Source : FSSS-CSN
Lors de sa rencontre avec les membres du Groupe de travail sur le financement des services de santé, présidé par M. Claude Castonguay, la présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN, Francine Lévesque, a soutenu que la privatisation constituerait la pire des solutions aux problèmes qui affligent le réseau de la santé et des services sociaux. Selon Francine Lévesque, les pénuries de main-d’œuvre dans la santé et les services sociaux sont une question bien davantage prioritaire que celle d’essayer d’inventer des stratagèmes pour ouvrir la porte au privé.
« Si l’objectif du Groupe Castonguay est d’appuyer une orientation gouvernementale visant à démanteler les services publics, à développer un système à deux vitesses et à abaisser les conditions de travail du personnel, notre fédération s’objectera farouchement à de telles conclusions, car elles révéleraient davantage un biais idéologique qu’un raisonnement supporté par les faits », a soutenu Francine Lévesque.
Dans son document, remis au Groupe Castonguay, la FSSS a réfuté les arguments en faveur du désengagement de l’État et de la privatisation en montrant qu’il existe d’incontestables démonstrations à l’effet que la gestion publique et l’universalité d’accès aux soins de santé ont permis de créer des régimes de soins de santé plus équitables et plus efficaces.
La montée des projets de privatisation
La fédération de la CSN est présentement très préoccupée par la montée de projets de privatisation qui se multiplient. La FSSS a vivement dénoncé le projet de la direction de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal de transférer des patients en chirurgie à la clinique RocklandMD. Si un tel projet était autorisé, des fonds publics serviraient à ériger le premier hôpital privé au Québec. Alors que les installations de l’Hôpital du Sacré-Cœur sont sous-utilisées, le recours à la clinique RocklandMD est un dédoublement de ressources coûteux et inutile.
La décision de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal de priver la population du centre-ville de 200 lits d’hébergement en CHSLD est totalement inacceptable. La région de Montréal a perdu plus de 700 lits en CHSLD depuis 1995 et, selon l’Institut de la statistique du Québec, le nombre de personnes âgées de 80 ans et plus augmentera de 47 % d’ici 2026. La FSSS participe à l’organisation d’une résistance contre cette fermeture.
Utilisation alarmiste et tendancieuse des chiffres
Il est faux de prétendre que les dépenses de santé accaparent près de 45 % des dépenses de programme du gouvernement du Québec, comme le mentionnent les communiqués du Groupe Castonguay. Ce ne sont pas uniquement des dépenses de santé dont il s’agit, mais des dépenses de santé auxquelles il faut ajouter les services sociaux. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), le Québec ne consacre en fait que 31 % de ses dépenses de programme aux soins de santé, soit la plus faible proportion de toutes les provinces du Canada.
Mais une proportion de 45 % des dépenses de programme consacrée à la santé et aux services sociaux est-ce si intolérable ? Il ne semble pas puisque, à titre de comparaison, l’Ontario consacre déjà plus de 58% de ses dépenses de programme à la santé, aux services sociaux et aux services à l’enfance.
Le Québec est en réalité l’endroit en Amérique du Nord où les dépenses privées et publiques de santé par habitant sont les moins élevées.
Tout en étant la province qui affecte le plus faible montant par habitant à la santé ainsi que la plus faible proportion de son budget aux soins de santé, le Québec se retrouve au premier rang pour ses dépenses en médicaments prescrits par habitant. Le Québec se distingue notamment par la plus faible utilisation de médicaments génériques au Canada.
Les frais aux usagers sont nuisibles
Alors que M. Claude Castonguay se montre favorable à l’introduction de frais aux usagers, la FSSS partage l’avis du rapport de la Commission Romanow pour qui les frais modérateurs se font surtout sentir chez les moins nantis et les empêchent d’accéder aux soins de santé dont ils ont besoin. Cette pratique peut même provoquer une hausse des coûts à long terme puisque les gens retardent leur traitement jusqu’à ce que leur état s’aggrave. Les frais modérateurs entraînent aussi des coûts administratifs importants annulant ainsi tout gain de revenu pour l’État.
Les régimes privés d’assurance coûtent trop cher
Les régimes privés d’assurance complémentaire au Québec ont connu au fil des années des hausses de coût beaucoup plus fortes que la croissance des dépenses gouvernementales en santé.
Ainsi les membres de la FSSS subissent d’importantes hausses de leur prime d’assurance. Elle a pratiquement doublé en sept ans et elle a augmenté à un rythme six fois plus élevé que la progression du salaire moyen. La prime pour une couverture familiale a atteint 1536 $ en 2007.
Les régimes privés d’assurance sont inefficaces car ils consacrent d’importantes sommes à la vaste infrastructure nécessaire à l’évaluation des risques, à l’établissement des primes, à la conception des régimes d’indemnisation, à l’examen des demandes et au remboursement des bénéficiaires, sans oublier leur marge de bénéfice.
En revanche, les régimes à payeur unique peuvent éviter un bon nombre de ces coûts administratifs. Ainsi, la Régie de l’assurance-maladie du Québec ne consacre que 2 % en frais de gestion pour le remboursement de plus de 5 milliards de réclamations, tandis que ces mêmes frais chez les assureurs privés s’élèvent à 10% et davantage.
Les pénuries de main-d’œuvre : la vraie priorité
Le problème du recrutement de personnel de la santé et des services sociaux a atteint un niveau dramatique. Selon la FSSS, l’enjeu majeur c’est l’urgente nécessité d’un plan stratégique pour recruter les personnes dont le réseau public aura besoin au cours des prochaines années.
D’ici dix ans, il faudra recruter plus de 112 000 personnes dans le réseau, dont 40 000 infirmières et infirmiers et 26 000 préposé-es aux bénéficiaires. De nombreuses autres catégories d’emploi, déjà en manque d’effectif, sont à risque de vivre de sérieux déficits de personnel.
Le problème des pénuries de main-d’œuvre dans le secteur de la santé et des services sociaux a atteint un tel seuil critique que des dirigeants n’hésitent pas à utiliser l’expression Code rouge. Les fermetures de lits, les reports d’interventions chirurgicales, les listes d’attente dans le domaine psychosocial sont quelques exemples des effets du manque de personnel.
Collaborer pour trouver des solutions
La privatisation ne peut qu’aggraver la pénurie de personnel. Le développement de ressources privées, accessibles bien souvent qu’aux plus nantis, favorise la désertion de ressources humaines formées dans le réseau public. Il faut donc empêcher à tout prix que la rareté actuelle de personnel ne soit amplifiée par des hémorragies vers le secteur lucratif.
« Depuis une dizaine d’années, une succession de décisions nuisibles des gouvernements ont miné le moral du personnel du réseau et ont nui au recrutement. Nous pensons ici au contingentement des inscriptions dans les écoles de formation, au programme de départs à la retraite, aux décrets sur les conditions de travail et la rémunération, aux lois hostiles aux syndicats en 2003, etc. Le gouvernement Charest a commis une grave erreur en traitant le personnel de la santé et des services sociaux comme s’il était un ennemi », rappelle Francine Lévesque.
Selon Francine Lévesque, les attitudes commencent heureusement à changer du côté patronal et du côté du ministère de la Santé et des Services sociaux. Le MSSS et l’Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux n’hésitent plus à reconnaître que l’utilisation croissante des agences privées de services professionnels remet en question non seulement la qualité, mais également la continuité des services.
« Nous attendons du gouvernement des signes encore plus clairs qu’il entend changer de cap et qu’il est prêt à collaborer avec les organisations syndicales pour convenir de solutions bénéfiques pour le réseau », de dire la présidente de la FSSS.
Des augmentations salariales anémiques
Il y a des liens à faire entre la valorisation du personnel, l’attraction de la relève et la question des salaires. La croissance de la rémunération moyenne du personnel a été anémique, à moins de 2% par année depuis 1997. Selon l’Institut de la statistique du Québec, en 2001, les employé-es de l’État gagnaient 7,7 % de moins que les employé-es des autres secteurs. En 2006, l’écart est passé à 15,2 %.
La Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN représente 118 000 membres dans les secteurs de la santé et des services sociaux, des services à la petite enfance, des services préhospitaliers ainsi que des services privés et communautaires de santé. Près de 78 % des membres de la FSSS sont des femmes.