Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Monde du travail et syndicalisme

Un défi générationnel : apprivoiser Amazon et renouveler le mouvement ouvrier

Alors que les manifestations « Occupy » de 2011 s’épuisaient, un tournant dramatique de manifestations et vers l’activité politique est apparu. Aux États-Unis, l’énergie a été canalisée vers la campagne de 2016 de Bernie Sanders pour l’investiture du Parti démocrate à la présidentielle. Lorsque cela a également déraillé, de nombreux partisan.e.s de Sanders se sont tourné.e.s, une fois de plus, vers le mouvement ouvrier comme fondement d’un changement social radical.

le 20 mai 2024 | tiré de Socialistproject.ca | traduction : David Mandel
HTTPS ://SOCIALISTPROJECT.CA/2024/05/GENERATIONAL-CHALLENGE-TAMING-AMAZON-RENEWING-LABOUR/

D’un point de vue historique, ces « tournants » ont marqué une avancée dans la longue marche de la recherche d’une nouvelle politique socialiste. Mais le véritable contenu politique du moment s’est avérée mince. Les partisan.e.s de Sanders, malgré tout leur enthousiasme, semblaient chercher un raccourci électoral pour affronter « le système » et le pouvoir de l’État. Cela a été démontré lorsque, dans l’ombre de la défaite de Sanders, une grande partie du mouvement qu’il a inspiré est revenue à ce qu’elle faisait auparavant ou s’est discrètement dissipée. Même le tournant le plus substantiel vers les syndicats avait tendance à idéaliser les travailleurs et travailleuses et leurs luttes fragmentées et largement défensives.

Néanmoins, dans cette effervescence se trouvaient également des groupes de (principalement) jeunes socialistes, petits en nombre mais grands en ambition, qui en sont venus à saisir plus clairement les limites d’une politique électorale non soutenue par une base ouvrière substantielle. Leur priorité était la construction, à la fois large et approfondie, à long terme de cette base indispensable. Pour une partie de ce mouvement, l’engagement en faveur d’une politique de classe enracinée s’est concrétisé par l’identification d’Amazon comme incarnant le défi décisif pour le mouvement syndical de cette génération.

Amazon, pensaient-ils et elles, pourrait devenir un catalyseur de changements plus importants dans le monde du travail, changements qui se classaient au même rang que les succès du CIO dans les années 1930. Ils et elles se sont fait embauché.e.s chez Amazon aux États-Unis et au Canada ou ont travaillé comme organisateurs et organisatrices externes. Leur activité organisatrice était locale mais liée aux réseaux d’autres sections régionales de socialistes qui partageaient leurs idées.

Lorsque l’on considère ce « défi Amazon », deux réalités interdépendantes, controversées pour beaucoup, sont centrales : l’ampleur de la défaite du mouvement ouvrier qui dure depuis des décennies et l’identification d’Amazon comme l’entreprise emblématique du 21e siècle. Le succès des efforts consacrés à Amazon pourrait rendre crédible l’affirmation syndicale selon laquelle « entre nos mains est placé un pouvoir plus grand que leur or thésaurisé ». Un échec consoliderait les défaites de la classe ouvrière.

Les parties I et II de cet essai discutent des réalités contextuelles des défaites politiques du monde du travail depuis les années 1970 et la récente montée remarquable d’Amazon. Cela servira de contexte de la troisième partie, d’une discussion des questions stratégiques liées au but d’une victoire sur Amazon. La section finale étend la discussion des obstacles auxquels se heurte la syndicalisation d’Amazon aux obstacles auxquels se heurtent l’organisation syndicale et la classe ouvrière de manière plus générale.

Partie I

Le monde du travail – est-il en train de gagner ?

Un refrain courant sur la gauche affirme que le mouvement syndical américain est de nouveau en marche. La question de validité de cette évaluation est critique pour toute discussion d’orientation stratégique. Si le mouvement syndical est en train de gagner, il suffit alors de « continuer à avancer ». Mais si les syndicats ne gagnent pas, alors nous devons changer de vitesse et faire quelque chose de résolument différent.

Des évolutions prometteuses existent évidemment. Les récentes victoires chez Starbucks démontrent la volonté obstinée des baristas de se syndiquer. Et même si les espoirs chez Starbucks ne se concrétisent pas, ces jeunes militant.e.s engagé.e.s pourraient se lancer dans la construction du pouvoir des travailleurs et des travailleuses ailleurs.

Le fait que les Travailleurs et travailleuses uni.e.s de l’automobile (UAW) aient mis de côté leurs anciennes pratiques lors du dernier cycle de négociations avec les « Trois Grands » en faveur d’un combat créatif et discipliné de « chaos organisé » a été particulièrement significatif. Les progrès de l’UAW ont été impressionnants. Mais c’est l’esprit combatif du syndicat qui a été la clé, après deux déceptions précédentes, pour amener l’usine Volkswagen du Tennessee dans le giron. Il s’agissait de la première usine de montage automobile étrangère à être yndiquée dans le sud des États-Unis, une région en expansion démographique et économique, mais particulièrement hostile aux syndicats. L’élan suscité par la participation remarquable (84%) et le vote (trois contre un) a été détourné par la défaite de Mercedes-Benz en Alabama. Mais il est néanmoins probable qu’il se poursuive avec la syndicalisation de dizaines de milliers d’autres travailleurs et travailleuses nouvellement enthousiastes.

Les succès de l’UAW en matière de négociation et d’organisation ne s’arrêtent pas non plus à la frontière entre l’économie et un plus grand engagement social. Ému par l’horreur des bombardements à Gaza et soutenu par l’autorité des récents succès du syndicat (ainsi que par le nombre croissant d’étudiant.e.s et d’assistant.e.s diplômé.e.s membres de l’UAW), le président de l’UAW, Shawn Fain, s’est prononcé avec force en faveur des campements de protestation sur les campus universitaires.

Ce ne sont pas les seules histoires encourageantes. Le mouvement ouvrier est certainement en pleine effervescence, et le potentiel qu’il laisse entrevoir est réel. Mais après des décennies de défaites et de stagnation, les déclarations d’un renversement définitif – affirmées si souvent et avec assurance au fil des années par les commentateurs et commentatrices de gauche – reflètent un abaissement de la barre de mesure du succès et minimisent la réalité d’un mouvement ouvrier qui continue, au mieux, à marcher seulement sur place.

Aussi séduisantes que puissent être les proclamations optimistes, les luttes ouvrières (quelques exemples très importants mis à part) sont encore généralement localisées, sporadiques et défensives, tandis que le pouvoir des travailleurs et des travailleuses sur les lieux de travail, dans la communauté et dans la vie politique reste incontestablement subordonné. Nier cela pour tenter de garder le moral des militant.e.s n’est pas une faveur pour les syndicats. Cela fait obstacle à une confrontation honnête avec ce qu’il faudrait réellement faire pour créer et maintenir le type de mouvement syndical dont nous avons désespérément besoin.

Considérez ce marqueur important. Le temps de travail perdu à cause de grèves, en pourcentage du temps de travail total, était en effet plus élevé en 2023 qu’il ne l’a été depuis le tournant du millénaire (2000). Mais comparer l’année dernière avec une période prolongée au cours de laquelle le monde du travail a été humilié témoigne davantage de la baisse accumulée des attentes des travailleurs et des travailleuses et des syndicats que de la naissance d’une nouvelle ère. Dans les années 1960 et 1970, le temps perdu en raison de grèves majeures était en moyenne plus de trois fois supérieur à celui de 2023, et même cela a été suivi dans les années 1970 par l’assaut agressif et soutenu contre le travail qui hante toujours les travailleurs et les travailleuses.

Ou bien considérez le taux de syndicalisation. Le taux aux États-Unis s’élève à 10 %, soit la moitié de ce qu’il était au début des années 80. (Au cours de cette période, la population active a augmenté de quelque 50 millions, tandis que le nombre de travailleurs et travailleuses syndiqué.e.s a chuté d’un tiers). Aux États-Unis, le taux de syndicalisation est désormais inférieur à ce qu’il était il y a un siècle, voire encore plus bas si l’on considère uniquement le secteur privé.

Cela n’est pas surprenant puisque très peu de percées ont eu lieu dans de nouveaux secteurs ou parmi les entreprises les plus importantes. La syndicalisation chez Walmart, par exemple, a été identifiée il n’y a pas si longtemps comme une nécessité pour les travailleurs et les travailleuses, dans l’attente d’un bond en avant en matière de syndicalisation dans le commerce de détail à bas salaires. Aujourd’hui Walmart et sa leçon ne semblent plus sur le radar de mouvement ouvrier.

Quoi qu’il en soit, le problème s’étend au-delà de la stagnation de la dite densité syndicale et s’étend aux types de syndicats que les travailleurs et travailleuses ont construits. Au Canada, le taux de syndicalisation est désormais de 29 %, soit environ le triple de celui des États-Unis. Pourtant, cela n’a pas conduit à un mouvement plus dynamique que son homologue américain. Les rébellions initiées par en bas pour ouvrir des conventions collectives et compenser l’inflation ont été rares. Plus rares encore ont été les grèves sauvages face à l’intensification du travail.

Les syndicats canadiens n’ont pas non plus battu une unité sensiblement plus grande entre les syndicats et les communautés. Une grève illégale particulièrement louable en novembre 2022 en. Ontario des cols bleus de l’éducation, résultat de plus de huit mois d’éducation et de mobilisation par leur syndicat, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), a reçu l’appui rhétorique d’autres syndicats, mais pas le niveau de soutien que la lutte exigeait.

Il était bien sûr naïf d’attendre davantage du reste du mouvement syndical, puisque les autres syndicats n’avaient pas procédé à une préparation similaire de leurs propres membres. Mais le point le plus révélateur est que l’exemple du SCFP n’a pas suscité une émulation générale de la leçon encourageante que les syndicats regardent en face : les travailleurs et travailleuses, souvent tenu.e.s pour acquis.es et sous-estimé.e.s, peuvent s’organiser pour contester leur situation et même la loi.

La syndicalisation aux États-Unis de quelque 400 lieux de travail dispersés de Starbucks (environ 2,5 % des 16,000 cafés détenus ou franchisés par Starbucks à travers les États-Unis) reste loin de représenter un pouvoir pratique sur le lieu de travail. Si les travailleurs et les travailleuses de Starbucks parvenaient d’une manière ou d’une autre à conclure une convention collective nationale et à se syndiquer pleinement, ce serait une réalisation très importante et inspirante, mais cela n’aurait pas le poids économique d’organiser une entreprise du genre d’Amazon.

Le secteur automobile, en revanche, représente une grande importance économique et sociale. L’UAW cherche syndiquer 150 000 travailleurs et travailleuses de l’automobile de plus – un objectif clairement impressionnant et même monumental par rapport aux normes récentes. Mais Amazon, avec ses 1 million de travailleurs et travailleuses, reste, comme Walmart et d’autres détaillants, non syndiqué. En mesurant l’état général du monde du travail, il faut reconnaître que l’esprit rajeuni de l’UAW n’a pas encore été repris ailleurs.

Quant au revirement bienvenu de l’évaluation des syndicats dans l’opinion publique, la prudence est ici également de mise. Les récentes attitudes positives à l’égard des syndicats peuvent, par exemple, être liées à une longue période sans périodes majeures de perturbations provoquées par les syndicats dans la vie des gens. Plus important encore, la délégitimation des principales institutions américaines – les gouvernements, les partis politiques, la Cour suprême, les médias, les entreprises dont les « libertés » portent atteinte aux libertés des travailleurs et travailleuses, et (dans une certaine mesure) la police – a sans aucun doute quelque chose à voir avec le soutien aux groupes oppositionnels. Mais cela ne s’applique pas uniquement aux syndicats. Cela s’applique aussi à la droite populiste, ce qui – bien que cela soit souvent exagéré – a également touché de nombreux set de nombreuses syndicalistes frustré.e.s. Cette montée de la droite, sous toutes ses formes complexes, doit être incluse dans toute évaluation visant à déterminer si la classe des travailleurs et des travailleuses en « en train de gagner ».

On ne peut nier l’empathie surprenante récente, et le soutien souvent actif, envers les grèves, qu’elles soient dans le secteur public ou privé. Cela semble confirmer une plus grande acceptation des syndicats aujourd’hui. Pourtant, aussi encourageants que soient ces signes et d’autres signes passionnants de la vie dans le monde du travail, ce que cela met en évidence n’est pas encore un renouveau définitif des syndicats et de leur position publique, mais plutôt des ouvertures qui suscitent de l’espoir de faire progresser le plein potentiel encore non réalisé de la classe ouvrière en tant que force sociale.

Ce qui est le plus révélateur de la situation du monde du travail, c’est que même si certain.e.s travailleurs et travailleuses gagnent des victoires partielles, les travailleurs et les travailleuses eux-mêmes et elles-mêmes savent généralement très bien que les travailleurs et les travailleuses ne sont certainement pas en train de gagner. Les inégalités de classe flagrantes s’aggravent ; la charge de travail continue de s’intensifier ; l’insécurité permanente est la réalité dominante de la classe ouvrière, car le dit « progrès » économique n’est pas synonyme de libération, mais de menaces.

Nier cette réalité pour inspirer les travailleuses et les travailleurs n’est pas organiser. Ce sont des illusions. L’inspiration sans les stratégies et les capacités collectives nécessaires pour les réaliser obscurcit tout ce qui doit être fait pour construire les structures et les pratiques qui pourraient apporter de véritables possibilités de réussite. Cette tâche exige également un examen sobre des limites structurelles des syndicats.

Syndicats : une plongée plus profonde

En réponse aux défaites subites par le mouvement syndical, les dirigeant.e.s syndicaux et syndicales et leurs sympathisant.e.s ont pointé du doigt toute une série de causes externes – entreprises avides, gouvernements hostiles, mondialisation, concurrence chinoise, finance parasitaire – et/ou ont placé leurs espoirs dans un renversement du cycle économique ou dans un changement des vents politiques qui amélioreront enfin le climat de négociation.

Tout cela est bien sûr très pertinent. Mais ce que les syndicats ont largement évité, et évitent encore, est la question : « Qu’est-ce qui doit changer au sein de nos propres organisations, si nous voulons faire face et progresser ? »

Par conséquent, à part quelques exemples importants, il y a eu beaucoup trop peu de discussions/débats impliquant les membres, au sein des syndicats et entre les syndicats, sur la refonte des stratégies, des structures et des pratiques. Comme on pouvait s’y attendre, l’hésitation du mouvement syndical à pénétrer des territoires inexplorés et à enquêter sur ses propres échecs compromet l’élaboration de réponses susceptibles de surmonter sa stagnation.

Le mouvement de gauche à l’extérieur des syndicats, révélant ses propres limites, a largement échoué à ouvrir un dialogue avec le mouvement ouvrier, ou à réévaluer honnêtement ses propres opportunités manquées. Une compréhension trop simpliste du mouvement syndical n’aide pas. Pour une grande partie de la gauche, la faiblesse des travailleurs et des travailleuses se réduit à une bureaucratie syndicale qui restreint la démocratie et sape le militantisme de la base travailleuse.

Il y a sans aucun doute des dirigeant.e.s syndicaux et syndicales habitué.e.s aux attentes réduites que le capitalisme impose aux travailleurs et aux travailleuses. Des attentes réduites entraînent moins de pression venant d’en bas et évitent le risque de nouvelles orientations pour le syndicat. Mais rejeter toute la faute sur les dirigeant.e.s syndicaux et syndicales tend également à idéaliser les travailleurs et les travailleuses et à ignorer leur propre passivité. Si les travailleurs et les travailleuses de base profondément frustré.e.s sont si facilement intimidé.e.s par leurs dirigeant.e.s élu.e.s, pourquoi est-il crédible d’imaginer les travailleurs et les travailleuses s’en prendre un jour aux patron.ne.s, à l’État, et au capitalisme lui-même ?

Le fait est que les travailleurs et les travailleuses ne sont par nature ni révolutionnaires ni passifs et passives. Ils et elles tentent de résister et de survivre dans l’environnement hostile dans lequel ils et elles se trouvent. Organiser – développer activement le pouvoir et la confiance du collectif – est le facteur décisif. À cet égard, il est impératif de noter que les syndicats émergent de la classe ouvrière mais ne sont pas eux-mêmes des institutions de classe. Ce sont des organisations plutôt particularistes, représentant des groupes de travailleurs et de travailleuses ayant des perspectives et des intérêts politiques différents et travaillant dans des entreprises spécifiques.

La « solidarité » de travailleurs et travailleuses organisé.e.s est biaisée en faveur de leurs propres lieux de travail et peut-être de leur syndicat ou secteur. Cela a peut-être semblé suffisant pour réaliser des gains salariaux et des avantages sociaux au cours des décennies uniques après la Seconde guerre mondiale. Mais cela n’a pas été suffisant pour faire face à la restructuration ultérieure par le capitalisme de l’économie, de l’État, et de la classe ouvrière elle-même.

Dans les nouvelles circonstances, le résultat du lien entre démocratie et militantisme, sans prêter attention à l’idéologie de classe, ne peut être présumé progressiste. Cela peut tout aussi bien déboucher sur ce que Raymond Williams a qualifié de « particularisme militant » – une indifférence, voire un antagonisme, à l’égard d’intérêts de classe plus larges. Un exemple est que les travailleurs peuvent prendre des décisions qui sont formellement démocratiques et qui, de manière populiste, remettent en question « de façon militante » l’idée selon laquelle leurs cotisations devraient soutenir d’autres luttes, des mouvements ou des causes internationales.

Cela recoupe la tendance – sous la pression combinée d’entreprises déterminées à maintenir leur droit absolu de gérance, l’engagement des États en faveur des droits de propriété, et le souci des travailleurs et des travailleuses de soutenir leurs familles – à renoncer à la lutte pour de meilleurs les conditions de travail en échange de salaires et d’avantages sociaux. Tout comme le particularisme mine l’orientation de classe, cet arbitrage mine l’implication quotidienne des travailleurs et des travailleuses dans l’élaboration de leur vie, qui devrait être au cœur de la démocratie sur les lieux de travail. Plutôt que de contester régulièrement la réduction de leurs capacités productives à des marchandises, le débat se réduit à un conflit périodique autour du prix de leur subordination, considérée comme allant de soi.

Et alors que les luttes autour des conditions de travail tendent à une décentralisation de l’activisme syndical et à un plus grand engagement des travailleurs et des travailleuses, la négociation des salaires et des avantages sociaux tend à une centralisation de la stratégie au niveau des plus hauts dirigeants, plus hautes dirigeantes, réduisant la participation des travailleurs et des travailleuses à la ratification de résultats qui leur sont proposés et à de grèves occasionnelles.

Cette marginalisation des luttes autour des conditions quotidiennes renforce la bureaucratisation et la passivité relative de la base travailleuse, prédisposant les relations entre travailleurs, travailleuses et leurs syndicats à une police d’assurance : les travailleurs et les travailleuses versent une prime (les cotisations) à une institution (le syndicat) en échange d’une « compensation » (le terme précis pour sacrifier le contrôle de votre force de travail au profit du pouvoir plus passif de la consommation individuelle). Avec peu de place pour la participation directe et la perturbation tactique qui sont l’oxygène de la résistance, la résistance s’atrophie.

Avant de relier ceci à la réponse stratégique que cela pourrait impliquer pour la lutte contre Amazon, nous devons établir pourquoi Amazon est, pour reprendre les termes de Jane McAlevey, un si important « test de structure » pour le mouvement syndical.

Partie II : Amazon Pourquoi Amazon ?

Des campagnes cruciales qui pourraient renforcer considérablement le mouvement syndical ne manquent pas. Mettre fin à la position exceptionnelle des E-U en matière de soins de santé universels et la volonté de l’UAW de réaliser une percée syndicale véritablement importante dans le sud des États-Unis n’en sont que deux exemples. L’idée selon laquelle Amazon représente le défi décisif pour les syndicats ne cherche pas à minimiser les autres enjeux. Cela reflète plutôt deux attributs distinctifs d’Amazon : a) sa dominance socio-économique, et b) les défis particuliers posés par la tentative de syndicalisation d’Amazon expriment clairement les défis stratégiques d’une vision plus large de renouveau syndical.

Commençons par la prééminence d’Amazon. Ce qui rend Amazon emblématique parmi les acteurs capitalistes, c’est la combinaison de son ampleur, sa portée et sa domination multidimensionnelle. (À ce sujet voir le prochain rapport sur Amazon de Steve Maher et Scott Aquanno.) Amazon est le deuxième employeur privé au monde, dépassé seulement par Walmart. (Et les bénéfices d’Amazon sont plus élevés). Une idée de la taille d’Amazon peut être tirée du fait qu’Amazon emploie plus d’un million de travailleurs et de travailleuses aux États-Unis, soit 2,5 fois le total employé par les quinze plus grandes entreprises de construction d’automobiles au E-U et à l’extérieur des E-U (388 000).

Amazon est un centre commercial électronique, la principale référence pour les commandes en ligne. Soixante pour cent des foyers américains sont abonnés à Amazon Prime, avec livraison gratuite le lendemain et streaming vidéo moyennant des frais initiaux. (Le nombre d’abonné.e.s dans le monde dépasse les 230 millions.) Il se classe deuxième, derrière Netflix en matière de streaming vidéo, et compte 80 millions d’abonné.e.s à la musique.

Amazon est également le leader mondial de la logistique, livrant à votre porte les colis commandés à domicile. Ses décisions de localisation et ses itinéraires de livraison remodèlent nos villes et nos banlieues. Elle est également leader en matière de collecte de revenus publicitaires et elle dépense plus en recherche que toute autre entreprise. Il s’agit de loin du plus grand acteur des services de cloud computing et elle a rejoint la course à la suprématie en IA.

L’Institute for Local Self-Reliancea souligné qu’Amazon fonctionne comme un service public privatisé, auquel les autres entreprises ne peuvent accéder qu’en payant un péage. Environ 60% des colis d’Amazon proviennent de tiers, Amazon faisant office d’intermédiaire entre le producteur, la productrice et le consommateur, la consommatrice, récoltant jusqu’à 50 % du prix final (environ 15 % pour l’utilisation de la plateforme ; 10 % pour la publicité ; 25 % ou plus pour la livraison). Entre autres choses, compte tenu de son pouvoir démesuré et de son rôle essentiel dans la livraison des colis, la question qui se pose est de savoir pourquoi Amazon n’est pas intégré dans un service public, c’est-à-dire un bureau de poste modernisé et socialement responsable.

Par ailleurs, Amazon bénéficie également d’un accès au financement très favorable. Sa position privilégiée lui permet de générer des prêts essentiellement sans intérêt tout au long du cycle de trésorerie. Car elle est payée immédiatement pour les commandes mais elle ne paie les fournisseurs qu’avec un certain décalage. Et les investisseur.e.s sont heureux et heureuses d’acheter des actions Amazon sans exiger de dividendes, car ils et elles s’attendent à ce que les actions augmentent en valeur régulièrement et rapidement.

Les 1,6 millions de colis livrés quotidiennement par Amazon sont également des colis culturels qui ont pour effet de réduire la société à des consommateurs et consommatrices privé.e.s, qui souhaite désespérément d’obtenir leurs produits « maintenant ! » Ce biais consumériste inhérent au capitalisme tend à servir de compensation pour les nombreuses choses qui ne vont pas dans la vie des gens. Car il occulte les gens en tant que travailleurs et travailleuses et sous-estime la consommation sociale (des soins de santé universels à l’éducation gratuite, des transports publics gratuits aux espaces physiques et culturels partagés).

Avant tout, le succès d’Amazon est indissociable de sa relation avec ses salarié.e.s. Amazon a fait de Jeff Bezos le troisième homme le plus riche du monde (aujourd’hui à la retraite avec une valeur nette estimée à $196 milliards), mais d’une manière ou d’une autre, l’entreprise « ne peut » payer à ses travailleurs et travailleuses même le salaire moyen américain (actuellement environ 50 % au-dessus du standard d’Amazon).

Et malgré toute sa technologie et son intelligence, ce leader mondial refuse de fournir un lieu de travail sécuritaire. Alors qu’Amazon proclame fièrement que « nous nous engageons et investissons dans la sécurité », sa recherche de profits se fait au détriment de son souci de la santé des travailleurs et des travailleuses. Le taux de blessures d’Amazon est le double de celui du reste du secteur de l’entreposage, qui connaît lui-même des taux de blessures plus élevés que l’ensemble de l’économie. Une fenêtre sur les sentiments sous-jacents d’Amazon en matière de sécurité du travail est révélée par la façon dont il fournit gratuitement des analgésiques via des distributeurs automatiques dispersées dans ses entrepôts.

L’attitude d’Amazon envers sa main-d’œuvre s’étend naturellement à son mépris pour tout degré de démocratie ouvrière. Pour Amazon, la « démocratie » signifie voter avec son argent sur ce qu’il faut acheter, et la « liberté » signifie des marchés commerciaux non réglementés. Pour Amazon, refuser à ses salarié.e.s le droit de choisir, sans ingérence, par qui et comment ils et elles devraient être représenté.e.s n’est pas un affront condescendant et arrogant à la démocratie et aux libertés des travailleurs et des travailleuses, mais plutôt un statu quo. Au-delà de ses intimidations sur le lieu de travail, Amazon dépense des millions – en fin de compte, plus de $14 millions pour les seul.e.s consultant.e.s – pour empêcher les syndicats de limiter son pouvoir.

Plus récemment, le mépris d’Amazon pour la démocratie est allé jusqu’à intenter une action en justice pour rendre inconstitutionnelle la National Labour Relations Act. Pour la perspective d’Amazon sur la liberté, le préambule de cette loi allait trop loin, introduisant une institution qui « protège la démocratie sur le lieu de travail en offrant aux employé.e.s… le droit fondamental de rechercher de meilleures conditions de travail et la désignation d’un.e représentant.e sans crainte de représailles ».

Oui, des gens choisissent quand même de travailler chez Amazon, syndiqué ou non. Mais cela témoigne des choix limités dans une société dans laquelle les profits capitalistes l’emportent sur les autres priorités. (Cela est, bien sûr, la raison pour laquelle nous appelons une telle société « capitaliste »).

Amazon peut-elle être apprivoisée ?

Mettre en avant la puissance d’Amazon peut conduire à un sentiment paralysant de son invincibilité. Si Amazon est un monopole tout-puissant et ne fait face à aucune concurrence, elle pourrait tolérer les perturbations des travailleurs et des travailleuses. Mais si Amazon fait face à une concurrence féroce, alors les actions des travailleurs et des travailleuses comptent beaucoup. Car leurs actions peuvent menacer la réputation de fiabilité et d’immédiateté d’Amazon, menaçant ainsi les ventes. Les structures de coûts permanents élevées d’Amazon rendent cela particulièrement important. La combinaison de coûts fixes élevés et de revenus menacés par une baisse de part de marché se traduit directement par une baisse des bénéfices.

Ces coûts élevés sont principalement la conséquence de la quantité et de la variété des produits qu’Amazon doit pouvoir disposer, ce qui nécessite des investissements massifs dans des entrepôts. De plus, aucune méthode de livraison n’est plus coûteuse que l’envoi de colis individuels à domicile. Et les systèmes logistiques d’Amazon qui coordonnent l’arrivée et la distribution quotidiennes de millions de produits en provenance du monde entier nécessitent les plus hauts niveaux de recherche et d’investissement continus en logiciels et en matériel informatique.

La concentration du capital représentée par Amazon inclut bien entendu des éléments de « pouvoir monopolistique ». Mais la concentration n’exclut pas nécessairement la concurrence. D’une part, plus le capital investi est important, plus il est essentiel d’élargir le marché pour justifier les investissements importants. D’autre part, les entreprises puissantes doivent constamment régénérer leur statut concurrentiel, si elles veulent conserver leurs avantages sur le marché.

Par conséquent, le développement du capitalisme a intensifié, non pas diminué, la concurrence. L’émergence de marchés nationaux a fragilisé les monopoles régionaux. La mondialisation internationalise la concurrence. La financiarisation – en raison de sa relative facilité à évoluer vers des projets plus favorables – pousse les entreprises et les États à rivaliser pour un accès privilégié aux fonds en prouvant leur engagement à donner la priorité aux objectifs capitalistes, et non pas aux objectifs sociaux.

Dans le secteur de vente au détail, l’agressivité de la concurrence se reflète clairement dans les marges bénéficiaires notoirement faibles du secteur. Amazon se bat continuellement contre les autres détaillants pour sa part de marché et surtout pour sa part des bénéfices globaux générés. La concurrence oppose également Amazon aux fournisseurs des biens qu’elle vend : les expéditeurs, les compagnies ferroviaires et les opérateurs portuaires qui amènent les marchandises dans ses entrepôts et les camionneur.e.s et postier.e.s qui acheminent ensuite les marchandises aux consommateurs et consommatrices. Il existe bien sûr une concurrence de la part d’entreprises qui tentent de suivre le rythme d’Amazon ou de s’y implanter (Walmart, Target, Best Buy) et de nouveaux entrants dans le commerce en ligne comme Shopify.

Amazon est notamment en concurrence également avec d’autres prétendus « monopoles », comme Google et Facebook - pour l’argent publicitaire, Microsoft - pour le « cloud », et avec de nouvelles et anciennes entreprises pour l’IA.

Il peut sembler que ces pressions soient atténuées par l’accès privilégié d’Amazon au financement et par sa capacité à évincer les vendeurs et vendeuses tiers via sa « route à péage » privatisée. Mais ces avantages ne constituent pas le cœur de sa puissance. Elle découle de sa capacité à fournir rapidement ce que les gens veulent. C’est la capacité organisée des travailleurs et des travailleuses à procéder à une « rétro-ingénierie » du lieu de travail afin de transformer la force fondamentale d’Amazon en sa plus grande vulnérabilité qui constitue la plus grande menace pour Amazon.

Le maintien de sa réputation sacrée de fiabilité pousse Amazon à redoubler d’efforts en matière de contrôle des coûts, de surveillance rigide des travailleurs et des travailleuses et de détermination à empêcher les travailleurs et les travailleuses de toute agence de contrôle de leur main-d’œuvre. Et pourtant, même si cela peut faire échouer un soulèvement ouvrier particulier, cela peut aussi intensifier la sympathie pour le syndicalisme. Cependant, même si le potentiel de syndicalisation persiste chez Amazon, l’approche syndicale traditionnelle – remporter un vote d’accréditation, négocier un accord et faire grève si nécessaire – se heurte à des limites particulières, peut-être insurmontables.

Cela nous amène à la question des stratégies des travailleurs et des travailleuses.

Partie III Stratégie Amazon et le pouvoir des travailleurs et des travailleuses

Pour les jeunes socialistes qui ont rejoint la main-d’œuvre d’Amazon pour aider à l’organiser ou qui ont contribué en tant qu’organisateurs et organisatrices externes, le point de départ était la permanence de la lutte des classes sous le capitalisme. La signature de conventions collectives ne met pas fin à cette bataille, mais crée plutôt une « paix » asymétrique.

L’entreprise fait quelques concessions mais conserve le droit de gérer, de réorganiser le travail, et d’augmenter les normes de production pendant les 3 à 5 ans de l’entente. Le syndicat peut obtenir quelques droits, mais il accepte essentiellement d’exclure les perturbations provoquées par la main-d’œuvre. Comme l’a dit un organisateur, cela laisse les travailleurs et les travailleuses confronté.e.s à une période de lutte de classe dans laquelle un seul camp se bat.

Le modèle d’organisation qui s’y oppose est composé de trois éléments : une perspective de classe centrée sur le lieu de travail, un engagement en faveur d’une organisation à la fois globale et approfondie, et une capacité à perturber Amazon de manière continue et imprévisible. Cette compréhension radicale a considérablement élevé le niveau du débat stratégique parmi les organisateurs et organisatrices socialistes et a conduit à la détermination spécifique de syndiquer Amazon comme étape dans la transformation des syndicats et la construction de la base nécessaire à la transformation de la société.

Ce qui suit est une discussion des réponses, éclairées par cette orientation, aux problèmes clés qui ont fait surface au cours de la campagne d’organisation d’Amazon. Cette discussion, il faut le souligner, n’a pas pour but d’être définitive, mais de stimuler le débat et la réévaluation à mesure que progresse l’organisation d’Amazon.

L’objectif stratégique

L’objectif est de renforcer le pouvoir des travailleurs et des travailleuses chez Amazon. La certification, amener un nombre suffisant de travailleurs et de travailleuses à signer des cartes secrètes appelant à un vote sur la syndicalisation, peut certainement jouer un rôle en unifiant et en soutenant les travailleurs et les travailleuses dans la dynamique de renforcement du pouvoir sur le lieu de travail. Sa réalisation pourrait également offrir une certaine protection contre le licenciement des militant.e.s et fournir un financement via un prélèvement à la source des cotisations pour tous les travailleurs, toutes les travailleuses. Mais la certification en elle-même – version « légère » d’organisation – ne devrait pas être confondue avec la construction d’un pouvoir durable sur le lieu de travail.

La courte histoire de l’organisation chez Amazon témoigne de ce danger. Les certifications ont été soit perdues par une approche traditionnelle (RWDSU à Bessemer, Alabama), soit réussies mais n’ont pas eu la capacité de répondre lorsqu’Amazon a refusé de reconnaître le syndicat (ALU à Staten Island). À Chicago, une minorité militante a renoncé complètement à la certification, mais sans avoir un modèle alternatif pour unir et soutenir un grand nombre de travailleurs et travailleuses, elle a également disparu.

La force

Les organisateurs et organisatrices socialistes ont bien compris que la clé du renouveau syndical est indissociable du développement de la capacité des travailleurs et des travailleuses sur les lieux de travail à défier le contrôle de la direction par une résistance décentralisée, mais finalement coordonnée. Des grèves à grande échelle ne sont pas exclues, mais l’arsenal des travailleurs et des travailleuses requiert toute la gamme des perturbations : grèves de ralentissements, grèves d’occupation, débrayages dans des départements clés, refus liés aux enjeux de santé et de sécurité, résistance à l’augmentation des cadences de production, etc.

Les grèves traditionnelles sont particulièrement limitées chez Amazon en raison de la capacité excédentaire intégrée à ses opérations et de sa capacité logistique à réacheminer les colis. Dans chaque région, Amazon dispose de groupes d’installations qui effectuent un travail similaire, et cette homogénéité rend possible le déplacement de la production. De plus, contrairement à la tendance générale à réduire les stocks excédentaires et les capacités excédentaires (« production allégée »), les installations d’Amazon fonctionnent avec une surcapacité permanente, comme en témoigne la capacité d’Amazon à augmenter d’environ 50 % ou plus ses livraisons de colis pendant les Prime Days.

L’unité organisationnelle

Le fondement pour la construction du pouvoir des travailleurs et des travailleuses vis-à-vis de la direction exige des organisateurs et des organisatrices formé.e.s pour maximiser la participation des travailleurs et des travailleuses de chaque département et entre les divers groupes sociaux (des blocs ethniques importants sont courants dans de nombreuses installations d’Amazon). Cela doit conduire à ce que Jane McAlevey appelle des « super-majorités » sur le lieu de travail. Ce n’est pas qu’une question de chiffres, mais aussi de la profondeur de participation, ce qui demande le développement des capacités et de la confiance des travailleurs et des travailleuses pour qu’ils et elles participent réellement. Cela demande non seulement l’accréditation d’un syndicat mais, grâce à une telle participation, la construction d’un syndicat démocratique.

Cette priorité accordée à la capacité collective de perturber/contrôler la production à travers ce qui est essentiellement une guérilla sur le lieu de travail contraste, dans l’esprit et dans la pratique, avec la formation de comités chargés de recueillir des signatures de certification avec l’espoir de renforcer le pouvoir plus tard. Chez Amazon « plus tard » pourrait ne jamais arriver si Amazon refuse de reconnaître la certification. (Ou, si la certification arrive trop rapidement, cela peut cacher le manque de préparation.) Encore une fois, il ne s’agit pas de rejeter la certification comme tactique, mais de la placer dans le contexte qui la subordonne à la volonté d’agir comme un syndicat.

Pourtant, un seul établissement syndiqué, même si le syndicat est doté de telles capacités créatives et perturbatrices, est peu susceptible (mis à part les principaux hubs aériens) de suffire aux capacités créatives d’Amazon pour contourner des perturbations isolées. Une base dans plusieurs établissements sera nécessaire.

Lieux d’organisation : régionaux ou nationaux ?

Il peut sembler qu’Amazon doit être organisé à une échelle qui correspond à, ou s’approche de, l’échelle nationale/internationale propre à Amazon. En fin de compte, ce serait bien sûr le bienvenu. Mais le recrutement est toujours local et, dans le cas d’Amazon, son propre modèle opérationnel offre une opportunité tactique de se concentrer sur la région. Le fait qu’Amazon soit structuré autour de clusters régionaux de zones urbaines étendues permet d’agir comme un syndicat au sein de ces espaces régionaux et de démontrer la pertinence d’un syndicat bien avant que les objectifs nationaux de syndicalisation ne soient atteints.

Définir l’espace critique de l’organisation au niveau national plutôt qu’au niveau régional a trois implications particulières. Premièrement, cela exclut immédiatement les syndicats indépendants. Ils n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour s’en charger. La logique de départ privilégie donc un virage vers un syndicat comme celui des Teamsters avec ses ressources et sa présence nationale.

Deuxièmement, l’accent mis sur le fait de ne s’attaquer à Amazon qu’une fois qu’on dispose d’une masse critique d’entrepôts à volume élevé à travers le pays, puis de faire grève aux dates clés (les Prime Days très chargés d’Amazon), semble nous ramener à l’approche syndicale traditionnelle. Il intègre une tendance à se concentrer sur la fédération des sections locales régionales avant que le forage profond essentiel au sein de chaque section n’ait été réalisé. Affirmer que nous devons faire les deux laisse encore en suspens la question de l’équilibre et du calendrier entre les deux.

Troisièmement, si l’argument est qu’il faut une large présence nationale pour mener une grève traditionnelle, alors l’inégalité de l’organisation entre les régions impliquera qu’un bon nombre de sections attendront cette grève pendant de longues années. Un tel flou est la mort de l’organisation. En revanche, un modèle basé sur les régions et les perturbations au sein des régions évite une attente indéfinie. Il permet d’agir comme un syndicat au niveau régional, tandis que d’autres rattrapent leur retard puis s’unissent organiquement dans une fédération de sections semi-autonomes fortes.

L’attente d’une approche régionale est que, si Amazon fait des concessions substantielles dans une région, cela s’étendra sûrement à d’autres régions. Amazon mesurerait donc les coûts de toute concession régionale par rapport à sa multiplication bien au-delà de cette région et résisterait d’autant plus durement. Une grève nationale ou quasi nationale des installations clés serait donc la seule option.

Cela ne devrait pas être écarté légèrement. Mais les limites de l’option nationale suggèrent une autre alternative : des perturbations dans des régions particulières qui stimulent, ou opèrent parallèlement à, des perturbations dans plusieurs régions. À un degré égal ou supérieur à un test de force national, cela pourrait livrer un message stratégique à savoir qu’Amazon ne peut fonctionner sans interruption si elle ne fait pas de concessions aux travailleurs et aux travailleuses.

Ces premières victoires des travailleurs et des travailleuses pourraient être modestes, mais elles peuvent jeter les bases de luttes plus vastes à venir au niveau national, comme pour un plus grand choix en matière d’horaires de travail, pour des meilleures conditions de santé-sécurité, pour des pauses plus longues, pour consacrer les gains de productivité à l’allongement des périodes de repos et à des rythmes de travail plus humains qui obligent Amazon à respecter ses engagements envers les consommateurs et consommatrices en embauchant davantage de travailleurs et travailleuses plutôt qu’en accélérant le travail, et ainsi de suite.

Le site spatial des luttes au sein des régions

La question d’échelle est une question tactique également au sein de chaque région. En dehors du pouvoir perturbateur d’un ou de deux hubs aériens clés qui transportent des colis à travers les États-Unis pour une livraison le jour même ou le lendemain, l’organisation de plus de deux installations dans une grande région sera probablement essentielle pour forcer Amazon à négocier.

Le nombre critique d’installations communes nécessaires dans une région est indéterminé dans l’abstrait. Un petit nombre d’installations pour les petits et moyens colis ou pour les gros colis peuvent suffire à imposer des coûts importants à Amazon. La recherche peut être suggestive, mais le nombre exact d’installations nécessaires n’apparaîtra probablement qu’au cours des tests réels d’Amazon.

Le point de lutte fonctionnel

Les travailleurs et les travailleuses les mieux placé.e.s stratégiquement sont les technicien.ne.s en col blanc d’Amazon Web Services (AWS). Mais bien qu’ils et elles aient exprimé des positions progressistes sur les enjeux de race, sexe, immigration et environnement, ils et elles n’ont pas manifesté d’intérêt pour la syndicalisation, même face aux récents licenciements. Tout ce que nous pouvons espérer de cette couche de travailleurs et de travailleuses, c’est que, à mesure que les cols bleus acquièrent un certain pouvoir sur le lieu de travail, leurs collègues plus qualifié.e.s soient incité.e.s à se joindre à la lutte et à élever leur propre voix, en particulier en tant que lanceurs d’alerte protégés par des syndicats.

Le débat-clé est donc de savoir si l’effort d’organisation doit donner la priorité aux grands centres de distribution (FC) ou aux stations de livraison et à leurs chauffeur.e.s. Les deux parties dans ce débat reconnaissent que le grand nombre de cols bleus des FC doivent en fin de compte être organisés pour attirer le maximum de travailleurs et de travailleuses dans le mouvement syndical et avoir un impact dramatique sur les stratégies. Les deux parties conviennent également que plus il y aura de maillons syndiqués dans la chaîne, plus le syndicat sera fort. La controverse est de savoir sur quoi se concentrer en premier.

L’argument en faveur des stations de livraison est qu’elles seraient plus faciles à syndiquer en raison de leur plus petite taille et qu’elles pourraient servir de point d’appui pour passer à la plus grande gagne des centres de distribution. Il est particulièrement important que les postes de livraison soient considérés comme des « points d’étranglement » : si on ferme les postes de livraison, rien n’arrive aux portes.

Le défi commence par le fait qu’il n’est pas évident que l’organisation des chauffeur.e.s s’étendrait aux travailleurs et travailleuses des entrepôts, ni que cela serait décisif pour convaincre les FC. Mais si les FC sont l’objectif ultime, pourquoi ne pas commencer par eux ? Quant aux postes de livraison qui représentent des points de débrayage critiques, ils peuvent devenir une variante de la stratégie syndicale traditionnelle de négociations collectives formelles périodiques avec une touche militante, au lieu que cet effet de levier distinct soit une capacité généralisée à perturber, si et quand cela est nécessaire.

De plus, étant donné que le travail d’un groupe de chauffeur.e.s peut facilement être réacheminé (à moins que leur station de livraison à domicile ne soit situé dans un emplacement unique), les chauffeur.e.s sous-traitant.e.s peuvent être transféré.e.s vers d’autres entrepreneur.e.s.
Par conséquent plusieurs stations devraient être syndiquées pour être efficaces, ce qui réduirait l’argument de « facilité de syndicalisation ». Et même si la fermeture et le remplacement d’une station de livraison pour éviter la syndicalisation peuvent être perturbateurs, Amazon fonctionne généralement avec un nombre excédentaire de stations. Fermer une station problématique reste bien plus facile que fermer un entrepôt gigantesque, étant donné la taille relative de l’investissement impliqué.

L’entrée des Teamsters : un tournant ?

Les Teamsters avaient Amazon dans leur ligne de mire depuis un certain temps, mais leurs récentes interventions par le biais d’une Division Amazon nouvellement formée changent clairement la donne. Ce qui a renforcé l’importance des Teamsters, c’est que le projet d’organisation des militant.e.s socialistes est par nature un processus lent à construire pour des raisons pratiques (c’est déjà difficile, et Amazon rend les choses plus difficiles), contextuelles. (Cela même si les manifestations dans les universités à propos de Gaza signalent une nouvelle radicalisation des jeunes. Mais ce n’est pas encore le moment où des rébellions explosives sont « dans l’air », comme c’était le cas dans les années 60). En plus, le rythme même du modèle appliqué – le renforcement méthodique des capacités – prend tout simplement du temps.

Ces facteurs ont eu des conséquences néfastes et ont joué à l’avantage des Teamsters. Ce que les Teamsters offrent, ce sont les avantages matériels (et psychologiques) d’une institution établie, avec une expérience en logistique et du soutien des travailleurs et travailleuses. Les Teamsters ont les ressources nécessaires pour payer des organisateurs et des organisatrices à temps plein et à temps partiel, ainsi que la littérature d’agitation, des espaces pour des réunions, ainsi que
des honoraires d’avocat à un moment où la force collective nécessaire pour mener une action directe pour bloquer les licenciements ou les suspensions n’existe pas encore. Les Teamsters peuvent également, grâce à leurs ressources, faire une promesse crédible de faire avancer les choses plus rapidement, ce qui séduirait naturellement de nombreux travailleurs, nombreuses travailleuses qui ne sont pas encore convaincu.e.s par une stratégie à échéancier indéterminé.

La nouvelle division Amazon des Teamsters dispose jusqu’à présent de l’autonomie et des ressources nécessaires pour surmonter les obstacles rencontrés. Comme pour le CIO dans les années 1930, la Division Amazon a accueilli des organisateurs et des organisatrices efficaces, quelle que soit leur appartenance politique. Et la division ne s’est pas précipitée vers des certifications rapides mais a mis l’accent, comme le faisaient les socialistes indépendant.e.s, sur la formation systématique de cadres capables de mener une organisation en profondeur et de construire des super-majorités. La Division a rapidement conquis et embauché certains des meilleur.e.s organisateurs et organisatrices dans des centres clés, tels que San Bernardino, Philadelphie, New York et Kentucky. Cela a renforcé le sentiment général dans les régions selon lequel s’adresser aux Teamsters est désormais une question de « quand », et non de « si ».

Actuellement, deux questions particulières se posent. La priorité donnée par les Teamsters aux stations de livraison – assez naturelle compte tenu de leur base de chauffeur.e.s – est-elle la bonne voie pour organiser Amazon ? (La division Amazon semble développer une certaine flexibilité à ce sujet ces derniers temps, en incluant les FC dans son plan). Et y a-t-il une contradiction entre l’ouverture de la Division Amazon à une nouvelle approche et la tentative de le faire au sein d’un syndicat qui reste, globalement, encore traditionnel ?

Un test de cette contradiction potentielle tourne autour du poids accordé aux changements juridiques et au cycle politique. Les Teamsters se battent pour redéfinir les chauffeures-livreurs et livreuses sous-traitant.e.s comme des travailleurs et travailleuses de facto d’Amazon (ce qu’ils et elles sont en fait). De plus, une nouvelle décision du National Labour Relations Board (NLRB) affirme que si une majorité des travailleurs et des travailleuses adhèrent au syndicat et que, sur le point d’être voté, la société est jugée avoir commis une pratique déloyale, le NLRB peut imposer une convention collective. Avec l’approche des élections américaines et la nervosité à l’idée d’une victoire de Trump qui annulerait ces acquis juridiques et administratifs, des pressions pourraient émerger au sein du syndicat pour accélérer les certifications.

Le problème n’est pas que le souci des aspects juridiques et des développements politiques soit un péché, mais plutôt – comme pour toute tactique – le danger de la tactique qui sous-tend la stratégie de renforcement du pouvoir des travailleurs et des travailleuses. Si, par exemple, les calendriers de recrutement sont ajustés pour s’adapter au cycle politique, cela pourrait offrir des succès à court terme. Mais à moins que l’objectif de construire la base ne soit ferme, même une convention collective chez Amazon peut être mise à mal pendant la durée de l’accord ou lors du conflit sur l’accord subséquent.

Si les résultats positifs tardent à arriver alors que les coûts augmentent, le risque que les dirigeant.e.s des Teamsters poussent la campagne Amazon vers les canaux traditionnels ou même abandonnent prématurément la campagne ne peut être ignoré. Cependant, à ce jour, la Division Amazon semble disposer de l’autonomie nécessaire pour s’en tenir à son plan d’organisation et à son calendrier.

Pour les socialistes, une autre série de questions se pose. Si leur avenir réside au sein des Teamsters, comment fonctionneront-ils et elles au sein de ce syndicat ? Quelles leçons peut-on tirer de l’expérience des Teamsters for a Democratic Union (TDU), autrefois une force d’opposition courageuse et efficace pour la démocratie, mais aujourd’hui essentiellement la branche militante intégrée des Teamsters (que certain.e.s caractérisent comme du « syndicalisme d’affaires militant ») ? Les socialistes et un TDU relancé pourraient-ils et elles faire passer les Teamsters d’un syndicat principalement axé sur les chauffeurs à un syndicat d’entrepôt et de logistique ?

Les socialistes pourraient-ils et elles insérer « classe » dans l’analyse, comme une question pratique, plutôt que simplement rhétorique ? Autrement dit, les organisateurs et organisatrices socialistes peuvent-ils et elles convaincre que l’intégration d’un souci prédominant de classe peut rendre les syndicats plus efficaces ? De plus, puisque toute bataille exige une compréhension de l’ennemi, une gauche au sein des Teamsters pourrait-elle convaincre les travailleurs et les travailleuses à considérer le capitalisme – et pas seulement l’employeur – comme l’obstacle ultime à une vie plus sûre et plus épanouie ? (Il y a aussi la question inquiétante de savoir quelles pourraient être les conséquences si même les Teamsters échouaient chez Amazon.)

En ce qui concerne le rôle des Teamsters, la situation canadienne est différente. Même si les Teamsters américain.e.s sont devenu.e.s, parmi les syndicats établis, « le syndicat d’Amazon », ce n’est pas le cas au Canada. Au Canada, les Teamsters sont plus petit.e.s et plus faibles qu’aux États-Unis, et il y a maintenant deux ou trois autres syndicats, aucun clairement en tête, qui se joignent aux Teamsters pour tâter le terrain en vue d’une campagne Amazon : le Syndicat canadien des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), passif ces derniers temps), Unifor (anciennement les TCA) en Colombie-Britannique, et la CSN (une fédération de syndicats québécoise).

Cela laisse ouverte la possibilité au Canada – sans doute peu certaine – que le mouvement syndical dans son ensemble, ou une coalition de syndicats soutenant un fonds centralisé pour un syndicat indépendant, donnent à ce dernier accès à leurs propres membres pour les convaincre de la centralité fondamentale d’Amazon au renouveau syndical global, pour rassembler les contacts que ces travailleurs et travailleuses ont par le biais de liens familiaux ou d’amitiés avec les travailleurs et travailleuses d’Amazon, et même pour recruter des personnes acceptant des emplois chez Amazon avec l’intention de créer un syndicat.

Cela, de manière cruciale, poserait également les bases, à mesure que la lutte progresse, pour apprivoiser Amazon, grâce à des actions coordonnées de soutien de la part des débardeurs et débardeuses, des cheminots, des manutentionnaires de colis, des camionneur.e.s, des postiers et postières, etc. En fin de compte, les travailleurs et les travailleuses d’Amazon décideraient s’ils et elles veulent rester indépendant.e.s ou choisir l’un des syndicats en lice (une incitation pour les syndicats hésitants à faire preuve d’une solidarité concrète afin de « rester dans le jeu »).

Toutefois, les développements récents indiquent que des syndicats spécifiques président, ou du moins influencent grandement, la syndicalisation d’Amazon au Canada. La CSN a récemment remporté la première accréditation au Canada dans un centre de tri (200 travailleurs et travaillleuses) et Unifor semble être sur le point de déposer une demande d’accréditation auprès de deux FC (peut-être 2000 travailleurs et travailleuses). Notez qu’au Québec et en Colombie-Britannique la certification automatique n’exige de dépasser que 50 % et 55 % respectivement. De plus, face à la détermination d’Amazon d’ignorer les accréditations syndicales, les commissions du travail des deux provinces peuvent imposer un premier contrat dans le cas où le syndicat est accrédité mais les deux parties ne parviennent pas à conclure une convention collective.

Conclusion

Le modèle d’organisation d’Amazon discuté ici présente trois épreuves aux syndicats et à la gauche. Le syndicalisme traditionnel peut-il apporter du pouvoir aux travailleurs et travailleuses d’Amazon, et sinon, quel type de syndicalisme pourrait-il en donner ? La lutte pour Amazon peut-elle contribuer à transformer le mouvement syndical ? Et les syndicats – la principale institution économique de la classe ouvrière – sont-ils adéquats pour affronter le capitalisme moderne, ou doivent-ils être complétés par d’autres formes d’organisation de la classe ouvrière ?

Le défi pour les syndicats n’est pas seulement d’obtenir la certification, mais aussi de renforcer le pouvoir des travailleurs et des travailleuses. Chez Amazon, les chances d’y parvenir par des moyens traditionnels ne sont pas grandes – même avec les meilleures intentions et le plus grand engagement de ressources. La plus prometteuse est l’orientation des nouveaux organisateurs, nouvelles organisatrices socialistes.

Autrement dit, tout en respectant la trajectoire du mouvement syndical, consistant à mettre l’accent sur une meilleure compensation pour les conditions écrasantes auxquelles les travailleurs et les travailleuses sont confront.e.s, il faut souligner l’urgence de s’attaquer à l’amélioration de ces conditions de travail elles-mêmes. Il faut lier ce tournant vers les conditions de travail à la nécessité de développer une capacité à perturber de manière constante, et pas seulement à des grèves périodiques. Et il faut surtout bâtir la profondeur du collectif de travailleurs, ne pas rechercher que le nombre. Cela exige en outre de développer des dirigeants et dirigeantes les mieux formé.e.s possibles sur le lieu de travail et d’organiser à l’extérieur pour obtenir le soutien le plus total du mouvement syndical dans son ensemble.

D. Taylor, président récemment retraité d’UNITE HERE, va encore plus loin, en soulignant les limites d’un seul syndicat s’attaquant à Amazon, même avec du « soutien » d’autres syndicats. Pour organiser Amazon, affirme-t-il, « il faudra non pas un syndicat mais une puissante coalition de syndicats, une force comme le CIO des années 1930 ». Le sentiment de classe de Taylor doit être valorisé. Mais son appel à une croisade lancée par les syndicats existants sous-estime l’impact de la longue défaite de la classe ouvrière et les transformations préalables nécessaires au sein des syndicats pour y parvenir.

La référence au CIO met en évidence les différences historiques qui bloquent sa proposition. Malgré toutes les inégalités, malgré les irrationalités et les souffrances que connaissent aujourd’hui les États-Unis, la crise n’a pas encore atteint l’ampleur de la Grande Dépression. À cette époque, un travailleur, une travailleuse sur quatre était au chômage, les luttes communautaires contre le sans-abrisme étaient courantes et les travailleurs et travailleuses étaient en marche. De plus, les syndicats dominés par les couches qualifiées à l’époque n’étaient pas seulement indifférents, mais activement opposés à l’organisation de la « racaille » non qualifiée. Cela a souligné la nécessité d’envisager de nouveaux syndicats.

Les syndicats d’aujourd’hui sont, en revanche, soucieux d’intégrer les travailleurs et les travailleuses dans le mouvement, quel que soit leur niveau de qualification, mais ils ont un bilan contrasté dans leur capacité à le faire. Il y avait aussi un autre facteur qui explique le succès du premier CIO : un Parti communiste qui formait et envoyait des travailleurs et travailleuses engagé.e.s sur les lieux de travail pour organiser et qui étaient soutenu.e.s par une supervision stratégique de la part du parti. Rien de comparable n’existe aujourd’hui.

Enfin, nous ne devons pas oublier que même si les meilleurs syndicats font tout correctement, les travailleurs et les travailleuses retournent après chaque lutte sur un lieu de travail dans lequel leur employeur.e déterminent toujours l’embauche et le licenciement, les bases de l’organisation du travail, la manière dont les compétences des travailleurs et des travailleuses sont développées (ou restreintes), comment et où les profits sont investis, ainsi que les produits et les services qui sont produits.

Ces limites ne doivent pas nous amener à sous-estimer ce que les travailleurs et les travailleuses peuvent gagner en termes de respect et de limites du pouvoir de la direction des entreprises. Il s’agit plutôt d’un rappel de considérer les acquis syndicaux, non pas comme des points finaux, mais comme des éléments de base, des étapes vers une société et une vie transformées.

Sam Gindin a été directeur de recherche pour les TCAs de 1974 à 2000. Il est co-auteur (avec Leo Panitch) de The Making of Global Capitalism (Verso), et co-auteur avec Leo Panitch et Steve Maher de The Socialist Challenge Today (Haymarket).

Sam Gindin

Chargé de cours à l’Université York,
Membre du Socialist Projet,
Ancien assistant au Président des TCA

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