L’impact politique de ce mouvement social, le plus vaste de l’histoire des États-Unis, est énorme. La participation aux protestations a été très diverse : non seulement beaucoup d’afro-américains mais aussi un grand nombre de jeunes blancs et blanches, des latinos, des asiatiques, des membres de la communauté LGBTQ. Ce qui distingue ce mouvement de celui des droits civiques des années soixante c’est bien ce très large appui social à la lutte anti-raciste qui, par le fait même, devient l’étincelle allumant une contestation sociale générale.
Le sociologue marxiste John Bellamy Foster l’a très bien résumé : « À date, le grand perdant semble être Trump, dont la popularité a chuté ces derniers mois … Cette combinaison d’une gestion désastreuse de la pandémie du COVID-19, d’une dépression économique et d’une révolte inédite contre le capitalisme racial, menée par Black Lives Matter, a finalement dégonflé la stratégie suprémaciste blanche de l’administration Trump » [2].
Notons les acquis notables de cette révolte :
• un fort mouvement pour couper les budgets pléthoriques des départements de police des grandes villes américaines. Selon le site Bloomberg, les budgets des forces de l’ordre ont plus que triplé depuis 40 ans, pour atteindre la somme phénoménale de $ 150 milliards, alors que la criminalité est en baisse de 37% sur la même période ; [3]
• les victoire aux élections primaires démocrates dans la région de New York et du New Jersey de plusieurs figures de proue du mouvement de protestation. Ces personnalités étaient appuyées ouvertement par Bernie Sanders et les Democratic Socialists of America ; [4]
• une effervescence ouvrière qui s’exprime depuis l’éclatement de la crise sanitaire par de multiples grèves sauvages dans les secteurs où sont concentrés les travailleurs/euses racisés. À ces débrayages illégaux s’ajoutent désormais des grèves politiques. Le syndicat des débardeurs (ILWU) a fermé tous les ports de la côte ouest américaine le 19 juin à l’occasion de Juneteenth, une fête commémorant la fin de de l’esclavage au Texas, mais aussi en appui ouvert au mouvement Black Lives Matter [5].
Il est difficile de dire jusqu’où ira ce puissant mouvement de contestation. À l’heure actuelle, il est trop fort et populaire pour que la classe dominante puisse l’écraser d’un seul coup. La tentative du président Trump de faire appel à l’armée pour mater la révolte a échoué car de larges secteurs de l’élite capitaliste ainsi que les hautes sphères des forces militaires rechignent à utiliser de tels méthodes néo-fascistes pour le moment. Tout comme la direction du parti Démocrate et leur candidat à la présidentielle, Joe Biden, la tendance dominante au sein des élites est pour l’apaisement du mouvement par la promesse de réformes limitées.
Mais la situation demeure extrêmement volatile. La crise sanitaire s’emballe, la reprise économique trébuche et Trump verse de l’huile sur le feu avec des sorties ouvertement racistes et des appels répétés à casser la contestation « ultra-gauchiste et anarchiste ». Bien qu’en perte de vitesse, la tendance politique néo-fasciste qu’il représente reste puissante tant au sein d’une partie des élites économiques que de certaines couches moyennes blanches et d’une partie de la classe ouvrière blanche. À mesure que se rapproche l’échéance électorale de novembre la situation deviendra plus tendue car ce président semble être prêt à tout pour rester au pouvoir.
Quoiqu’il en soit, Black Lives Matter aura changé l’histoire des États-Unis. Ce mouvement a mis en marche d’énormes pans de la société américaine et éveillé la conscience de millions de personnes. L’avènement d’une révolte aussi forte au cœur de la puissance capitaliste dominante (bien qu’en déclin) est de bon augure pour tout ceux et celles qui aspirent à un monde libéré du capitalisme mortifère. D’ailleurs des millions de personnes à travers le monde ont appuyés avec enthousiasme Black Lives Matter. Car si la révolte est possible aux États-Unis sous Trump, elle est aussi possible ailleurs. À nous, socialistes, d’en tirer les conséquences.
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