Tiré de CADTM infolettre
« Nous sommes aujourd’hui soumises à une nouvelle forme d’emprisonnement. Avant, nous étions enfermées dans nos maisons, dépendantes, contrôlées. Aujourd’hui, nous sommes emprisonnées par des conditions de travail inhumaines, emprisonnées par la dette ».
Silvia Federici
Le « coût » de la dette est supporté par l’ensemble de la population, tant dans le Sud Global que dans le Nord, que ce soit à travers les plans d’ajustement structurel ou l’austérité imposées par les institutions financières internationales. En effet, la logique qui opère systématiquement dans le monde entier privilégie le remboursement de la dette par rapport aux dépenses sociales des pouvoirs publics. Un exemple : Avant même l’arrivée de la pandémie un quart des pays du Sud consacraient davantage de ressources au service de la dette qu’en dépenses de santé.
Ce « coût » de la dette a des conséquences particulièrement dévastatrices pour les femmes (ainsi que pour les groupes les plus vulnérables, comme les personnes migrant.es, LGTBI+, etc.). Ce sont elles qui subissent directement et supportent (de manière invisible) l’impact des contraintes imposées aux gouvernements pour rembourser la dette publique : coupes budgétaires dans les politiques publiques, détérioration des systèmes de santé et difficulté d’accès aux médicaments, détérioration de la qualité et de l’accès à l’éducation (pour tous les âges), réduction des prestations sociales, flexibilisation et précarisation du travail, absence de protection sociale, etc.
Ce « coût » de la dette a des conséquences particulièrement dévastatrices pour les femmes (ainsi que pour les groupes les plus vulnérables, comme les personnes migrant.es, LGTBI+, etc.)
C’est ainsi que les politiques néolibérales renforcent et approfondissent la logique capitaliste et patriarcale qui ne fait que se perpétuer en profitant de la dévalorisation et de l’invisibilisation du travail non rémunéré, notamment du travail de soins, qui est principalement effectué par les femmes*.
Qui assume les responsabilités liées à la reproduction sociale et aux soins dans ce contexte d’austérité et de coupes budgétaires ? Ce sont les femmes*, principalement par le biais de travail non payé ou sous payé et le recours à l’endettement privé. Un endettement qui, dans de nombreux cas, ne vise qu’à accéder aux besoins fondamentaux de la vie : nourriture, logement, accès à la santé et à l’éducation. C’est ainsi que fonctionne le « Système dette », un outil au service de la pérennité du capitalisme et du patriarcat.
Qui assume les responsabilités liées à la reproduction sociale et aux soins dans ce contexte d’austérité et de coupes budgétaires ?
Ce dossier (numéro 81) de la revue du CADTM « Les autres voix de la planète », propose de parcourir les rouages du « Système dette » à partir de différentes perspectives féministes. Ceci afin de démontrer comment la dette publique et les dettes privées sont les deux maillons d’un même système qui renforce et perpétue le capitalisme et le patriarcat. Mais aussi pour expliquer comment la violence économique et la violence machiste sont liées et opèrent davantage par l’endettement, par la colonisation des foyers, des corps, de la terre et de la nature. En résumé, par la colonisation financière au détriment du maintien de la vie.
Dans un premier chapitre intitulé « les dettes contre les femmes* », plusieurs militantes féministes du CADTM ainsi que d’autres auteures telles que Cinzia Arruzza, Tithi Bhattacharya, Nancy Fraser ou Amaia Pérez Orozco abordent ces questions d’un point de vue davantage théorique, tout en restant très accessible. Pour continuer, le deuxième et le troisième chapitre exposent respectivement (à travers différents formats, tels que des interviews et des articles) comment les dettes publiques et privées perpétuent les inégalités de genre et attaquent les droits des femmes*. Et enfin, un dernier chapitre est consacré aux luttes féministes. La dette a été une revendication transversale et centrale depuis des décennies au sein des mouvements sociaux. Et ces dernières années, c’est le mouvement féministe qui a réussi le grand défi de relier dette, violence et travail.
Le mouvement féministe n’est pas seulement un des mouvements articulés au niveau international, mais il a aussi la grande capacité de lire, comprendre et connecter les luttes
La crise sanitaire et économique que nous traversons n’a fait qu’aggraver les conditions de vie dans le monde, approfondissant non seulement la précarité, les inégalités, la pauvreté et le niveau d’endettement des classes populaires, mais aussi la difficulté d’imaginer de nouveaux horizons. Sous le prétexte de l’urgence à devoir faire face à la crise sanitaire, d’énormes quantités de dettes publiques ont été contractées, ce qui servira d’outil de chantage les prochaines années pour imposer davantage d’austérité et de privatisations aux populations, et entraînera des conséquences désastreuses pour les droits des femmes*.
Pour faire face à cela, le mouvement féministe n’est pas seulement un des mouvements articulés au niveau international, mais il a aussi la grande capacité de lire, comprendre et connecter les luttes. Le mouvement féministe nous a nourri ces dernières années avec des propositions pour créer de nouveaux horizons, pour se réapproprier des espaces publics, connecter des corps et des territoires et imaginer d’autres mondes possibles. Ce n’est pas en vain que les féministes ont fait partie des grands mouvements sociaux de ces dernières décennies et elles en ont tiré de nombreuses leçons qui se traduisent par ce qu’est aujourd’hui le mouvement féministe transnational. C’est pourquoi il était aussi important de consacrer un espace dans ce dossier aux luttes et à la désobéissance financière des initiatives féministes dans le monde
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