Présentation par la traductrice : Le 12 juin dernier, le professeur Chomsky a donné une conférence organisée par le Brecht Forum, à l’église Riverside de Harlem à New-York. Democracynow.org en a diffusé l’essentiel le 3 juillet. Ce sont ces larges extraits qui sont présentés ici en traduction. Les sous-titres sont de la traductrice. Traduction : A.Cyr.
En Afghanistan et au Pakistan, AfPak comme on nomme maintenant cette région, le président Obama fait construire d’énormes nouvelles ambassades et d’autres installations sur le modèle de ce qui a été fait à Bagdad. Aucune autre ambassade ne sont comparables dans le monde entier. C’est qu’on compte y être pour longtemps.
Il se passe quelque chose d’intéressant en ce moment en Irak. L’administration Obama fait pression sur le gouvernement iraquien pour qu’il renonce à l’obligation que lui fait l’entente sur le statut l’armée américaine dans le pays [1], de tenir un référendum populaire à ce sujet. C’est une entente qui a été imposée au gouvernement irakien par l’administration Bush qui a dû renoncer à ses objectifs de départ dans le pays à cause de la force de résistance à l’invasion. Le correspondant du New-York Times a expliqué, il y a deux jours l’objection actuelle du gouvernement américain quant à ce référendum : Obama craint que la population ne rejette l’extension de la présence des troupes qui devraient s’y maintenir jusqu’en 2012. Elle pourrait faire pression pour leur départ immédiat. La direction de la Iraqi Foundation for Democracy and Development, qui a son siège à Londres qui est plutôt favorable à l’Occident, explique : « c’est une année électorale en Irak ; personne ne veut avoir l’air de pactiser avec les Américains L’anti- américanisme est populaire en ce moment dans le pays ». Ce qui a été le cas depuis le début de la guerre et qui est connu de tous ceux qui ont un tant soit peu pris connaissance des sondages menés par les Occidentaux eux-mêmes y compris ceux du Pentagone.
Les actuels efforts des Américains pour empêcher ce référendum sont très révélateurs. Ils sont parfois appelés « promotion de la démocratie ». Alors qu’Obama parlait clairement d’établir une présence étendue dans la région, il est maintenant engagé dans une escalade de la guerre en Afpak. Il s’est rallié à la stratégie du général Petraeus de repousser les talibans vers le Pakistan avec les risques majeurs de résultats désastreux pour ce pays instable qui fait face à l’insurrection sur tout son territoire. Le pire se passe dans la zone tribale, à cheval sur la frontière pakistano-afghane. Il s’agit d’une frontière complètement artificielle imposée par les Anglais [2]et appelée la ligne Durand. Le même peuple, les Pachtounes y vit de part et d’autre et n’a jamais accepté cette situation. Le gouvernement afghan ne l’a jamais accepté non plus, tant qu’il a eu son indépendance. C’est là que se passent la majorité des combats. Selon un des meilleur spécialistes de la région, Selig Harrisson, l’actuelle politique du gouvernement américain pourrait bien favoriser ce qu’il appelle la création du ‘Pakistan islamique’ ; un semi état basé dans la zone pachtoune. L’ambassadeur pakistanais a prévenu que s’il s’opérait une alliance entre les Talibans et les nationalistes pachtounes ça serait le cas. Et on en est tout proche.
Cette possibilité s’élève avec l’augmentation des attaques au moyen de drones qui font un maximum de victimes civiles. Depuis quelques jours c’est sous l’inégalée nouvelle autorité du général Stanley McKrystal que ces attaques ont lieu. Il est un genre d’assassin ‘sauvage’ des Forces spéciales. Il a été nommé à ce poste pour prendre la tête des opérations. Le général (ou colonel) David Kilcullers, conseiller du général Petraeus en matière de contre insurrection, décrit les politiques menées par le trio Obama, Petraeus et McKrystal, comme une erreur stratégique fondamentale. Elles pourraient mener à l’effondrement du Pakistan. Il les a qualifiées de calamité qui pourrait bien banaliser tous les autres enjeux, compte tenu de la grandeur du pays, de sa situation stratégique et de son armement nucléaire.
Il n’est pas trop rassurant de voir le Pakistan et l’Inde augmenter leurs arsenaux nucléaires. Ronald Reagan a fourni à l’époque une aide déterminante au développement de celui du Pakistan. L’Inde a reçu de sont côté un sérieux coup de pouce par la conclusion du récent accord États-Unis-Inde sur l’armement nucléaire. Il s’agit en même temps d’une entorse importante au traité de non prolifération. Les deux pays en sont venus à deux cheveux d’une guerre nucléaire au cours de leurs affrontements au Cachemire. D’une certaine façon ils sont engagés l’un contre l’autre en Afghanistan.
Il y aurait encore beaucoup à dire à propos de cette crise, mais le temps nous manque.