Ce geste est dans les faits l’expression d’une volonté de donner au peuple les moyens de se nourrir, de construire une solidarité paysanne pour augmenter la production agricole. Mais il n’est pas que cela : il comporte également une double signification symbolique qui a toute sa pertinence dans la conjoncture actuelle.
C’est d’abord un geste de souveraineté dans la mesure où des paysan.ne.s du nord-est décident de prendre en main la réalisation d’un canal dont ils/elles sont pleinement conscient.e.s de son importance sur la qualité de la vie dans la région. Cette réalisation se fait aussi sans demander l’aide du gouvernement de facto haïtien, dont une grande partie de la population de la région ne reconnait pas la légitimité. Ce geste de souveraineté prend corps dans une situation sociale de plus en plus délétère, où la gouvernance est décriée, perçue comme un pouvoir qui fait tout pour maintenir un statu quo où le crime, les massacres, les viols, les kidnappings, la destruction des institutions étatiques, la crise économique endémique, le déplacement forcé de centaines de milliers de gens constituent la réalité quotidienne de toute une nation. Ce gouvernement de facto, dépourvu de légitimité, ne peut exercer son autorité que par la force et par la violence, et c’est ce rôle qui est attribué aux bandits armés depuis ces dix dernières années. Ces malfrats commettent meurtres et atrocités, et rien n’est fait pour les arrêter. Aujourd’hui, le gouvernement de facto entreprend de faire venir une force d’occupation militaire dans l’unique but de reproduire son pouvoir ou de maintenir le statu quo.
C’est aussi un geste de dignité. La construction du canal provoque la fermeture de la frontière par le gouvernement du président dominicain Luis Abinader. Une décision arbitraire, prise à la hâte, pour punir les Haïtiens et les Haïtiennes qui, dans l’esprit d’Abinader, dépendent du commerce de vivres venant de la République Dominicaine. Voulant rouvrir la frontière à la suite des pressions exercées par les commerçants dominicains, Luis Abinader réalise maintenant que ce sont les Haïtiens et les Haïtiennes eux-mêmes et elles-mêmes qui refusent la réouverture de la frontière et la reprise des relations commerciales. Une position relevant de la dignité du peuple, de la volonté d’affirmer son autonomie et le respect de soi. Mais aussi une position et une affirmation qui montrent clairement, si besoin était, que le gouvernement de facto ne peut relever en aucun cas le défi de défendre la dignité de la nation.
Aujourd’hui, la construction du canal, qui se transforme en un mouvement de prise en main du pays par la population, s’inscrit dans le cadre de la lutte pour construire un autre pays, un pays souverain où le peuple haïtien puisse vivre enfin dans la dignité. En ce sens, il est essentiel que ce mouvement de solidarité qui a débuté dans le milieu paysan du nord-est prenne une plus grande dimension, que d’autres parties du pays et de la diaspora s’engagent également à y apporter leur soutien afin que notre pays devienne autonome et souverain.
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