamais vivent dans un pays autre que celui où elles sont nées. Selon la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA), au 1er juillet 2020, le nombre mondial de migrants internationaux était estimé à 281 millions. Les migrants internationaux représentent environ 3,5 % de la population mondiale, contre 2,8 % en 2000 et 2,3 % en 1980. [35] Rapportée à la taille de la population dans chaque région, c’est en Océanie, en Amérique du Nord et en Europe que la part des migrants internationaux était la plus élevée, représentant respectivement 22 %, 16 % et 12 % de la population totale. En comparaison, la part de migrants internationaux est relativement faible en Asie et en Afrique (1,8 % et 1,9 % respectivement) et en Amérique latine et dans les Caraïbes (2,3 %). [36]
Au Nord, la politique migratoire occupe le centre de l’échiquier politique
Au sein des pays du vieil impérialisme, sur fond de hausse des dépenses sécuritaires et militaires, la politique migratoire devient l’épine dorsale des débats politiques de l’heure comme c’est le cas au Québec, où le Premier ministre va jusqu’à « évoque[r] un transfert ‘‘obligatoire’’ de migrants vers d’autres provinces » [37] et de plus en plus au Canada où le discours public dénonce les « impacts qu’une telle politique allait avoir sur le logement et l’accès aux services publics. Des institutions financières ont publié des études établissant un lien entre la hausse soutenue de la population et la crise du logement, la Banque Nationale évoquant même un piège démographique. D’autres publications ont mis en relief le fait que la croissance du produit intérieur brut ne suivait pas celle de la population, diminuant d’autant la richesse par habitant » [38] alors qu’au contraire la politique d’ouverture du Canada lui servait de moyen de rattraper la croissance du PIB des ÉU. [39]
Le mode japonais de la politique migratoire soit la combinaison contradictoire d’une forte répression [40] pour combler une pénurie de travailleuses et travailleurs essentiel-le-s aux conditions du patronat [41] devient la norme occidentale. En Europe,
En cette année 2024, les politiques migratoires en Europe offrent un tableau bien sombre. La Méditerranée demeure un chemin mortifère pour les milliers de personnes qui empruntent la voie maritime pour atteindre les côtes européennes, tandis que la Manche représente toujours un passage mortel pour rejoindre le Royaume-Uni. De même, l’Atlantique est quotidiennement traversé par des candidat·es à la migration et à l’asile, qui empruntent la voie maritime séparant l’Afrique des Canaries (Espagne).
Dans une série de condamnations retentissantes, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a multiplié les sévères réprimandes envers les États membres pour leurs pratiques inhumaines à l’encontre des nouveaux et nouvelles arrivant·es en quête de protection internationale : traitements dégradants, enfermements en centres de rétention , échecs patents à garantir une protection adéquate aux demandeur·euses d’asile. [42]
Alors que les arrivées irrégulières ont baissé de 39 % depuis le début de l’année 2024, les dirigeants européens, de droite comme de gauche, reprennent les idées que l’extrême droite défend depuis quarante ans. Depuis l’annonce par l’Allemagne, début septembre, du rétablissement des contrôles à ses frontières intérieures, l’Europe a remis au premier plan le débat sur l’immigration. Le premier ministre britannique travailliste, Keir Starmer, s’est rendu en Italie pour s’informer sur la politique migratoire restrictive de la présidente du conseil, Giorgia Meloni. Les Pays Bas et la Hongrie ont officiellement demandé à la Commission européenne, mi septembre, une dérogation pour ne plus participer à la politique migratoire commune en cas de révision des traités, tandis qu’en Autriche le sujet a dominé la campagne législative. [43]
Aux États-Unis, la politique migratoire est non seulement au centre de la campagne électorale mais si la candidate Démocrate n’emploie pas le langage ordurier du candidat Républicain, la différence entre leurs politiques ne cesse de s’amincir :
[L’immigration] est au cœur de la campagne électorale, même si les Américains sont divisés quant à son urgence : Selon le Pew Research Centre, 82 % des partisans de Donald Trump affirment que l’immigration est essentielle à leur vote, tandis que 39 % des partisans de Kamala Harris sont du même avis.
L’antipathie de Donald Trump pour l’immigration est très claire depuis qu’il a descendu un escalier roulant doré et lancé sa candidature à l’élection présidentielle de 2016 en parlant des « violeurs » mexicains. Au cours de son premier mandat, il a imposé une interdiction de voyager aux personnes originaires de pays musulmans, a séparé les familles qui traversaient la frontière sud et a construit des parties du mur. S’il est réélu, M. Trump promet maintenant « le plus grand effort de déportation de l’histoire américaine », en commençant par les migrants haïtiens à Springfield, dans l’Ohio.
La position de Mme Harris a été un peu plus fluctuante. Lors de sa campagne présidentielle de 2020, elle a soutenu la décriminalisation du franchissement illégal des frontières ; aujourd’hui, elle s’est engagée à poursuivre les mesures de répression prises par Joe Biden à l’encontre des demandeurs d’asile, publiées en juin. Elle s’est également ralliée à un projet de loi bipartisan, actuellement bloqué au Congrès, qui étendrait les pouvoirs du président en matière de restriction des passages, avec une voie d’accès à la citoyenneté pour certains immigrés sans papiers.
Avant le mois de juin, toute personne entrant sur le territoire américain avait le droit de chercher un refuge. Les migrants pouvaient simplement se rendre sur le sol américain et rester dans le pays, souvent pendant des années, jusqu’à ce qu’ils entrent dans la procédure d’asile. Mais après que M. Biden a assoupli bon nombre des règles strictes de Trump en matière d’immigration lors de son entrée en fonction, le nombre de franchissements illégaux de la frontière a grimpé en flèche, atteignant un record de 250 000 arrestations mensuelles en décembre dernier. Le décret de M. Biden interdit aux demandeurs d’asile de franchir la frontière dès qu’un seuil quotidien de 2 500 passages est atteint. L’administration a annoncé hier qu’elle ne lèverait ces restrictions que si le nombre de passages quotidiens était inférieur à 1 500 pendant près d’un mois.
Mais ceux qui tentent d’entrer aux États-Unis se heurtent à une frontière qui est visiblement devenue plus difficile à franchir, avec des murs d’acier de neuf mètres et des rangées de fils de barbelés tendus entre des poteaux métalliques. La chaleur torride du désert de Chihuahua, où les températures dépassent régulièrement les 50 degrés en été, a rendu la dernière étape du voyage des migrants de plus en plus périlleuse. Au cours de l’année écoulée, le nombre de migrants ayant trouvé la mort en tentant de franchir la frontière n’a jamais été aussi élevé. Au début de l’été, une équipe de pompiers de Sunland Park, dans le Nouveau-Mexique, a récupéré quatre corps dans le désert en l’espace de quelques heures.
Le décret de M. Biden ne s’est pas contenté de réduire le nombre de franchissements illégaux de la frontière, il a aussi considérablement réduit le nombre de personnes pouvant déposer une demande d’asile. Les migrants qui entrent aux États-Unis sans autorisation ne sont désormais entendus que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple s’il s’agit d’un enfant non accompagné ou s’ils sont victimes d’une forme grave de trafic d’êtres humains. […] De nombreuses personnes qui traversent illégalement sont expulsées.
À El Paso, M. VanderKlippe [le journaliste du Globe and Mail] s’est entretenu avec une Salvadorienne du nom de Norberta, qui venait de poser le pied aux États-Unis avec ses filles de six et sept ans après avoir fui des violences domestiques. Elles ont été menacées à plusieurs reprises au cours de leur voyage d’un mois ; à un moment donné, Norberta a payé 15 000 dollars au cartel pour faciliter le passage. Mais les victimes de violences sexistes ne sont pas exemptées de l’ordonnance générale de M. Biden, et l’ancien agent des frontières a qualifié sa situation de "cas difficile". Il est probable qu’elle et ses filles seront renvoyées. [44]
La crise migratoire est en fait une crise d’accueil en mal d’internationalisme
Cette politique migratoire qui prétend régler la « crise migratoire » provoque dans les faits une « crise de l’accueil » (Emmanuelle Carton). L’extrême-droite, que reprend de plus en plus l’extrême-centre et envers lequel capitule souvent le centre-gauche, tente par une inversion logique de responsabiliser les damé-e-s de la terre pour tous les maux infligés au 90% par l’oligarchie milliardaire au contrôle de l’État et des grands médias grâce au talon de fer de la financiarisation de la société. Ainsi, celles et ceux qui fuient les misères tous azimuts du monde en perdition vers le Nord soi disant salvateur deviennent les boucs émissaires de « l’austoritaire » néolibéralisme en crise structurelle.
Pas plus que la crise climatique ne se résout par le grand remplacement de l’extractivisme des hydrocarbures par celui de la filière batterie et de ses autos et bungalows électrifiés, la crise de l’accueil dite crise migratoire ne se résout par la hausse des seuils d’immigration car l’incommensurable solidarité finirait par se fracasser sur des frontières répressives. Autant la crise climatique se résout par la décroissance matérielle au profit de la croissance des services publics y compris leur nécessaire base matérielle, la crise de l’accueil se résout par une politique de frontières ouvertes au sein d’une société de plein emploi écologique par le partage d’heures de travail réduites.
Faut-il rappeler cette vérité élémentaire que les personnes immigrantes en autant qu’elles soient accueillies au sein d’une société prévoyante en termes de politiques d’emploi, d’habitation et sociale — et sans discrimination ce qui suppose une ferme et intelligente politique anti-raciste — contribueront avec entrain et motivation à l’enrichissement matériel et culturel de la société d’accueil. Idem pour les peuples autochtones si les gouvernements colonisateurs reconnaissent leurs droits territoriaux et d’autogouvernement avec pleine compensation des torts historiques.
C’est cette direction libératrice et émancipatrice qu’ont pris les peuples du monde depuis les grands soulèvements commencés en 2011 dans le monde arabo musulman en réaction à la Grande Récession de 2008-2009 condamnant sa jeunesse instruite à un structurel chômage massif et persistant. Si ces énormes rébellions ont jusqu’ici été vaincues parfois jusqu’à l’implosion d’États faillis dans des guerres civiles sans fin, une des causes en revient assurément à une féroce et barbare répression de leurs classes dirigeantes — on pense à la Syrie, au Soudan, à la Birmanie — soutenues par les grandes et moyennes puissances aux poches profondes et en rivalités de plus en plus aiguisées.
Par la durée de sa résistance sur 75 ans, le peuple palestinien fait certainement parti par défaut à ces peuples en marche. Mais une autre cause, trop oubliée, réside en un prolétariat aux abonnés absents comme prolétariat organisé doté d’une orientation résolument anticapitaliste et d’un programme écosocialiste. Pour que prenne ce ciment entre aspects organisationnel, idéologique et politique manque le liant d’un internationalisme concret et conséquent basé sur l’unicité du prolétariat mondial et la solidarité des peuples face au danger mortel de la terre-étuve et de la sixième grande extinction des espèces précipitant une troisième guerre mondiale nucléaire.
Marc Bonhomme, 6 octobre 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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