Il y a aussi ces rétrogrades qui en sont restés au XXe siècle et qui nous objectent le régime soviétique de Staline chaque fois qu’on parle de s’attaquer au mode de production capitaliste. Ils n’ont jamais entendu parler d’écosocialisme et leur pensée étriquée est incapable de concevoir des modes de production respectant les deux règles de base d’une production écosociale : on ne prend pas plus à la terre que ce qu’elle peut donner ; tous les éléments (terre, air, eau) qui entrent dans le processus de fabrication doivent en ressortir traités au niveau de qualité où ils y sont entrés.
Quant à nos gouvernants, nos sociétés d’État et notre bonne bourgeoisie, ils nous prennent pour des quiches avec leurs mesurettes destinées à jeter de la poudre aux yeux pendant qu’ils amplifient la prédation des ressources. Il convient de dégonfler sans pitié deux mythes monstrueux du prétendu verdissage du capitalisme. J’ai nommé la bourse du carbone et la taxe carbone.
1. La bourse du carbone
Ce système a été inventé pour permettre aux entreprises polluantes de polluer le plus possible en ayant l’air vertueuses. Le principe est très simple. On attribue à chaque pays, région ou entité politique un crédit carbone revendable à d’autres qui peuvent l’acheter. Chaque pays, région ou entité politique ne doit pas dépasser son statut carbone. Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Des pays qui ne polluent pas vendent leur crédit carbone à ceux qui polluent, ce qui permet de polluer plus. Des entreprises qui polluent énormément délocalisent dans des pays, régions ou entités politiques où le droit de polluer est plus grand parce qu’on n’y polluait pas avant. D’une simplicité et d’une efficacité désarmantes. La bourse carbone est une vente de droits de polluer le plus possible exactement comme les indulgences étaient des droits de commettre des crimes pour l’aristocratie de la Renaissance.
2. La taxe carbone
Oh, la belle arnaque que voilà ! Les entreprises polluantes paient une taxe sur leur activité et la refilent au consommateur, qui ne peut pas se passer de son auto pour se rendre au travail vu qu’il n’y a pas de service de transport en commun et qui ne peut pas se passer de son frigidaire puisqu’on ne vit plus à l’époque des glacières.
Autre version, on applique directement la taxe sur le bien de consommation, comme l’essence, le diésel ou l’emballage plastique. Le consommateur qui n’a pas le choix continue à user de ces biens en payant plus cher et les mieux nantis qui ont le choix se servent de moyens alternatifs et ne se privent pas de polluer par ailleurs. La taxe carbone ne sert à rien. Elle ne fait que pénaliser les consommateurs du bas de l’échelle. Et ne venez pas me parler du versement de ces sommes dans des fonds verts qui, finalement, investissent dans les sables bitumineux.
La taxe carbone est basée sur le principe absurde de la pensée économique néolibérale selon laquelle un bien est moins consommé quand il coûte plus cher, faisant fi de toute contingence. C’est ce même principe qui a été utilisé pour créer ce qu’on a appelé dans le monde de la santé le « ticket modérateur ». Les grands penseurs de cette idée estimaient que, si l’accès à la santé était plus cher, les gens seraient moins malades.
La taxe carbone est un piège idéal pour les capitalistes qui veulent attraper les poissons consommateurs que nous sommes. Les conservateurs n’en veulent pas parce qu’ils sont climato-sceptiques et les vrais écologistes, celleux qui comprennent comment le système fonctionne, n’en veulent pas non plus parce qu’elle ne résout rien.
De leur côté, les pseudo-progressistes et les environnementalistes qui n’ont pas de vraie pensée systémique, ce qui est malheureusement le cas de la majorité des partis verts de cette planète (il n’y a qu’à voir les passerelles fréquentes entre les Verts et les Libéraux en Amérique et en Europe), sont farouchement pour. Pendant que les conservateurs et les progressistes de pacotille se crêpent le chignon sur une mesure inutile, on ne s’attaque pas aux processus de production et on ne ralentit en rien le réchauffement climatique. Et les fabricants de véhicules énergivores continuent de pousser la vente par un matraquage publicitaire frénétique (avez-vous compté le nombre de pubs pour auto ? avez-vous vu de petits véhicules dans ces pubs ?) et par une pression indécente chez les concessionnaires. Et les autorités ne font rien pour rendre le transport collectif plus attrayant. Et les autorités ne font rien pour protéger le transport actif (piétons et cyclistes).
Il faudra reparler aussi de la modulation des tarifs d’énergie, pardon de la Tarification dynamique. Comme on donne de jolis noms à ces arnaques poisseuses ! Le principe d’augmenter les tarifs dans les périodes de pointe et de les diminuer dans les périodes creuses ne sert qu’à augmenter la consommation au final puisque celleux qui n’ont pas les moyens de réduire leur consommation (les pauvres aux logements mal isolés ne peuvent pas chauffer moins en période de pointe) ne la réduiront pas et celleux qui en ont les moyens vont l’augmenter dans les périodes où ça coûte moins cher (c’est une incitation indirecte à consommer plus pour les ménages mieux nantis). Tout cela est présenté sous de magnifiques bannières de « responsabilisation » et de « choix » du client. J’en ai déjà traité dans le billet L’illusion responsable.
Le capitalisme vert, c’est comme un cannibale végétarien : il met des légumes sur la table ; pendant que vous mastiquez votre repas, il se glisse en dessous et vous dévore par le bas de sorte que vous ne pourrez plus vous enfuir.
LAGACÉ, Francis
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