Au total, au moins 1350 ménages ont demandé de l’aide aux services d’urgence mis en place. Le FRAPRU constate que le nombre de ménages locataires toujours sans bail et en recherche de logement au lendemain du 1er juillet est le plus élevé depuis 2003. Selon les données recueillies à ce jour, ils sont plus de 370, dont 182 à Montréal, 23 à Longueuil, 34 à Laval, 12 à Châteauguay, 42 à Sherbrooke, 34 à Québec, 17 à Drummondville, 13 sur le territoire de Lanaudière Sud (Terrebonne, L’Assomption, Repentigny et Mascouche).
« Ça en dit long sur la crise du logement vécue dans plusieurs villes, surtout que ces chiffres n’incluent pas les ménages qui ne se sont pas déclarés auprès des services d’aide ; la fracture numérique accentuée par la pandémie a rendu encore plus difficile l’accès à l’information parmi les ménages les plus vulnérables », s’inquiète Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU. « Ces chiffres ne tiennent pas compte, non plus, de tous les ménages qui se sont résignés à louer un logement trop cher, qui ont dû accepter une colocation non choisie, ni de tous ceux qui se retrouvent à la rue, entre deux logements, chez des amis, ou qui dorment dans leur voiture, sans avoir contacté les services d’aide », fait valoir Véronique Laflamme.
Le FRAPRU déplore que le gouvernement Legault ait attendu à la dernière minute pour faire connaître l’aide mise en place pour les locataires n’ayant pu signer un nouveau bail et qu’il ne l’ait pas publicisé largement. Selon le regroupement, ce n’est pas un hasard si les locataires ont été plus nombreux à demander de l’aide là où des services ont été mis en place bien à l’avance et annoncés maintes fois. « Tout le monde devrait être traité convenablement, quel que soit l’endroit où il habite au Québec », martèle Véronique Laflamme.
Le regroupement constate aussi que les 1800 suppléments au loyer d’urgence annoncés le 11 juin dernier, qu’il avait accueilli très positivement, ont été finalement disponibles seulement à la dernière minute et n’ont pas permis à plusieurs de signer un bail à temps pour le 1er juillet. Dans les municipalités où il n’y avait pas de services d’aide adéquats ou peu publicisés, on peut penser que les gens sont passés à travers les mailles du filet et sont à haut risque de sombrer dans l’itinérance visible ou cachée. D’ailleurs, à Gatineau où l’itinérance est en progression, des dizaines de familles et de personnes seules accompagnées par les organismes communautaires du milieu, qui avaient perdu leur logement dans les derniers mois, n’ont toujours pas réussi à se reloger de façon permanente.
Au-delà des chiffres, le FRAPRU ajoute que ce sont des drames humains que vivent ces locataires qui ont en commun de ne pas avoir trouvé de logement respectant leur capacité de payer. « Faut imaginer l’angoisse des familles, des femmes victimes de violence conjugales, des personnes précaires, âgées, etc., qui vivent dans l’incertitude, dans la peur de l’itinérance, risquant d’être déracinées de leur milieu de vie, obligées de loger chez des amis, des ex-conjoints, dans des hôtels le temps de trouver un logement, alors que les rares appartements disponibles sur le marché sont hors de prix ! », déplore la porte-parole.
Un 1er juillet qui durera plus d’une journée
Différents facteurs en lien avec la pandémie font croire au FRAPRU que la période durant laquelle des ménages locataires risquent de se retrouver sans logement, pourrait s’étirer bien au-delà du 1er juillet. Par exemple, les visites de logement ayant été compromises ou rendues difficiles durant le confinement, certains ménages locataires ont négocié une entente avec leur propriétaire pour retarder leur départ d’un mois ou deux ; ce sont autant de ménages qui vont avoir de la difficulté à signer un bail après le premier juillet, selon le FRAPRU. Vont aussi s’ajouter tous les ménages locataires qui seront expulsés de leur logement dans le courant du mois de juillet, à la suite de la reprise des évictions de la Régie du logement.
C’est pourquoi le FRAPRU demande que le gouvernement du Québec : 1) garantisse le maintien des services d’aide d’urgence au-delà du 1er juillet, afin que les ménages locataires sans logis aient accès à toute l’aide nécessaire jusqu’à ce qu’ils aient signé un nouveau bail ; 2) s’assure que ces mesures soient disponibles partout, incluant pour les locataires des municipalités où elles n’ont pas encore été mises en place ; 3) publicise largement les coordonnées des différents services d’urgence, afin qu’elles soient accessibles à tous les ménages locataires, dont ceux n’ayant pas accès à Internet.
Une situation qui risque de s’enraciner et d’empirer
Alors que le prix des loyers monte en flèche dans les grandes villes québécoises, que la crise sanitaire a affecté négativement les finances de nombreux ménages et que la crise économique qui se dessine risque d’être extrêmement dure pour plusieurs d’entre eux, le FRAPRU anticipe une explosion du nombre déjà effarant de ménages qui consacrent un pourcentage trop élevé de leur revenu pour se loger. Il rappelle que déjà avant la pandémie, 195 000 ménages locataires consacraient la moitié ou plus de leur revenu au loyer, bien au-delà de la norme de 30 %.
Dans ce contexte, réguler le marché privé devient primordial selon le regroupement pour le droit au logement, qui réclame un contrôle universel des loyers, de même qu’une meilleure protection des locataires contre les évictions. « À Montréal, sur les 479 ménages locataires ayant fait appel à l’aide d’urgence en 2020, 35 % ont subi une reprise de possession ou une éviction pour l’agrandissement ou la subdivision de leur logement », note la porte-parole
Enfin, bien que nécessaires à court terme pour permettre aux ménages les plus pauvres de signer un nouveau bail, le FRAPRU constate que les suppléments au loyer d’urgence ne sont pas une panacée. « Trop de propriétaires n’en veulent pas et refusent d’accueillir dans leur logement les locataires référés par les offices d’habitation. Ces subventions ne peuvent donc se substituer à la construction de logements sociaux pour sortir de la pénurie, assurer une sécurité d’occupation et des conditions de logement décentes pour toutes et tous », souligne Véronique Laflamme.
Selon le FRAPRU, la construction de logements sociaux à la hauteur des besoins devrait être une des priorités du plan de relance économique post-pandémie. Des nouveaux investissements sont d’ailleurs réclamés par plusieurs municipalités afin qu’elles puissent poursuivre le développement sur leur territoire. Selon le FRAPRU, le gouvernement Legault doit financer au moins 10 000 nouveaux logements sociaux et communautaires au cours de la prochaine année et doit planifier des investissements semblables pour les 4 années suivantes.
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