Tout venant ou presque se dit maintenant motivé par la protection de la nature. On l’a entendu récemment : jusqu’à l’ex-maire de Laval qui se disait le protecteur du territoire vert de sa ville alors même que les châteaux de banlieue s’y construisaient ! Orwell aurait apprécié la "novlangue" de Vaillancourt.
C’est ainsi qu’on croise tantôt l’environnementaliste, le conservationiste, l’écologiste, l’écoentrepreneur, ou qu’on nous propose l’économie durable, il y a l’écologie urbaine, l’écosocialisme et autres vocables. Il y a le grain et il y a l’ivraie.
Voilà maintenant 20 ans on nous proposait à Rio une convention sur le climat, par la suite un processus politique a été mis en branle sous la gouverne de l’ONU. En un point donné nous avons eu l’accord de Kyoto. Pour la première fois nous nous disions qu’il fallait réduire notre production globale de gaz carbonique et autres émanations causant l’effet de serre de notre atmosphère. Cette réduction devant être de combien et par qui, en combien de temps ; là était et est encore le noeud du problème.
TOUT CE QUI BRILLE N’EST PAS D’OR
Une myriade de programmes locaux, municipaux, provinciaux, nationaux, continentaux ont alors été élaborés. La plupart de ces plans mettaient à contribution les travailleurs mais les syndicats n’étaient que rarement intégrés à ces démarches. Cela a donné comme résultat dans les années ’90 des programmes dans certains pays en voie de développement qui glorifiaient les pauvres qui fouillaient par nécessité absolue les décharges publiques d’ordures en les décrivant en tant que "travailleurs écologiques puisqu’ils contribuent au recyclage de la matière.". La notion de "travail vert" apparut. Comme dérive il est difficile de faire mieux !
Il fallait définir, encadrer le travail "vert". Il fallait nous battre, non pas contre l’objectif de la réduction de la production basée sur le carbone, mais contre les moyens et les solutions qui envisageaient d’exploiter encore plus les conditions de vie et de travail des ouvriers sous le maquillage de la couleur verte.
Les syndicats ouvriers ont fait face à ces défis de manière disparate et désordonnée dans un premier temps. Ils sont, par la suite, entré massivement dans le processus mondial de discussion et de négociation au travers des conférences de l’ONU notamment. La Confédération Syndicale Internationale (CSI), qui regroupe presque tout le mouvement ouvrier mondial maintenant, a fait et continue de faire à ce niveau un travail plus qu’honorable.
La CSI et ses affiliés ont développé et fait imposer notamment le concept de "travail décent" dans ces négociations internationales en vue de réduire nos émissions de carbone. Les "jobines" dans les décharges publiques, des salaires de misères, etc...non merci.
L’autre concept qui fut développé et défendu par la CSI dans ce processus est celui de "transition juste". Les travailleurs et les travailleuses ne doivent pas faire les frais de ces programmes. Ce fut arraché à la dure à Copenhague. La déclaration finale de la conférence y faisait maintenant référence. Mon syndicat m’y avait délégué, la FTQ y avait dépêché des délégués. La CSI avait compté jusqu’à 300 délégués actifs à cette conférence.
Les syndicats devenaient dorénavant incontournables dans la lutte aux changements climatiques.
ON NE NÉGOCIE PAS AVEC LA NATURE
Les syndicats sont efficaces à négocier les conditions de travail de leurs membres, mais ils savent qu’il n’y a pas place à la négociation avec la nature. On ne peut la convaincre, ni la ruser, la tromper, les rapports de force se retournent contre nous : notre activité collective réchauffe la nature. Il faut donc, non pas cesser nos activités, il faut cependant les transformer, en réduisant notre usage du carbone. C’est l’unique voie. Bon nombre de gouvernements et d’entrepreneurs croient aux subterfuges, cela peut nous tromper, mais pas la nature.
L’économie verte se pète les bretelles qu’on nettoie les berges des rivières, qu’on arrache les mauvaises herbes, qu’on reboise, etc... Tout cela est bien d’ailleurs. C’est l’économie verte avec des emplois verts. Mais cela ne fait pas reculer le réchauffement de la planète. Cela ne réduit pas notre usage du carbone sous ses formes diverses. Une Bourse du carbone ne fait que cela : utiliser, transiger le carbone à sa pleine mesure en vendant celui qu’on n’utilisera pas et que d’autres s’empresseront de consommer. Ça ne réduit pas l’émission de ces gaz.
Les "emplois climatiques" se définissent ainsi : ils contribuent à une diminution directe et réelle de l’émission de gaz à effet de serre. Ainsi tous les "emplois climatiques" sont verts, mais ce ne sont pas tous les emplois verts qui sont des emplois climatiques.
LES EMPLOIS CLIMATIQUES EN AFRIQUE DU SUD ET AILLEURS
La Confédération Sud-africaine des Travailleurs et des Travailleuses (COSATU) a lancé une campagne en vue de créer un million de ce type d’emplois climatiques. La jeunesse du pays connaît présentement un taux de chômage officiel de 53%. Personne ne réussit valablement là-bas à mobiliser cette jeunesse sur la question des changements climatiques ; et pour cause, ce que cette jeunesse veut c’est de travailler et de détenir de bons emplois.
Il y a des sujets d’intérêt qui se croisent et qui se recoupent et pour lesquels on pourrait lutter en commun. Lutter pour la construction de meilleurs et plus efficaces logements n’a pas à être l’apanage de groupes en lutte pour de meilleurs logements sociaux. Les syndicats aussi pourraient et devraient se ranger derrière de telles revendications.
Le transport, tant urbain qu’interurbain, est un autre exemple où la solution au problème du réchauffement ne consiste pas à cesser de voyager, mais plutôt de voyager autrement. Ceux et celles qui militent sur ces questions pourraient s’allier aux travailleurs pour faire valoir la conversion et une juste transition afin d’oeuvrer dans des usines capables de manufacturer des trains différents et qui ne relèvent pas de la science-fiction.
La compagnie Siemens opère déjà dans un vingtaine de localités en Allemagne un type de locomotives qui ressemble à s’en méprendre au moteur-roue de l’auto électrique. De plus, puisque les locomotives sont branchées sur le réseau électrique public, elles peuvent redistribuer sur celui-ci l’énergie cinétique produite dans les freinages et convertie en électricité qu’elle n’aura pas eu à utiliser. Cela réduit réellement l’usage du carbone et ne ménage en rien nos transports. Hydro-Québec en connaît un brin à propos de cette technologie.
Bombardier construit un monorail à Sao Paulo et même à Ryad qui réduira la consommation d’énergie par plus de 10% par passager. Bombardier, me semble qu’on connaît ça au Québec. Nous avons besoin d’un toute nouvelle politique industrielle du genre que COSATU propose en Afrique du Sud. Ce serait notre Plan Nord-Sud-Est-Ouest. Un autre développement est possible !
Claude Généreux siège au Conseil d’administration d’Alternatives