La construction d’une base électorale de la CAQ, une démarche clientéliste singulière.
Les principes généraux de cette construction sont fort simples : il s’agit à partir d’une étude du marché électoral, de le segmenter et de définir les préoccupations des différents groupes identifiés afin de répondre à leurs préoccupations.En fait, il n’agit moins d’identifier des intérêts précis et de définir des propositions pour parvenir que de s’appuyer sur des frustrations et des angoisses pour élaborer des discours répondant à ces dernières.
La CAQ un parti d’hommes, une image à dépasser !
Aux dernières élections, la députation de la CAQ souffrait d’une sous-représentation des femmes. Différentes déclarations de François Legault avaient été particulièrement maladroites à cet égard. Les sondages, les uns après les autres montraient que les femmes du Québec étaient beaucoup moins portées à voter pour ce parti. La CAQ devait corriger cette image, rapidement et radicalement. Le parti (François Legault, en fait, seul responsable du choix des candidats-es) y est parvenu en choisissant 65 femmes comme candidates, soient une majorité. La conséquence de ce choix paya rapidement, car les sondages ont rapidement démontré, que le retard du vote des femmes pour la CAQ avait considérablement diminué.
La CAQ, un parti représentant le renouveau de la classe politique
Le seul avantage du parti de Legault comme nouveau parti est qu’il n’a jamais été au gouvernement. Il a pu jouer la carte de l’intégrité et stigmatiser la corruption du Parti libéral du Québec, qui a été impliqué dans de multiples affaires depuis 2003. La CAQ a donc placé les projecteurs sur les affaires et a résumé sa politique sur ce point en affirmant que le PLQ travaille d’abord et avant tout pour les petits amis du parti.
Un parti fédéraliste, mais nationaliste
Pour mordre sur l’électorat francophone, François Legault a joué la carte de la défense de la langue française tout en présentant le niveau d’immigration comme un danger pour le fait français au Québec. Il est allé jusqu’à agiter sa crainte que ses petits enfants ne puissent plus parler français. Mais son nationalisme régressif (ou toute perspective souverainiste est radicalement bannie) s’est appuyé sur la présentation du niveau d’immigration comme un danger pour le Québec. Il a appelé à une réduction du niveau d’immigration de 20% et a défendu d’ajouter pour que les migrant-e-s soient accepté au Québec, un test des valeurs et un test de français avec expulsion possible à la clé. Ce discours démagogique était sans doute mal fagoté ne résistant pas à l’épreuve du réel, mais il permettait de mobiliser une partie de l’ électorat et il ne s’en priva pas durant toute la campagne électorale.
Mobiliser les angoisses les utilisateurs et les utilisatrices du système de santé
Le temps d’attente pour recevoir des soins dans les hôpitaux est un problème majeur. La CAQ a cherché à exploiter cette frustration de nombre de Québécois-e-s. Mais il a bien sûr évité d’expliquer cette réalité par les politiques d’austérité, par le désinvestissement et par la privatisation rampante, car ce sont des politiques qu’il souhaite poursuivre. Ici aussi, il s’agit de faire de l’agitation autour d’un problème tout en masquant les fondements du dit problème.
Il en va de même du sort fait aux personnes âgées dans les CHSLD et de la diminution des soins à domicile. La CAQ a fait miroiter des « maisons des ainé-e-es » pour les prochaines décennies, mais la réalité des effets désastreux des désinvestissements et de la privatisation sont ici aussi passés sous silence.
Les préoccupations des parents face à la réussite des leurs enfants un autre angoisse à exploiter.
Les coupures du Parti libéral du Québec en éducation ont eu des effets désastreux. Le soutien aux personnes en difficulté en a particulièrement souffert. En rabâchant la perspective de la maternelle 4 ans, François Legault méprisait toutes les études sur la nécessité d’appuyer le réseau public des garderies, les CPE comme meilleure institution pour faciliter l’entrée des enfants dans les processus d’apprentissage. En fait, ici aussi, la maternelle 4 ans a été présentée comme une panacée, alors que la ségrégation scolaire, la diminution des investissements pour l’école publique et la privatisation opérées par le PLQ n’étaient pas dénoncées.
Les élites économiques ont été rassurées plus souvent qu’à leur tour.
Promesse de baisse d’impôt pour les entreprises, soutien à l’exploitation pétrolière et gazière, refus d’augmentation des redevances minières et pour l’exploitation de l’eau pour fin d’exportation, promesse d’administrer le Québec comme une entreprise, François Legault a tout fait pour se présenter comme le défenseur des intérêts des élites économiques. Il ne s’est pas gêné pour souligner le poids des financiers, des grands entrepreneurs et des gestionnaires dans son équipe de candidat-e-s et dans un éventuel gouvernement caquiste.
Il est des segments de l’électorat qu’il a royalement ignoré : les environnementalistes, les jeunes et les travailleuses et les travailleurs du bas de l’échelle. Il a refusé de considérer avec le moindre sérieux l’importance à la lutte aux changements climatiques. Il a rejeté l’augmentation du salaire minimum à 15$ de l’heure. Il a refusé comme les autres partis néolibéraux d’ailleurs toute réforme de la fiscalité qui aurait permis une redistribution de la richesse alors que le Québec devient de plus en plus inégalitaire.
Politique spectacle au poste de commande et son efficacité
En offrant des solutions démagogiques à des problèmes vécus par la population, en refusant d’identifier les causes de ces problèmes, en refusant d’écouter la parole citoyenne qui a tenté de s’exprimer durant cette campagne, la campagne de la CAQ s’est résumée à du pur marketing politique qui a contribué à masquer les fondements des situations vécues par la majorité populaire et à jouer sur les affects favorisant une véritable dépolitisation dont les grands médias se sont fait l’écho des plus a-critique. Le terrain électoral en grande partie défini par les partis néolibéraux est propice à ce type de manipulation qui fait que la majorité populaire est amenée à soutenir une minorité politique qui cherche à se placer au service des élites.
Parler vrai, c’est possible y compris en campagne électorale
Pourtant une campagne électorale pourrait être un moment où des bilans sérieux et argumentés pourraient être présentés à la population et où pourrait être favorisée l’expression de la parole citoyenne. Une campagne électorale pourrait être un moment privilégié pour parler-vrai et démontrer qu’une alternative politique est possible et nécessaire. C’est exactement ce que la campagne de Québec solidaire a tenté de faire. C’est pourquoi Québec solidaire a reçu une écoute plus importante que jamais. Cela illustre qu’un changement de culture politique est possible et qu’il est en train de ce réaliser. Malgré la victoire de la vieille politique, des raisons d’espérer ont commencé à s’imposer.
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