Tiré de Entre lesl ignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/12/04/declaration-sur-les-mecanismes-de-reglement-des-differends-entre-investisseurs-et-etats-isds-et-le-climat/
Les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE – ISDS) menacent l’action climatique. Alors que s’ouvre la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 27), nous appelons les gouvernements du monde entier à mettre fin à ce dispositif injuste et dangereux.
Nombre d’accords de commerce et d’investissement comprennent des mécanismes ISDS. Ceux-ci permettent aux entreprises transnationales de poursuivre les gouvernements devant des juridictions opaques, en dehors des systèmes juridiques nationaux, lorsqu’elles considèrent que des évolutions législatives et normatives réduisent leurs profits.
Depuis de nombreuses années, les entreprises pétrolières, gazières, minières, extractives et du secteur de l’énergie ont intenté des centaines de procédures d’ISDS contre des pays – 42% des demandes connues d’ISDS concernent les secteurs minier et de l’énergie [1]. Aujourd’hui, de plus en plus de ces procédures contestent directement les politiques climatiques. Les entreprises du secteur des énergies fossiles ont déjà engagé des poursuites suite à des décisions relatives à la sortie progressive du charbon, l’abandon d’un oléoduc de pétrole issu des sables bitumineux, l’interdiction des forages pétroliers en mer et la régulation de la fracturation hydraulique. Les spécialistes du secteur estiment eux-mêmes que ces cas ne pourraient être qu’un début, compte tenu du volume « d’actifs échoués » (stranded assets) liés aux énergies fossiles [2].
Le rapport du GIEC publié cette année indique clairement que les dispositifs ISDS risquent de bloquer la sortie progressive des énergies fossiles [3]. Il mentionne expressément le Traité sur la Charte de l’énergie (TCE), sur lequel s’appuient de nombreuses entreprises des énergies fossiles et auquel les pays en développement sont actuellement incités à adhérer.
Les principaux risques que font peser les mécanismes ISDS sur la lutte contre la crise climatique sont les suivants :
Renchérissement du coût de l’action climatique
Les entreprises peuvent, à travers les dispositifs ISDS, réclamer d’immenses sommes d’argent public, souvent beaucoup plus élevées que devant des tribunaux nationaux. Les demandes dans les récentes affaires relatives au climat se chiffrent en milliards d’euros et incluent souvent des montants importants au titre d’hypothétiques bénéfices futurs. Ces montants sont considérables au regard des capacités financières de nombreux pays et ils renchérissent démesurément la transition climatique.
Gel réglementaire
La crainte de poursuites peut amener les pays à reporter l’adoption des mesures climatiques nécessaires, voire à y renoncer. Plusieurs pays ont déjà reconnu cet état de fait [4]. La menace des dispositifs ISDS peut être utilisée pour intimider et faire reculer les gouvernements. Après des décennies d’inaction, le monde ne peut tout simplement pas se permettre que les entreprises du secteur des énergies fossiles utilisent l’ISDS pour intenter des poursuites et plonger le monde dans une paralysie climatique.
Les populations qui sont en première ligne de la crise climatique et des luttes contre des projets miniers et extractivistes destructeurs sont souvent confrontés aux procédures ISDS déclenchées par les industriels.
Nous devons de toute urgence éliminer le système d’ISDS. Dans le monde entier, les preuves des atteintes portées depuis des années à l’environnement, aux terres, à la santé et à l’autodétermination des peuples sont incontestables. Et l’urgence toujours plus pressante de l’impératif climatique ne fait aucun doute. Les propositions de réformes sont insuffisantes, inefficaces et totalement inadaptées au regard des besoins. Les gouvernements doivent agir immédiatement pour mettre fin aux risques liés au mécanisme d’ISDS.
Nous savons que cela est possible, car certains pays ont déjà commencé s’y employer. Des pays comme l’Afrique du Sud, l’Inde, la Nouvelle-Zélande, la Bolivie, la Tanzanie, le Canada et les États-Unis ont pris des mesures en vue de supprimer les mécanismes d’ISDS. Il est possible d’adopter les mesures concrètes suivantes :
Arrêt :
– des processus de négociation, de signature ou de ratification de tout nouvel accord prévoyant un mécanisme d’ISDS, tels que les accords de l’UE avec le Mexique ou le Chili ;
– des processus d’adhésion aux accords existants qui incluent un ISDS, tels que le TCE (Traité sur la Charte de l’énergie), le CETA (Accord économique et commercial global UE-Canada) ou le PTPGP (Accord de partenariat transpacifique) ;
– de l’extension des accords existants pour y inclure un ISDS, tels que le RCEP (Partenariat économique global régional – Asie) ou la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine).
Dénonciation ou sortie des traités existants incluant un mécanisme ISDS, tels que le TCE.
Retrait des mécanismes ISDS et refus de les utiliser.
Recherche d’alternatives au mécanisme d’ISDS, notamment l’assurance des risques liés aux investissements, la collaboration internationale pour renforcer les systèmes juridiques internes et les mécanismes de droits humains.
À l’heure où les pays se réunissent pour la COP 27, nous appelons les gouvernements à s’engager à supprimer la menace que les mécanismes d’ISDS font peser sur les objectifs climatiques en éliminant ce dispositif injuste et dangereux.
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Signataires :
350.org
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