Tandis que l’industrie cinématographique hollywoodienne porte un regard de plus en plus critique sur les guerres d’Irak et d’Afghanistan, les séries américaines tombent encore souvent dans l’éloge caricatural des GI’s prêts à se sacrifier pour défendre les valeurs des Etats-Unis.
Ce jeudi 30 septembre, la chaîne de télévision américaine Fox diffusait le premier épisode de la saison 6 de Bones. Loin d’être encensée par la critique -et absente des palmarès des Emmy Awards-, la série est pourtant l’une des plus populaires outre-Atlantique.
Pour cette rentrée, on retrouve l’agent Seeley Booth (David Boreanaz) de retour d’Afghanistan, où il s’était rendu pour former les troupes. L’occasion rêvée pour les scénaristes de nous infliger un flash back patriotique sur les aventures afghanes du héros.
Sur fond de musique orientale, le téléspectateur assiste à une opération militaire menée -de main de maître par l’agent Booth- pour retrouver l’enfant d’un interprète afghan, kidnappé par les talibans.
L’entreprise est, bien sûr, un succès. L’enfant est sauvé des mains de ses ravisseurs qui le menaçaient de mort. Sa mère, une belle Afghane, pleure et remercie les soldats américains pour leur intervention, tout en maudissant cette guerre qui lui a pris son mari.
Un soutien indéfectible aux troupes américaines
Cette représentation patriotique et clichée de la guerre n’est pas inhabituelle à la télévision américaine. Saison après saison, les séries les plus populaires aux Etats-Unis répètent leur soutien indéfectible aux troupes basées en Irak et en Afghanistan.
Quand, à la fin de la cinquième saison de Grey’s Anatomy, l’interne George O’Malley décide de s’engager dans l’armée comme chirurgien, Arizona, pédiatre de l’hôpital, défend sa décision -dévoilant ainsi la position des scénaristes :
« Ce que George fait est dangereux, terrifiant et courageux. Il va servir son pays. Il va risquer sa vie pour sauver celles des hommes et des femmes qui font que nous pouvons dormir en sécurité. […]
Mon frère est mort en Irak, donc en ce qui me concerne, George est un patriote, c’est un héros et je suis heureuse qu’il existe. »
Le marronnier du stress post-traumatique des vétérans
Les scénaristes des séries américaines -qui ne se sont apparemment toujours pas remis du génial « Taxi Driver » de Martin Scorsese- ont trouvé l’angle idéal pour aborder les conflits américains : le stress post-traumatique des soldats.
Dès que FBI Portés disparus, NCIS, Esprits criminels ou encore Grey’s Anatomy abordent la guerre d’Irak ou d’Afghanistan, c’est via la figure d’un vétéran traumatisé par les horreurs de la guerre.
Dans Grey’s Anatomy, c’est le Major Hunt, vétéran de la guerre d’Irak, qui fait office de héros torturé. Insomniaque, les évènements qu’il a subis pendant la guerre le hantent quotidiennement.
Une nuit, alors qu’il revisite son passé militaire, il tente ainsi d’étrangler sa compagne, l’interne Cristina Yang.
« Je soutiens les hommes qui se battent »
La série NCIS, consacrée au monde militaire, a abordé les guerres d’Afghanistan et d’Irak à plusieurs reprises. Dans l’épisode 10 de la saison 5, les créateurs utilisent une fois de plus la figure du vétéran traumatisé pour traiter du conflit.
Le Caporal Worth, héros de la guerre d’Irak qui doit bientôt recevoir la « silver medal », s’enfuit de l’hôpital où il est traité pour ses syndromes post-traumatiques et agresse un membre de l’équipe du NCIS. Face à la colère de ses collègues, l’agent défend son agresseur :
« C’est un marine, qui était prêt à tout abandonner pour son pays. Nous avons une responsabilité envers lui ! »
A la fin de l’épisode, un échange entre Gibbs -le chef de la division- et l’attaché de presse d’un sénateur résume ce qui semble être la position des créateurs de la série sur le conflit. Gibbs attaque l’antipathique homme politique :
– « Tout ce qui vous importe, c’est de vendre cette guerre ! »
- « Vous ne soutenez pas la guerre ? »
- « Je soutiens les hommes qui se battent. »
Les scénaristes esquissent ainsi une légère critique de la responsabilité des politiques dans les conflits irakiens et afghans.
Seule condamnation acceptable pour ceux qui veulent soutenir coûte que coûte les soldats, au risque de nuire à la qualité de leur série.
« Montrer les soldats tels qu’ils sont », le pari de Generation Kill
En rupture avec cette vision uniforme et patriotique, Generation Kill, l’excellente mini-série de 2008 de la chaîne HBO, traite des premiers jours du conflit irakien à travers les yeux des soldats.
Le scénario est tiré d’un livre de Evan Wright, journaliste du magazine américain Rolling Stone qui avait suivi une compagnie de marines pendant l’invasion.
Loin du mythe des soldats héros, la série montre les marines dans leur quotidien. Des scènes de combats à d’autres plus banales, on découvre une partie de la jeunesse américaine embarquée dans un conflit qui la dépasse.
A la sortie de la série aux Etats-Unis, Evan Wright, auteur du roman éponyme à l’origine du programme, expliquait sa démarche :
« Après la diffusion du premier épisode de Generation Kill […] je crois que certaines personnes ont été choquées que les marines d’aujourd’hui ne parlent pas comme Tom Hanks dans un film sur la Seconde Guerre mondiale.
La vérité, c’est que les marines de 22 ans sont plongés dans la même culture que ceux de 22 ans qui ne sont pas marines.
Mon intention […] n’est pas de les glorifier, ni de les rabaisser, mais juste de les montrer tels qu’ils sont. »
Plus réaliste, Generation Kill se détache du point de vue démagogue adopté par une majorité des séries américaines. Les héros de la mini-série apparaissent alors plus humains, donc plus courageux que les Captain America torturés de Bones, NCIS ou Grey’s Anatomy.