Source : CSN
« C’est un groupe de travail attentif et ouvert à questionner nos arguments que nous avons rencontré. » C’est ainsi que la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, a résumé l’ambiance qui prévalait lors de sa rencontre avec le groupe de travail sur le financement de la santé. « Malheureusement, nous conservons la perception que le mandat de ce groupe de travail est très restreint et qu’il ne scrute les problèmes qu’à travers la seule lunette du financement et d’une ouverture accrue au privé. « Nous croyons, quant à nous, que les seules solutions productives reposent sur la consolidation du système de santé public. »
Au cours de cette rencontre qui a duré près d’une heure et demie, la CSN a tenté de mettre en garde le groupe de travail contre un recours accru aux assurances privées en vue de couvrir des services déjà assurés par
le régime public.
Pour la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, le recours aux assurances privées peut apparaître comme solution intéressante pour régler les problèmes d’accès, mais il s’agit d’un leurre. « Tout le monde n’a pas les moyens de se payer un régime d’assurance collective », explique Madame Carbonneau. Par exemple, à la Fédération nationale des communications de la CSN, 28 syndicats sur 41 qui ont répondu à un bref sondage n’avaient aucun régime d’assurance collective.
Le coût des régimes privés d’assurance collective a, en effet, connu une croissance importante au cours des dix dernières années, due principalement à l’augmentation du coût des médicaments. Chez l’assureur SSQ, la prime d’assurance collective moyenne par adhérent, seulement pour la portion d’assurance maladie comprenant les médicaments, a augmenté de 111 % entre 1996 et 2006, passant de 495 $ en 1996 à 1043 $ en 2006.
Autre exemple : dans un des contrats d’assurance analysés par la CSN en 2005 (celui d’une municipalité), le coût mensuel de la prime d’assurance maladie pour une famille est passé de 149 $ en 2001 à 234 $ en 2004, un bond de 57 % imputable pour l’essentiel au coût des médicaments. Dans un autre cas (un transporteur scolaire), la prime familiale d’assurance maladie a plus que doublé au cours de la même période. L’impact de ces augmentations sur les salarié-es n’est pas négligeable et a conduit certains groupes à réduire les garanties offertes par leurs assurances collectives (la chambre d’hôpital semi-privée ou privée n’est plus couverte, la liste des médicaments admissibles a été réduite, les franchises ont augmenté, le remboursement pour les soins de physiothérapie a été réduit de moitié).
Pour les employé-es du secteur de la santé et des services sociaux (FSSS et FP), de 1999 à 2007, la prime pour le régime de base est passée, dans le cas d’une personne seule, de 330 $ à 759 $, une augmentation de près de 130 %. Pour une famille, la prime du régime de base est passée de 765 $ à 1670 $ au cours de la même période, une augmentation de 118 %. Pour les dix prochaines années, il est estimé que la prime d’assurance maladie de base pour un individu augmentera annuellement de 8,4 % (2101 $ en 2017) et la protection familiale de 7,7 % par année (3509 $ en 2017).
« De telles augmentations ont exercé une ponction substantielle sur les revenus de certains travailleurs et ont poussé le coût des primes au-delà de 10 % du salaire dans le cas de salarié-es à faible revenu ou à statut précaire. On a même vu des groupes de travailleuses et de travailleurs (par exemple, dans le transport scolaire) être forcés d’abandonner leurs protections d’assurance collective parce qu’ils ne pouvaient plus faire face à la hausse des primes », a souligné la présidente de la CSN. « Avec un désengagement des employeurs qui, de plus en plus, gèlent leur contribution, c’est une crise de l’assurance collective qui pointe à l’horizon. Comment pourra-t-on ajouter de nouvelles garanties pour des interventions chirurgicales, comme celle de la hanche, du genou, des cataractes, et ainsi de suite ? », se demande Claudette Carbonneau.
L’expérience des pays de l’OCDE
Les critiques de la CSN à l’égard d’un recours accru aux assurances privées se fondent sur des études réalisées par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) portant sur L’assurance-maladie privée dans les pays de l’OCDE, publiée en novembre 2004. Cette étude reconnaît que les systèmes de santé parallèles au système public favorisent les personnes plus riches ainsi que celles qui sont plus jeunes, en meilleure santé ou qui ont des problèmes de santé moins coûteux à traiter. Cette étude démontre aussi que le développement de régimes privés d’assurance maladie a pour effet d’augmenter les dépenses totales de santé, sans toutefois alléger la charge publique. Selon l’OCDE, plusieurs facteurs contribuent à cette situation, entre autres :
– la possession d’assurance maladie privée incite les gens à consommer davantage de soins et de services médicaux, augmentant par le fait même les coûts ;
– les autorités gouvernementales exercent moins de contrôle sur les activités et les prix du secteur privé. Des honoraires plus élevés dans le privé et la recherche de profits contribuent à augmenter les coûts ;
– les cas lourds ne sont généralement pas admissibles, et donc non couverts par l’assurance maladie privée. Ils demeurent aux frais du régime public. C’est ainsi que ce dernier ne se trouve pas soulagé ;
– l’accès aux services dépend de la capacité de payer des personnes, les plus riches pouvant obtenir des services plus rapidement ;
– en déplaçant le peu de personnel disponible vers le privé, on ne résorbe pas les temps d’attente ni la pénurie de personnel dans le secteur public.
Des pistes de solutions
La présidente de la CSN a proposé au groupe de travail plusieurs pistes de solutions. Pour la CSN, il faut investir dans un système moins centré sur l’hôpital et davantage tourné vers des services de 1re ligne offerts dans la communauté (groupes de médecine familiale, cliniques externes ambulatoires, centres de jour, mesures sociales, prévention, soins à domicile). Les problèmes de financement, de pénurie de personnel, de déficience dans l’organisation du travail et des services et de gestion des listes d’attente doivent être corrigés. La CSN croit qu’il faut miser sur les cliniques publiques spécialisées plutôt que sur celles qui sont privées. « C’est dans la consolidation des infrastructures publiques qu’il faut investir. Pour maintenir un financement adéquat les gouvernements doivent arrêter de continuellement baisser les impôts et plutôt se servir intelligemment de ce puissant levier qu’est la fiscalité pour garantir un système de santé public accessible à tout le monde », de conclure la présidente de la CSN.
La CSN revendique une modernisation et une révision à la hausse des couvertures publiques pour pallier notamment à des réalités comme la perte d’autonomie et se déclare prête à ce que soit ouvert un débat sur un financement équitable de ces nouvelles protections.
La CSN regroupe plus de 300 000 travailleuses et travailleurs, tous usagers des services de santé et des services sociaux dont une part importante de la protection sociale repose sur l’existence d’un régime public et universel de santé.