Édition du 19 novembre 2024

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Asie/Proche-Orient

Attaques à la frontière entre le Pakistan et l’Iran : une mise en perspectives historiques

Après une frappe aérienne de l’armée pakistanaise le 18 janvier dans une ville frontalière iranienne qui a tué au moins 9 personnes en représailles à l’attaque de missiles du 16 janvier sur la ville frontalière du Baloutchistan qui, elle, avait tué entre autres deux enfants, les gouvernements pakistanais et iranien ont convenu de désamorcer la menace de guerre et de rétablir des relations diplomatiques à part entière.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
20 janvier 2024

Par Farooq Tariq

Pour l’heure, une accalmie complète règne en ce 20 janvier, les deux Etats semblant se venger de leurs « ennemis » réfugiés dans l’un ou l’autre pays. Tous deux ont réussi à tuer certains de ceux qu’ils considèrent comme appartenant à des groupes terroristes, le Jaish al Adl (Armée de la Justice) au Pakistan et les séparatistes baloutches en Iran.

L’Iran a affirmé avoir pris pour cible deux bases du groupe armé Jaish al Adl au Pakistan. Ce groupe a revendiqué l’attaque d’un poste de police dans la ville iranienne de Rask, dans la province frontalière méridionale du Sistan-Baloutchistan, qui a tué 11 membres du personnel de sécurité iranien. L’attaque a été condamnée par le Pakistan.

Quelles que soient les attaques menées par les uns et les autres, le peuple baloutche est la cible des deux camps. Les uns luttent contre les « atrocités du Pakistan » et les autres contre l’occupation coloniale iranienne d’une partie du Baloutchistan. Après la Première Guerre mondiale, le Baloutchistan occidental a été cédé à l’Iran par l’impérialisme britannique.

L’attaque pakistanaise contre les « camps séparatistes du Baloutchistan » en Iran a eu lieu au moment où plusieurs centaines de militants baloutches campent à Islamabad pour retrouver les militants baloutches disparus et mettre fin aux exécutions extrajudiciaires. Ils sont arrivés à Islamabad depuis le district de Turbat, au Baloutchistan, au cours d’une longue marche qui a attiré l’attention de nombreux observateurs internationaux.

L’escalade des tensions frontalières qui se traduit par des attaques de missiles à l’intérieur du Pakistan et de l’Iran doit être replacée dans le contexte du génocide israélien des Palestiniens. C’est la première fois qu’il y a eu une frappe aérienne et une attaque de missiles par le Pakistan en Iran. L’impérialisme américain serait très heureux si l’Iran était occupé à se défendre contre les attaques du Pakistan au lieu d’aider les Palestiniens, principalement par l’intermédiaire d’organisations que Téhéran patronne.

Il existe une longue histoire de conflits entre les deux pays. Il y a eu une guérilla au Baloutchistan sous le premier gouvernement Bhutto. Elle a eu lieu après que le gouvernement provincial élu du Parti national Awami (NAP), qui s’opposait au gouvernement fédéral du Parti du peuple pakistanais, a été renversé par Bhutto à l’instigation du Shah d’Iran, en 1973. De nombreux jeunes Baloutches sont partis dans les montagnes pour se défendre et beaucoup ont émigré en Afghanistan et en Iran.

Au cours de cette décennie, l’Iran a tenté d’introduire d’autres tribus dans la province voisine de Sestan-Baluchestan afin de transformer la majorité des Baloutches en minorité, comme Israël l’a fait avec les Palestiniens.

Le Shah d’Iran, terrifié par la résistance croissante des Baloutches en Iran, a demandé à Zulfiqar Ali Bhutto de prendre des mesures contre le gouvernement provincial du NAP. Bhutto l’a fait brutalement, pour écraser la résistance baloutche à l’aide d’une opération de l’armée au Baloutchistan. Le Shah d’Iran craignait que si le Baloutchistan oriental devenait indépendant, le Baloutchistan occidental, situé sur le territoire iranien, en ferait partie. Depuis lors, les Baloutches ont été pris pour cible par les deux parties, mais la résistance, sous de nombreuses formes, se poursuit jusqu’à aujourd’hui.

Les deux Etats s’accusent mutuellement d’abriter les « terroristes » dans leur pays, les groupes religieux au Pakistan et les groupes nationalistes en Iran.

Si la guerre s’intensifie, ce qui ne semble pas être le cas actuellement, elle portera atteinte aux économies des deux pays à un niveau jamais atteint auparavant. L’approvisionnement en pétrole du Pakistan pourrait être durement touché par les Iraniens. Le commerce entre les deux pays serait interrompu. L’Iran profite déjà de la « contrebande » de pétrole iranien en vrac vers le Pakistan à l’heure actuelle.

Il est important de noter que les activités commerciales entre le Pakistan et l’Iran se sont poursuivies normalement, les deux pays ayant gardé tous leurs points de passage ouverts malgré la violation de l’espace aérien par les forces iraniennes et la riposte des forces pakistanaises qui s’en est suivie. Les activités commerciales se poursuivent le long des villes frontalières, notamment Taftan, Gwader, Kech, Panjgor et Washuk.

En août 2023, les ministres des affaires étrangères des deux pays se sont réunis à Islamabad pour formuler un plan commercial quinquennal visant à atteindre un objectif commercial de 5 milliards de dollars.

Il semble que la menace d’une guerre totale soit désormais écartée, puisque les ministres des affaires étrangères de l’Iran et du Pakistan se sont parlés et ont mis l’accent sur une relation « fraternelle ». Il ne s’agit que d’une parenthèse entre les deux pays islamiques soi-disant frères, qui attendent un meilleur moment pour frapper à nouveau lorsque leur crise interne s’aggravera.

Le mouvement mené par les femmes contre la République islamique d’Iran au cours des dernières années et la longue marche des activistes baloutches au Pakistan sont le véritable espoir des mouvements progressistes dans les deux pays et au niveau international. Il faut mettre un terme aux enlèvements et aux meurtres de Baloutches par le gouvernement pakistanais et par celui de l’Iran.

Farooq Tariq

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Tariq Farooq

Farooq Tariq est secrétaire général du Parti des Travailleurs Awami du Pakistan

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