Les évolutions du salariat ont un impact évident sur les capacités d’organisation collective, et donc sur des formes de structuration syndicale qui, pour l’essentiel, ont été pensées dans des périodes de plus grande stabilité du salariat et d’entreprises de tailles plus importantes. L’existence d’un chômage de masse durable, le développement des différentes formes de précarité et d’instabilité ne favorisent pas l’engagement syndical.
Largement présentes sur le marché du travail, les femmes, pour leur part, n’ont pas encore pris la place qui leur revient dans le syndicalisme, qui reste encore trop marqué par une vision traditionnelle de la place des hommes – la sphère publique, le monde du travail – et de celle des femmes – la sphère privée, familiale –, et qui n’échappe pas au système de domination patriarcale à l’œuvre dans notre société. Il y a là un défi pour le syndicalisme qui, s’il ne le relève pas, se prive d’une possibilité de renouvellement et d’élargissement de son influence, notamment dans des secteurs d’activité où les femmes sont largement présentes, comme celui des services.
En outre, le fonctionnement actuel du capitalisme financier vise avant tout la rentabilité financière pour satisfaire des actionnaires qui n’ont pas de visage et sont abrités par des fonds de pension qui se déplacent en permanence sur différents marchés financiers à travers la planète. Les salarié-es manquent ainsi d’interlocuteurs lorsqu’il s’agit de demander des comptes. Au sein des multinationales, les responsabilités sont diluées dans des montages complexes, entre société mère, filiales, sous-traitants, entreprises franchisées, holding, etc., tout cela permettant notamment d’échapper aux réglementations nationales, quand elles existent encore, en matière de fiscalité et de droits sociaux. La mondialisation, toujours plus importante, vise à développer sans cesse plus la concurrence exacerbée entre pays, entre régions, entre travailleurs, d’un bout à l’autre de la planète.
Face à ces évolutions qui déstabilisent les fondements traditionnels du syndicalisme et ses structures, les réponses n’ont pas été suffisantes. À ces éléments « extérieurs » au syndicalisme, il faut ajouter des éléments intrinsèques au syndicalisme lui-même. Ainsi, en France, le débat sur la nécessaire indépendance du syndicalisme n’est toujours pas réglé. La réforme des retraites réalisée par le gouvernement de François Hollande en 2013 avec l’appui de certains syndicats, alors même qu’elle s’inscrivait dans la droite ligne de celle menée par Nicolas Sarkozy en 2010, contre laquelle l’ensemble des syndicats français étaient descendus dans la rue à de nombreuses reprises en 2010, en là pour en témoigner.
L’idée de transformation sociale est de moins en moins portée et une partie du mouvement syndical se situe davantage dans une logique d’accompagnement. Cela a des conséquences très concrètes sur les positionnements des uns et des autres : il suffit de voir les désaccords qui se sont fait jour en 2013 sur le dossier des retraites ou sur la loi dite de « sécurisation de l’emploi ». L’absence de perspective globale, de vision politique – non pas au sens partidaire, mais bien d’enjeu de société – affaiblit la dynamique syndicale, même s’il ne s’agit pas de revenir à des visions figées qui pouvaient être présentes au sein du mouvement syndical et social dans les années 1970. Il ne s’agit pas de décréter un projet de société « clé en main », mais de poser des jalons importants, comme la question du partage des richesses et du travail, de l’accès pour toutes et tous aux droits fondamentaux, de l’éradication des discriminations, de la prise en compte des contraintes écologiques, de l’organisation de la société, de la place des services publics, de qui décide pour produire quoi, etc.
Un contexte de crise systémique
Si ces questions sont propres au syndicalisme et le concernent spécifiquement, elles touchent aussi plus globalement les mouvements sociaux, dans un contexte de crise systémique qui perdure depuis l’irruption de la crise financière, en 2008. Cette dernière a révélé au grand jour la catastrophe que représente le fonctionnement actuel du capitalisme, la déréglementation financière généralisée intervenue depuis un quart de siècle, la toute-puissance des marchés financiers, à qui les gouvernements et les institutions politiques internationales ont lâché la bride depuis trop longtemps. Le TINA (« There is no alternative ») de Margaret Thatcher des années 80 s’est ainsi généralisé. Si la crise a révélé la fragilité même du système actuel et lui a retiré de sa crédibilité, les rapports de forces établis par les mouvements sociaux n’ont pas permis pour l’instant d’imposer d’autres choix, malgré l’ampleur de ceux-ci dans certains pays. En Europe, au contraire, les politiques d’austérité généralisées se poursuivent, en dépit de leur inefficacité économique et de leurs répercussions sociales. À l’image de la France, les alternances politiques ne changent quasiment rien sur les logiques de fond, les gouvernements successifs poursuivant trop souvent les mêmes choix économiques, à coup de déréglementation, de réduction à marche forcée des déficits publics, d’absence de volonté réelle d’engager la nécessaire transition écologique ou une véritable réforme d’ampleur pour plus de justice fiscale. Et lorsqu’un candidat fait campagne sur le changement et la nécessité d’affronter la finance, et que son action depuis son arrivée au pouvoir tourne le dos à ces engagements, cela ne peut nourrir qu’une certaine méfiance vis-à-vis du « politique ». Quand cela se double d’un scandale financier de taille impliquant un ministre du Budget censé organiser la lutte contre la fraude fiscale, dans laquelle il est lui-même impliqué, cela rajoute une dose de rejet d’un monde politique qui apparaît de plus en plus lié au monde des affaires…
Dans le même temps, les inégalités et les précarités gagnent du terrain. Les zones de relégation sociale se multiplient, que ce soit dans les quartiers populaires aux portes des grandes villes ou dans des zones rurales ou semi-rurales : les citoyen-nes s’y sentent abandonnés.
Tous ces éléments nourrissent une crise démocratique forte : la classe politique est discréditée, elle n’est plus représentative de la population, et semble vivre dans un autre monde. Les institutions républicaines deviennent des lieux vides de sens et de tout débat politique digne de ce nom, à quelques exceptions prés. Le syndicalisme est aussi touché par ces distanciations, dans la mesure où il apparaît, lui aussi, comme une institution éloignée du terrain.
Différents mouvements sociaux ont émergé dans le monde ces dernières années, à côté des organisations syndicales. Si en France, des mouvements comme celui des « Indignés » sont restés quasi inexistants, un certain nombre de luttes « spécifiques » existent en dehors du mouvement syndical depuis des années. Des mouvements comme ceux des sans-papiers, pour le droit au logement se sont d’abord construits en dehors du syndicalisme, même si quelques jonctions se sont faites (voir les mouvements de grève des sans-papiers en 2009/2010). C’était déjà le cas des mouvements de chômeurs dans les années 90. Le mouvement altermondialiste a posé, lui, des questions plus globales sur le type de société, les enjeux écologiques, les rapports Nord-Sud, le poids de la finance, la démocratie directe mais aussi la remise en cause des fonctionnements pyramidaux des organisations « classiques », partis ou syndicats. Ces mouvements posent des questions sur des sujets non-pris (ou mal-pris) en charge par le syndicalisme en général et par l’affaiblissement de son contenu politique. Ces différents mouvements sont porteurs pour les uns de revendications thématiques limitées et précises (le droit au logement, la régularisation des sans-papiers…) pour les autres, de remises en cause globales de l’ordre néolibéral. Ils ont pour particularité de se développer, d’exister en dehors du milieu de travail. Doit-on en conclure que l’avenir sera fait de ces seuls « nouveaux » mouvements sociaux qui à eux seuls seraient capables d’embrasser les différents aspects de la question sociale, les différentes revendications ? La réponse est sans doute en partie dans la capacité du syndicalisme à comprendre de quoi sont porteurs ces mouvements, à reprendre des questions interprofessionnelles plus globales de société qui ont été portées à d’autres époques dans le mouvement ouvrier, des questions de transformation sociale dans un contexte de crise systémique au XXIe siècle.
C’est dans ce contexte que nous assistons à une montée des « populismes », en France comme en Europe. Derrière ce terme, on retrouve l’expression de colères qui se côtoient les unes à côté des autres, sans avoir nécessairement d’intérêts communs, comme le mouvement des « bonnets rouges » fin 2013 en Bretagne : des salariés et des patrons, des petits producteurs ruinés par des logiques productivistes et des représentants de l’agroalimentaire qui ont porté cette logique, soudés par une défense d’un pseudo-intérêt régional commun. En France, comme en Europe, le débat politique pour l’instant est marqué par une montée de la droite extrême, un Front national (FN) « décomplexé » et relooké autour de Marine Le Pen, dont l’objectif est désormais la conquête du pouvoir.
Quel « débouché politique » pour la contestation sociale ?
La situation actuelle est marquée par cette contradiction. D’un côté, il existe des colères sociales importantes, qui restent toutefois isolées et ne pèsent pas, pour l’instant, sur les choix politiques et économiques. De l’autre, l’extrême-droite progresse et ses idées se développent par capillarité dans toute la société. Dans ce contexte, la question du « débouché politique » est posée.
Longtemps, pour les mouvements sociaux et le syndicalisme en particulier, la réponse était assez simple : il suffisait de s’en remettre aux partis politiques de gauche et de se caler sur les échéances électorales, en donnant plus ou moins ouvertement des consignes de vote. Cela ne peut plus fonctionner aujourd’hui. À la base de cette « répartition des tâches » existait l’idée plus ou moins implicite de subordination du social au politique et de partage des rôles : aux partis politiques la vision globale, aux mouvements sociaux et aux syndicats les revendications immédiates. Cette conception a quelque peu fait faillite. La hiérarchie entre le social et le politique a été remise en cause par les mouvements sociaux, par des associations comme Attac ou une organisation syndicale comme Solidaires. Même les confédérations traditionnelles qui ont été historiquement porteuses de cette conception l’ont progressivement abandonnée, au moins dans les textes.
L’expérience de la gauche au pouvoir (avec l’arrivée de François Mitterrand en 1981, ou la période 1997-2002 avec Lionel Jospin comme Premier ministre) a refroidi les ardeurs de ceux et celles qui pensaient qu’il suffisait d’une alternance politique pour que cela débouche sur une alternative politique.
Qui plus est, la séparation entre social et politique est de moins en moins pertinente. Par exemple la question des retraites ne peut être traitée sous le seul angle démographique ; il s’agit bien d’un choix de société : quelle place, dans la répartition des richesses, attribuer à la prise en charge des personnes retraitées ? Ou la place et l’avenir des services publics comme une seule question comptable, découlant d’économies à tout prix dans les dépenses publiques, sans en faire un débat citoyen sur les besoins fondamentaux des populations, urbaines ou rurales ? Ou encore le débat sur le soi-disant « coût du travail » qui devient une évidence alors même que la question du rapport capital/travail n’est pas mise sur la table. En fait, tout débat « social » est nécessairement un débat politique, un débat citoyen : en ce sens, il ne peut y avoir un « partage des tâches » sur ces sujets entre ce qui relèverait strictement du rôle des partis ou de celui des syndicats.
Cela ne signifie pas que partis et syndicats ont la même place ou la même fonction dans la société : les syndicats n’ont pas vocation à accéder au pouvoir, mais au contraire d’assumer la fonction de contre-pouvoir. Mais il y a une même responsabilité à construire les rapports de forces pour changer les choses, du moins pour ceux qui s’inscrivent dans la transformation sociale.
L’émergence de « nouveaux » mouvements sociaux règle-t-elle la tension entre le champ politique et le champ syndical et permet-elle de dépasser cette contradiction ? Ces mouvements sont critiques sur ce qui ne fonctionne pas ou plus dans les institutions politiques, et au-delà sur les mouvements sociaux « anciens ». Ces critiques sont en partie fondées et pose la capacité du syndicalisme à se refonder, à se ré-inventer face aux nombreux défis auxquels il est confronté. Soit, il se fige sur ses structures et son fonctionnement soit il se remet en cause, cherche les réponses en tâtonnant, expérimentant, en acceptant de s’ouvrir et de travailler avec des mouvements qui fonctionnent davantage en réseaux horizontaux. Des coopérations peuvent se faire : dans la lutte de Notre-Dame-des-Landes, à côté de la Confédération paysanne, Solidaires est impliqué pas seulement en terme de solidarité mais en lien avec sa volonté d’affronter la nécessaire articulation entre urgences écologiques et urgences sociales. Les Forums sociaux permettent aussi ces coopérations, qui supposent d’accepter la confrontation qui peut parfois être difficile, mais indispensable pour qui veut construire des alliances et des rapports de forces…
Donner du contenu à la question du débouché politique
Personne ne peut prétendre disposer d’un modèle définitif d’un processus de transformation sociale, ni de formes achevées d’une nouvelle organisation sociale. Quelques questions pourraient néanmoins être mises en chantier dès à présent. Il est, en effet, nécessaire de porter des revendications qui cassent la logique de la concurrence de « tous contre tous », et donc de défendre les droits collectifs ou le système de protection sociale qui garantit chacun-e contre les aléas de la vie, c’est-à-dire tout ce qui est aujourd’hui mis en cause par les politiques néolibérales. Tout en continuant de penser le droit à l’emploi et le temps de travail, il faut reprendre la réflexion sur la division du travail et la hiérarchie des revenus : comment mettre en œuvre la rotation des tâches, la polyvalence, tout cela supposant des politiques de formation dans ce sens. La division du travail pose notamment la question de la hiérarchie des salaires, mais également la remise en cause de tout ce qui a contribué à l’individualisation (intéressement, participation, stock-option…) et à affaiblir le financement de la protection sociale. Si la défense du « pouvoir d’achat » reste une nécessité au vu du partage de plus en plus inégal des richesses produites, à l’explosion des dividendes versées à une minorité, on ne peut en rester là. Cette question du niveau et de la hiérarchie des salaires doit aussi être comprise comme un élément pour freiner la consommation des plus favorisés et des actionnaires, avec un mode de vie qui tire la société toute entière vers un consumérisme exacerbé. En ce sens, il y a des convergences à construire dans la réflexion et la mobilisation avec ceux qui dénoncent la concentration des richesses (et des pouvoirs) par une minorité.
La question de l’information est également un enjeu important pour connaître et maîtriser ce qui se passe dans les entreprises, les multinationales, les donneurs d’ordre et les sous-traitants. Les multinationales se donnent les moyens de rendre opaques leurs comptes, leurs choix d’investissement, de stratégie financière, de restructuration… afin d’empêcher les salarié·e·s de regarder tout cela de près. Les droits existants (CE, CCE, Comité de groupe) sont insuffisants pour faire face à cette stratégie de la dissimulation : il faut donc les renforcer et en créer de nouveaux. Là aussi, cet enjeu de l’information ne se joue pas uniquement dans l’entreprise mais bien aussi d’un point de vue général : c’est un enjeu démocratique en tant que tel pour toute la société.
La réappropriation du travail et de son organisation doit être à l’ordre du jour. Les horaires décalés, l’éclatement des collectifs de travail et des statuts au sein d’une même entreprise, les restructurations permanentes des entreprises, la production à flux tendu, la perte de sens y compris dans les services publics… tout cela engendre stress, désintérêt, souffrance au travail. Cela doit devenir un enjeu de luttes collectives pour sortir du mal-être au travail et pour se réapproprier ensemble les enjeux d’organisation du travail en lien avec les finalités de la production.
Les grandes questions ouvertes dans les années 1960 autour des idées d’autogestion, de contrôle ouvrier restent d’actualité pour ceux et celles qui ont toujours comme objectif l’émancipation individuelle et collective. Les conditions de travail doivent être favorables à l’exercice de l’intelligence critique des individus. Plus les travailleurs/travailleuses sont autonomes dans le choix des buts et des moyens de leur travail, plus ils/elles peuvent participer à une vraie démocratie, à la délibération dans tous les aspects des choix politiques, économiques et citoyens. D’une certaine façon, ces questions ressurgissent, sous d’autres formes, dans les mouvements sociaux de ces dernières années : le besoin de démocratie directe, transversale, s’est exprimé largement dans les mouvements comme celui des Indignés, ou dans des luttes comme celle des Fralib…
Les richesses produites n’ont jamais été aussi grandes, mais cela s’inscrit dans une logique productiviste, consumériste, totalement contradictoire avec les besoins de transition écologique. Il faut donc repenser la production de richesses en fonction des besoins sociaux, mais en articulant cela avec la nécessaire transition écologique.
La question du niveau de décision reste ouverte : comment reprendre la question du plan, de la planification, en la liant avec la question démocratique, ce qu’on appelait la « planification démocratique ». Celle-ci ne peut pas reposer sur les seuls salarié-es au sein des entreprises et des services publics : il faut imaginer des espaces (assemblées de citoyens/citoyennes par exemple) où s’élaborent les besoins (en tenant compte des impératifs écologiques) de la population dans sa diversité et au plus près d’elle. Et il faut construire les outils d’une articulation régionale, nationale, européenne.
Les nouvelles technologies et leur fonctionnement horizontal sont des outils utiles pour les mobilisations et peuvent favoriser la démocratie, à condition que cela aide à la confrontation des points de vue pour bâtir du collectif et non pour conforter l’addition de points de vue individuels.
Reste bien sûr la question centrale de la propriété des moyens de production : nationalisation, socialisation, appropriation des moyens de production et d’échanges. Tous ces termes apparaissent aujourd’hui « d’un autre temps » et pourtant au vu de l’impasse dans laquelle nous met et nous mène le capitalisme financier, il faut sans nul doute les reprendre, les retravailler dans le sens d’une utopie transformatrice même si nous n’avons pas/plus de schéma global prédéterminé.
Comment faire ce chemin ? Inscrire ces idées dans les combats d’aujourd’hui et notamment autour de l’idée de ne plus laisser la finance, le marché décider de nos vies. Il nous faut appuyer toutes les expérimentations sociales concrètes qui montrent qu’il est possible de fonctionner autrement.
Alors la question du débouché politique en résumé ?
La question du débouché politique est donc avant tout une question de débat citoyen sur les contenus des politiques à mettre en œuvre, immédiatement et à plus long terme.
La bataille des idées est un élément essentiel dans la construction d’un rapport de forces. Sans celle-ci, sans la conviction largement partagée qu’un autre monde est possible et nécessaire, qui passe par des réorientations des politiques, voire de vraies ruptures et des orientations stratégiques alternatives, on ne pourra avancer dans la transformation sociale. Dès aujourd’hui, il s’agit bien pour le syndicalisme de faire vivre au XXIe siècle la « double besogne » définie dans la Charte d’Amiens lors du congrès de la CGT en 1906 : organiser les résistances aux politiques néolibérales et mettre en avant des revendications immédiates permettant d’améliorer les conditions de vie du plus grand nombre, salarié-es, chômeurs et retraité-es, jeunes en formation, tout en mettant en avant la nécessité du dépassement du capitalisme, des politiques néolibérales actuelles, etc. Ces propositions doivent permettre une mise en débat citoyenne dans lequel il y a place pour un échange avec les partis politiques. Il s’agit bien de trouver le moyen de se confronter et de coopérer avec les partis politiques qui s’inscrivent dans la perspective de transformation sociale, tout en évitant la confiscation représentative qui peut encore tenter certains (même inconsciemment…) ; il s’agit de travailler à dépasser la simple démocratie représentative qui est aujourd’hui à bout de souffle et d’ouvrir le débat, et les pratiques, sur la démocratie directe à tous les niveaux. Et cette question concerne aussi le syndicalisme lui-même !
Au bout du compte, il s’agit pour les mouvements sociaux et pour le syndicalisme de préserver une autonomie en évitant deux impasses : s’en remettre aux partis politiques pour la transformation sociale ou refuser toute coopération, toute confrontation avec eux, alors même qu’ils sont une partie de la réalité dans laquelle nous agissons. Il est donc possible de construire des alliances, des convergences pour la transformation sociale en s’appuyant sur des luttes, des initiatives citoyennes, des expérimentations sociales, sans être dépendants du calendrier électoral. C’est bien s’il y a mobilisation sociale, au sens large du terme, que des changements politiques existeront, au-delà des seuls rendez-vous électoraux.
Annick Coupé est porte-parole de l’Union syndicale Solidaires. L’article a été publié en mars 2014, réf. http://solidaires.org/IMG/pdf/IRIS-janv2014.pdf