En effet, comme le Manifeste du FLQ, la couverture est illustrée de l’effigie du « vieux patriote », auquel Louis Fréchette prêta sa plume, dans La légende d’un peuple, pour dénoncer les « idéologirouettes » et les vire-capots de son temps. Le vieux évolue dans une arène et porte des gants de boxe, au lieu de tenir un fusil.
Qu’on lise Résistance, Groove grave, La bataille des murailles, La censure pour l’échafaud et Libérez-nous des Libéraux, il résonne dans ces chants quelque chose du Frap [ Front d’Action Politique, parti municipal de gauche opposé à Jean Drapeau.], du manifeste de Mainmise (« Mets-en, man, c’est d’la Bonzaïon ») et du Manifeste des felquistes.
Lu solennellement sur les ondes de Radio-Canada et publié dans tous les médias écrits, ce Manifeste a reçu un large appui populaire. Il parlait vrai et démasquait l’hypocrisie des défenseurs du statu quo. Si ses auteurs le récrivaient, aujourd’hui, ils lui donneraient sans doute une tournure locassienne, quelque chose comme :
« face au Canada
Arrogant régent s’ingérant dans nos affaires
Vaguement totalitaire
(…)
On r’met tout en question
Sinon, y’a régression
Vitale est la mission
Même si on s’fait chier en chicanes de Constitution
Ostie que ça tue l’action !
(…)
Envergure qu’on enrobe, fierté qui s’dérobe
D’un peuple qui vit dans l’garde-robe
Quand la moitié est claustrophobe
Au fond, y’a juste Bourgault de probe
Pineault pis nous pour nommer cet opprobre »
En outre, ils se réjouiraient de savoir que le 16 octobre est la journée des manifs internationales contre McDo. En 1970, les felquistes dénonçaient les capitalistes et les multinationales de l’époque : Power Corporation, GM, Steinberg, Eaton, etc. Certains de ces « big boss » sont disparus, avalés par les Olympiens de la mondialisation ultra-libérale.
On voit Biz qui porte un chandail avec l’effigie de Ti’ Poil, celui qui, en 1968, appelait les souverainistes à préparer le premier programme de la République du Québec. Aux yeux des jeunes qui pilotaient l’opération Ça urge !, depuis 1969, le PQ devait prendre le pouvoir en avril 1970. Mais, mode de scrutin, coup de la Brink, campagnes de peur, tout concourrait à briser l’élan indépendantiste.
L’Option Québec n’avait pas dégagé une majorité. Une amère déception s’ensuivit, que l’on sentait partout. Lévesque : battu dans Laurier ; le PQ : 7 députés. Le radicalisme des modérés a bientôt fait place au radicalisme des felquistes qui s’est exprimé par des enlèvements, auxquels Trudeau a répondu par la loi des Mesures de guerre, une loi qui, depuis la conscription de 1917, servait surtout à réprimer les grévistes. Puis, c’est la répression bête et méchante : 12,000 policiers et soldats déferlèrent sur le Québec : 343 personnes arrêtées, 642 perquisitions [Octobre 1970, dix ans après, Criminologie, Vol. XIII, no 2, 1980, p. 12.].
Signe des temps : les événements de 1970 font l’objet d’une série télévisée produite par la CBC, alors que les souverainistes, saisis par l’endormissement, se taisent. Avec eux, aucun danger de crouler sous un excès d’indépendantisme ! Ce n’est pas de ce côté que « l’alouette en colère » cherchera son cratère d’expression.