Choquant ! Epoustouflant ! La collaboration a été un ensemble de faits particulièrement graves. Elle s’est inscrite volontairement dans la mouvance nazie et elle a conduit à ce qu’un nombre inouï de personnes soient victimes du nazisme. Faut-il rappeler les atrocités et les dizaines de millions de morts occasionnés par le fléau nazi qui a balayé la terre pendant de longues années de grande souffrance !
La collaboration a été la participation volontaire à un mouvement nazi profondément liberticide, c.à.d. que les droits et libertés fondamentaux ont été mis profondément niés durant cette période.
Les victimes du nazisme ont connu le déni du droit de vivre, subi des tortures, des peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’esclavage et le travail forcé, des atteintes à leur liberté et à leur sûreté, l’injustice, des peines purement arbitraires, un déni de leur vive privée et familiale, des atteintes incommensurables à leur liberté de pensée, de conscience et de religion, la perte de leur liberté d’expression, la suppression de leur liberté de réunion et d’association, des discriminations épouvantables, des privations de propriété, la perte du droit d’élire ses représentants, la perte de la liberté de circulation, des expulsions collectives, etc.
Et certains ont le culot outrancier de parler d’actes d’incivisme prétendument commis ! Alors que le déni de droits aussi importants représente un réel incivisme. Même si les actes d’incivisme ne sont pas du plus haut niveau de gravité, il faut considérer que les juges de l’époque d’après-guerre ont pris la mesure pour juger avec justesse et clémence. De nombreuses mesures de clémence ont aussi eu lieu après les condamnations. Les démocrates ont donc beaucoup donné pour pardonner aux inciviques. Que les inciviques se satisfassent donc de la clémence reçue !
Mais malgré ces actes de clémence, des actes de collaboration demeurent à jamais impardonnables. On ne peut les oublier, parce que c’était des actes de la plus profonde barbarie. Ceux qui parlent d’oublier, de pardonner, devraient lire "la banalité du mal" de Hannah Arendt. Parler d’oublier rouvre les blessures et les déchirures des victimes de l’oppression nazie. Celles-ci, qui ont déjà tant de peine à vivre avec leur histoire meurtrie, pourquoi doivent-elles subir aujourd’hui l’affront d’une tentative de minimisation d’un mal planétaire des plus abjects ?
Faut-il ici rappeler que l’horreur nazie avait atteint un tel degré qu’après la guerre, des hommes et des femmes de sagesse ont pensé à quels instruments juridiques mettre en place pour que ces horreurs ne se représentent plus. D’où la déclaration universelle des droits de l’homme et notre convention européenne des droits de l’homme (CEDH). La lecture de cette dernière montre d’ailleurs que les droits et libertés garantis sont ceux qui ont été bafoués et foulés au pied par la mouvance nazie.
J’évoquerai ici particulièrement l’article 17 CEDH : "Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention."
La collaboration s’inscrit dans ce cadre de l’article 17 CEDH. Si la CEDH avait existé avant la deuxième guerre mondiale, la collaboration aurait été cette activité visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la CEDH.
Banaliser aujourd’hui la collaboration relèverait du négationnisme. J’attends des sénateurs qui ont accepté cette prise en considération de proposition de loi une remise en question de leur prise en considération. Et s’ils maintiennent leur idée de discuter cette proposition de loi, il faudra qu’ils étudient de manière approfondie la collaboration jusque dans ces développements les plus abjects. Je propose d’ailleurs que cela se fasse en passant par Breendonk et les autres lieux de mémoire : des descentes sur le terrain rafraîchiront les mémoires. Je crains par-dessus tout l’absence de mémoire. Rappelons aussi que des citoyens belges et étrangers ont souffert et/ou sont morts en nombre pour libérer la Belgique de la tutelle nazie et de leurs collaborateurs. Le devoir de mémoire, c’est aussi pour eux.
Cordialement
Eric Watteau