Cette affaire d’un cycliste de St-Roch écrasé à mort par deux flics en autopatrouille, m’indigne, me révolte et m’écœure profondément. À croire qu’en sortant de la Centrale du parc Victoria, ce mercredi-là, les deux loubards en uniforme s’étaient donné comme mot d’ordre : « aujourd’hui on casse du crotté, pis on écrase du B.S. », avec en arrière trame des séquences de Fais-moi peur Shériff ! »… Non mais, c’est proprement impensable ! Imaginez : on recule à fond la caisse sur un pauvre mec qui roulait à sens contraire sur St-François-est (à côté de l’église St-Roch), on le heurte gravement et on l’écrabouille sous les roues de la voiture, on repasse dessus avec l’auto, puis, on relève de force le malheureux viré du blanc au gris pour lui demander ses papiers (un baptistère avec ça ?). Là, voyant qu’il s’effondre et qu’il vomit du sang, on le fout manu militari dans une ambulance (non sans l’avoir engueulé au préalable) et le comble, après son départ, on prend bien soin d’effacer la scène de « l’accident » en fourguant sa bicyclette dans le coffre de l’autopatrouille. Pas beau, ça ?
Non mais, c’est ça qu’on appelle « Protéger et servir » ? C’est comme ça qu’on apprend à procéder, manœuvrer et être transparent à l’école de police de Nicolet ? C’est ça qu’on a retenu comme leçon de la répression gratuite des manifs de carrés rouges ? C’est ça le côté jugement et compétence relationnelle d’exception qu’on voudrait faire ressortir aux négos pour garder intact son petit régime de retraite ?
De fait, s’agissant d’un « marginal » de Montréal ou de Québec tombés sous les balles, voire grillé par le Teaser d’un policier, à chaque fois que j’entends parler de pareil drame, de pareil dérapage policier, c’est une partie de moi qu’on assassine un peu. Parce que ces gens-là, voyez-vous, ces itinérantEs, prostituéEs, dealers, toxicos, poqué-es en tous genres, je les aime, je les respecte et c’est avec ces personnes-là que je travaille. Que ce soit dans les centres-villes ou ailleurs, dans les ruelles glauques ou les racoins sombres, à chaque fois qu’on en tue une de ces personnes-là, c’est mon rêve de mixité sociale et mon idéal d’un espace citoyen démocratique, convivial et inclusif qui s’effondre un peu plus.
À voir ce qui s’est passé sur la rue St-François-est, c’est comme si rien ne changeait jamais. Comme si rien ne voulait jamais changer. Comme si la culture de la bavure, du dérapage et de l’exception tolérés s’étaient insinuée jusqu’à devenir une « norme » acceptée dans les institutions de police de ce pays. Comme si les policiers, à l’instar d’un certain type de politiciens, ne devaient jamais être imputables de leurs actions. Comme si, d’une affaire Claudio Castagnetta (Québec) à une autre affaire Magloire ou Limoges (Montréal), on s’entêtait, chez les policiers à ne pas admettre ses torts, à cultiver le secret et à toujours s’imaginer au-dessus des lois, sachant que advenant bévues ou boulettes, on sera blanchi par nos pairs. Comme les deux policiers impliqués dans l’affaire Blouin qui seront (malheureusement) fort probablement réintégrés sous peu dans un autre secteur, après avoir été exonérés de tout blâme par les collègues de la S.Q. et pourquoi pas, promus, décorés ?
Désespérant, vous-dis-je…
À moins, bien sûr, qu’on ait le courage social, chez les libéraux, d’adopter le projet de loi (12) du précédent gouvernement lequel établirait pour des situations semblables un Bureau des enquêtes indépendantes. En quel cas, il y aurait lieu d’espérer…
Autrement, je souhaite de tout cœur que les nombreuses réalisations menées par les organismes du centre-ville de Québec (l’Engrenage, la Table de quartier, le comité de citoyens de St-Roch, etc.) pour établir un climat de confiance, n’auront pas servi seulement qu’à distraire la galerie et donner bonne conscience aux promoteurs et aux propriétaires des alentours du Parvis.
De même, j’ose espérer qu’à l’avenir, les policiers se garderont une petite gêne en matière de « cartage », profilage, intimidation et harcèlement auprès de la clientèle du Parvis. Une retenue qui pourrait se traduire entre autres, par le fait de cesser de jouer aux gros bras, demeurer courtois et polis avec les gens et ne plus faire monter d’autopatrouille sur l’emplacement du Parvis pour jouer à Rambo, GI Jo ou pour montrer ses pantalons de camouflage de négos.
Quant à la Ville de Québec, Labeaume et sa garde rapprochée devront aussi se salir les mains en clarifiant et rendant accessible la réglementation en matière de circulation dans les rues qui sillonnent le centre-ville de Québec. Actuellement, la situation est comparable à la « Maison des fous d’Astérix », et personne, parmi les automobilistes, cyclistes et piétons, ne s’entend sur ce qui est faisable, acceptable, justifiable, légal, toléré, voire punissable d’amende en matière de circulation. Une tâche d’autant plus impérieuse, aussi, parce que s’amorceront sous les peu les travaux du futur chantier avoisinant de la Tour de 18 étages (Cromwell) qui est sensée trôner à quelques jets de pierre du Parvis. Méchant bordel en vue !
Quant à Guy Blouin, le malheureux cycliste décédé gratuitement et injustement ce mercredi-là, son « crime » était punissable d’une « grosse » amende de $ 37.00…
Mourir pour rien, vous-dis-je.
* Légende de photo : Sur cette photo du Parvis St-Roch, prise à la mi-août, on voit deux policiers de la Ville et un travailleur de la SPA vérifier la condition physique du chien d’une jeune itinérante. L’opération aura duré deux heures. À remarquer l’autopatrouille qui bloque entièrement le chemin piétonnier reliant la rue St-François à la rue St-Joseph. (Crédit Gilles Simard)