Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

Rencontre avec la communauté Algonquine du Lac Barrière

Dix-sept déléguéEs représentant l’ASSE, la CSN, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), Québec solidaire et plusieurs sympathisantEs de la cause autochtone ont participé à une rencontre de solidarité à l’invitation de la communauté Algonquine du Lac Barrière les 20 et 21 juillet dernier. J’ai eu le privilège d’y participer au nom de QS en compagnie de Geneviève Beaudet et André Richer.

L’esprit communautaire est la première qualité qui apparaît. Nous avons été accueillis, hébergés et avons partagé leurs repas durant toute cette fin de semaine. Ils nous ont expliqué que la terre ne leur appartient pas.

La communauté Algonquine du Lac Barrière vit sur un territoire situé à environ 400 kilomètres au nord de Montréal au cœur de la réserve faunique du Parc de La Vérendrye et pratique toujours la chasse et la pêche, sur leur territoire de plus de 10 000 kilomètres carrés.

Après plusieurs années de luttes pour la préservation de leur identité et du territoire qu’ils occupent, les Algonquins de la communauté du Lac Barrière ont finalement signé un accord en 1991 avec le gouvernement du Canada et celui du Québec afin d’assurer qu’ils aient le dernier mot en ce qui concerne l’utilisation de leur territoire dans un esprit de coexistence avec les communautés non autochtones. Mais cette entente ne fut pas respectée et les deux gouvernements ont continué d’accorder unilatéralement des droits d’exploitation et d’extraction qui ont causé des torts irréparables et ont contribué à l’appauvrissement de leur communauté.

De plus, malgré le fait que la communauté du Lac Barrière n’ait jamais renoncé à ses droits ancestraux en regard de son territoire, elle a été confinée à vivre dans des maisons en mauvais état, dans une réserve de 59 âcres à Rapid Lake où elle vit dans des conditions de surpeuplement dans des maisons qui dépérissent. L’accroissement de la population engendre la promiscuité dans une communauté où la construction de nouvelles maisons est impossible à cause de la petitesse de la réserve mais également parce que la communauté est desservie en électricité par deux génératrices qui sont au maximum de leur capacité. Un véritable paradoxe alors que le réservoir Cabonga qui a inondé une partie de leur territoire a été créé afin de construire une mini centrale hydroélectrique, mais il serait trop onéreux de relier la réserve au réseau hydroélectrique.

Un taux de chômage de 80% et un état de pauvreté généralisé participent à créer une situation qui conduit au retrait de plusieurs enfants par le service de protection de la jeunesse.

En même temps le territoire des Algonquins du Lac Barrière a généré de la richesse et des emplois pour l’économie régionale à partir de l’exploitation forestière, du tourisme et du développement hydroélectrique estimée environ $100 millions à chaque année. Malgré cela, la communauté Algonquine ne reçoit pas un seul cent de ces bénéfices. Le mode de gestion régit par la loi fédérale ne permet pas non plus au conseil de bande de planifier des surplus financiers qui pourraient servir la communauté, ils sont automatiquement accaparés par le gouvernement.

L’accord trilatéral de 1991

L’entente trilatérale liait le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et la communauté Algonquine du Lac Barrière au sujet de l’utilisation de 10 000 km 2 de terre traditionnellement habitée par la communauté. Cette entente se voulait une alternative aux règlements habituellement négociés par le gouvernement du Canada, comme celui de la Baie James. Selon eux, ce type de négociation force les premières nations à mettre fin à leurs droits ancestraux et à leurs titres, les oblige à renoncer à leurs droits de vie communautaire au profit de la propriété privée. Ils préfèrent quant à eux s’entendre sur un plan de conservation. En fait ils voyaient dans l’entente trilatérale la possibilité d’inclure leur communauté dans la prise de décision concernant le territoire qu’ils occupent et de recevoir un retour financier sur toute l’extraction ou utilisation et transaction financière. Cette entente prévoyait intégrer la connaissance traditionnelle des Algonquins dans le but d’utiliser le territoire de façon à le conserver. Les Algonquins avaient par exemple cartographié ce qu’ils appellent des zones d’harmonisation où les papetières peuvent couper la forêt après les avoir consulté. Ils y indiquaient les zones de reproduction des orignaux, les cimetières où reposent les ancêtres, les endroits où on retrouve les herbes médicinales.

Les Algonquins ont mis au point un modèle de gestion qui permet aux besoins de chaque partie d’être pris en compte et qui permet aux ressources de se régénérer et à la communauté de s’épanouir. Mais cette entente ne fut pas respectée et les papetières, dont la compagnie Résolu, procèdent à des coupes à blanc sans aucune considération pour les propositions d’harmonisation.

Mais la lutte continue et c’est la raison pour laquelle la communauté Algonquine a invité notre délégation à venir constater qu’à quelques centaines de kilomètres de Montréal l’ère coloniale existe toujours. Il faut maintenant élargir la solidarité, c’est un enjeux crucial pour eux mais également pour l’ensemble de la population, les Algonquins nous donnent l’exemple d’une gestion écologique du territoire.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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