Les développements au sein de SYRIZA seront déterminés par de nombreux points d’ordre différent.
1. Solidarité [contre les attaques calomnieuses]. Ces derniers jours, il est clair qu’une campagne politico-journalistique a visé des dirigeants de SYRIZA qui, sous diverses formes, ont manifesté leur désaccord avec le troisième mémorandum [Memorandum of understanding signé le 13 juillet 2015]. Il s’agit de Panagiotis Lafazanis [ex-ministre de la Reconstruction productive et de l’Energie], Nadia Valavani [vice-ministre des Finances ayant démissionné], Zoé Kostantopoulou [présidente du parlement] et Yanis Varoufakis [ministre des Finances démissionnaire]. Il est remarquable que SYRIZA en tant que parti, officiellement, a maintenu le silence face à des attaques immorales. Nous demandons que le parti exerce son pouvoir et son influence, afin de mettre fin à ces procédés. Des membres de la direction de SYRIZA devraient avoir à l’esprit le modèle de 1981 concernant le PASOK [ Andreas Papandréou, en 1981, a gagné les élections face au dirigeant de la Nouvelle Démocratie, Georgios Rallis ; à cette date, il était dit que la Grèce disposait de « son premier gouvernement socialiste »]. Ils devraient apprendre comment, à l’époque, des procédés similaires (complicités entre les secteurs du parti, les médias et des services de l’Etat) ont fonctionné contre des dirigeants du PASOK qui étaient identifiés à des traditions ou des pratiques plus radicales. Nous ne devons pas permettre qu’un tel processus se reproduise à l’intérieur de SYRIZA [référence est faite ici que des éléments des campagnes de dénigrement proviendraient de membres du cercle gouvernemental resserré de SYRIZA].
2. Un jugement clair sur l’accord. De nombreux camarades nous demandent d’éviter symétriquement aussi bien un jugement qui présente l’accord sous un jour l’embellissant qu’un jugement le dramatisant. Ces caractérisations n’ont aucun intérêt. Nous avons besoin d’une évaluation politique claire. L’accord entérine un mémorandum très dur. Il comporte un turbo TAIPED [fonds gérant les privatisations], une super mise sous surveillance [de la gestion gouvernementale, des ministères, etc.], un vigoureux système automatique de coupes dans les dépenses sociales en cas de dépassement des objectifs budgétaires, des robustes contre-réformes anti-ouvrières. Il s’agit d’un mémorandum que Samaras n’aurait pu imposer, ni la « grande coalition » Samaras (ND) et Venizelos (PASOK). Les créanciers et la classe dominante grecque ont déposé ce troisième mémorandum dans les mains de SYRIZA avec l’objectif de mettre à profit son influence au sein des classes laborieuses et populaires et de la sorte promouvoir des contre-réformes ; mais aussi dans le but de briser les forces sociales et politiques menaçantes du monde du travail regroupées autour de SYRIZA, en particulier lors des grands combats anti-mémorandums [2010-11]. A cette occasion, les dirigeants de l’Eurozone ont utilisé leur expérience internationale. Partout en Europe, les contre-réformes néolibérales ont été appliquées très souvent par des gouvernements sociaux-démocrates. Dès lors, le néolibéralisme se déchaîne avec violence et les partis sociaux-démocrates, profondément transmués, sont intégrés dans un nouveau cycle de pouvoir paneuropéen de la droite.
3. La question : y avait-il une alternative ? Il est erroné de poser la question de quelle alternative Alexis Tsipras disposait à l’aube dramatique du 13 juillet. Il faut prendre en considération la situation antérieure, durant les mois faisant suite au 25 janvier [victoire électorale]. En tant que membre de la Plateforme de gauche, je partage toutes les propositions faites à l’époque pour un nécessaire conflit-rupture avec la zone euro et l’euro. Mais ici, je ne veux pas répondre à ceux qui parlent de la « gauche pro-drachme » [les médias utilisent de nombreuses formules pour caractériser la gauche de SYRIZA], ni répéter les arguments concernant un nécessaire plan B. Je voudrais souligner les questions relatives à l’abandon du plan A qu’avait SYRIZA.
Le congrès fondateur de SYRIZA [2013] a préparé un plan adopté par la majorité. Celui-ci prévoyait : des réformes en faveur des classes laborieuses et populaires [telles que définies dans le programme de Thessalonique de septembre 2014], ce qui impliquait des « actions unilatérales » qui auraient conduit à la formation autour du gouvernement d’une solide alliance sociale de gauche. Le financement de ce programme se serait effectué à partir de ressources résultant du non-service de la dette (dans une perspective de la suppression de l’essentiel de cette dernière) ; cela s’accompagnant d’une forte imposition du capital et de la richesse accumulée, en combattant la fraude et l’évasion fiscales des capitalistes, ainsi qu’une annulation des privatisations. Le rapport entre ce programme et la « mondialisation » s’exprimait dans le slogan : « Pas de sacrifice pour l’euro ». Cela laissait ouverte la perspective de « négociations », mais s’appuyant sur une politique radicale d’affrontement et de clivages au sein même du pays et en laissant ouverte la possibilité de rupture avec la direction de l’Eurozone face au dilemme entre la défense de la population et le maintien dans l’euro.
Aujourd’hui, nous ne savons pas si cette politique définie lors du congrès de fondation était correcte, nous ne savons pas si elle consistait en une « alternative » face à Merkel et Schäuble. Et cela pour une raison : parce que cette politique a été abandonnée le jour après les élections, parce qu’elle a été annulée par un « parti clos au sein du parti » |1| qui a décidé unilatéralement et sans l’approbation d’une instance majeure du parti [Comité central ou Congrès] de se consacrer exclusivement à une politique de négociation avec les créanciers, en faisant appel strictement à une tactique visant à se consolider face aux « institutions » [BCE, Commission européenne, FMI]. Cela dans l’espoir d’obtenir un compromis honorable, à adopter sans hésiter et sans prendre de précautions pour rester « à tout prix dans la zone euro ». Cette politique, après une première escale le 20 février [premier accord avec la troïka impliquant le service de la dette], s’est effondrée dans la nuit du 12 au 13 juillet à Bruxelles.
4. Qu’est-il arrivé dans l’intervalle ? Plusieurs camarades affirment que nous avons atteint les limites maximales de la confrontation avec les créanciers.
Ils prétendent que nous avons cessé de payer la dette [non-paiement de 1,5 milliard au FMI fin juin]. Ce n’est pas une affirmation sérieuse. Un défaut a pour but de préserver des ressources financières en vue de les allouer à des besoins sociaux et non pas pour rembourser des prêts à des requins. Ce n’est pas la même chose de payer les créanciers jusqu’à épuisement du dernier euro et par la suite d’être contraint de faire défaut sur un versement étant donné la situation de faiblesse dans laquelle on s’est mis.
Ces camarades prétendent que nous avons imposé un contrôle des capitaux. Cela ne constitue pas une affirmation sérieuse. La limitation à 60 euros par jour de retraits ne concerne pas le capital, mais l’épargne populaire ; le capital avait pu s’enfuir sans être dérangé préalablement. Ce n’était ni une gestion, ni un contrôle des capitaux, parce qu’un contrôle ne peut pas se faire au guichet automatique bancaire, mais dans les principales banques qui ont organisé l’évasion de capitaux. [Selon la Banque de Grèce, la fuite des dépôts bancaires privés s’est encore accélérée en juin 2015 : 7,58 milliards d’euros, par rapport à 3,86 milliards en mai 2015. La fuite des capitaux de décembre 2014 à mai est estimée à plus de 40 milliards. Les transferts massifs de capitaux ont commencé dès 2010 et se sont accentués dès 2012.]
Dragasakis affirme que la fuite des dépôts bancaires était la super-arme aux mains des créanciers. Vraiment [question au responsable économique Dragasakis] ? Qui était responsable de la politique de transfert de capitaux des banques, de la « coexistence pacifique » entre le gouvernement et les banquiers durant les mois qui se sont écoulés ? Qui était responsable de donner l’alarme au parti et au gouvernement face à la fuite massive des capitaux par le biais des quatre « respectables » banques systémiques ?
Avons-nous peut-être frappé le réseau de contrebande ? Durant les mois de notre gouvernement, n’avons-nous pas donné le contrôle des paris de courses de chevaux ainsi que les machines à sous, les célèbres « slots », au groupe qui contrôle déjà l’OPAP [firme contrôlant les jeux privatisée en 2013] ?
5. Se départir des idées de gauche ? Je suis d’accord avec les camarades [référence au centre gauche de SYRIZA connu sous la dénomination des « 53 plus », qui malgré des réserves ont acquiescé à l’accord] qui soulignent le danger de se départir des idées de gauche et d’une politique de gauche [à partir de cet accord]. Mais celui qui cherche, franchement, à se sortir de la situation dramatique vers laquelle nous allons, une solution est à sa portée : le rejet, même encore maintenant, de l’accord ; le recours au vote sur un ordre du jour clair et sur la définition d’une politique de gauche ; exiger un mandat clair des membres pour une voie alternative [allusion est faite ici à une discussion au Comité central qui devait être la plus réduite possible en termes politiques]. Avec ces derniers [les « 53 plus » qui étaient en grande partie parmi les 109 signataires du CC, sur 201, qui s’opposaient le 15 juillet à l’accord et demandaient une réunion immédiate du CC] existe une base de communication [entre la Plateforme de gauche et eux], à condition que tout cela se fasse selon des modalités honnêtes et de façon convaincante. Ce qui signifie une discussion ouverte au sein du parti, des décisions et le contrôle de ces décisions par les instances de SYRIZA.
6. La proposition d’un congrès en septembre. Beaucoup de camarades soutiennent la proposition de la tenue d’un congrès en septembre, cherchant ainsi à éviter les « aventures » ou le risque d’une division.
De cette façon, un vide politique critique est créé. En effet, le problème réside dans ce qui va se passer entre maintenant [CC du 30 juillet] et la fin de septembre. A savoir ce qui va se passer pendant la période où le troisième mémorandum sera présenté pour approbation et adoption (par la… gauche radicale) au parlement ? Le parti et ses sections seront contraints au silence face à la question brûlante du moment, alors que le « parti clos au sein du parti » et le gouvernement auront les mains libres pour tout ajustement du mémorandum. C’est la raison pour laquelle la Plateforme de gauche propose de convoquer un « Congrès permanent » maintenant [le « Congrès permanent » implique que les délégués du congrès précédent ayant adopté le programme de SYRIZA puissent se prononcer et non pas des délégués « sélectionnés » pour entériner une décision prise par le gouvernement et une majorité des parlementaires] ou en tout cas avant que le mémorandum soit présenté [avec tous ses articles] devant le parlement pour approbation [le gouvernement vise à ce que l’adoption intervienne le 18 août avant le 20 août, date à laquelle Athènes doit rembourser 3,2 milliards d’euros à la BCE].
7. Nos engagements dans le mouvement. Nous tous, en plus d’être membres du parti, nous sommes membres d’organisations sociales, par exemple de syndicats. Là, nous avons l’obligation de stimuler la lutte, la résistance sociale contre les mesures spécifiques du troisième mémorandum. Et cela avec les mêmes armes traditionnelles : la grève, les manifestations et les occupations, etc. Objectivement, ces luttes vont se retourner contre le gouvernement qu’a soutenu et soutient le parti de SYRIZA. Individuellement et collectivement nous serons placés dans cette position tragique si nous décidons d’accepter le nouveau mémorandum.
Quiconque tente de limiter ces luttes, quiconque propose à nos membres l’auto-censure transférera au sein de SYRIZA les pressions pour une mutation SYRIZA en syntonie avec les exigences du mémorandum.
Cette mutation, si elle intervient, reviendrait à la dissolution de SYRIZA [au sens de la fin de sa trajectoire comme parti-coalition de la gauche radicale].
Source et Traduction : A l’Encontre
Notes
|1| A l’occasion du Comité central du 30 juillet 2015, un membre prédominant du gouvernement et de SYRIZA, vice-président et responsable de l’économie, Yannis Dragasakis, accusait, selon une tradition stalinienne, les membres de la Plateforme de gauche d’être « un parti dans le parti ». Le « cercle fermé » au sein de SYRIZA dont parle l’auteur de ce texte constitue effectivement « le vrai parti dans le parti gouvernemental ». (Rédaction A l’Encontre)