Et cette fois encore, ce sont les Innus de Pessamit qui écopent : eux qui, depuis plus de 65 ans, ont vu leur territoire ancestral littéralement dévasté par les barrages, les réservoirs et les centrales Hydro-Électriques et ce, sans consultations et sans leur consentement. Pour ajouter l’insulte à l’injure, le gouvernement a procédé dans ce dossier en informant les locataires de terrains situés dans le secteur visé, de son intention de révoquer leurs baux de villégiature afin de procéder au rehaussement projeté, sans daigner en informer les Innus, sans que leurs préoccupations ne soient considérées et sans leur proposer d’accommodements.
Tricherie
Pessamit connaissait les intentions du gouvernement de rehausser le réservoir puisqu’une ordonnance de la Cour supérieure rendue en décembre 2020, permettait à Hydro-Québec de le faire, à la condition expresse d’avoir obtenu les autorisations délivrées au terme d’un processus de consultation et d’accommodement auprès des Innus, et suite aux examens menés par le ministère de l’Environnement du Québec (MELCC) et Pêches et Océans Canada. La Première Nation s’est donc impliquée de bonne foi dans le processus de consultation et s’est attelée à la tâche de conduire ses propres évaluations sur les plans communautaire, technique et environnemental, étude dont les résultats préliminaires firent l’objet d’un mémoire déposé le 6 juillet 2021. Mais voilà ! Hydro-Québec n’a pas jugé bon attendre les résultats préliminaires de cette consultation et a décidé de procéder au rehaussement sans avertir le Conseil des Innus de Pessamit.
Loin des belles paroles
À l’heure actuelle, le niveau d’eau approche et menace les installations de la Réserve mondiale de la biosphère Manicouagan Uapishka, copropriété des Innus de Pessamit et de l’UNESCO. L’objectif étant de rehausser le réservoir à une hauteur de 355,95 mètres à l’automne 2021 et à une hauteur de 359 mètres en 2022, on comprend qu’Hydro-Québec est pressée et ne souhaite pas s’embarrasser de « procédures » avec les Innus. D’autant plus que pour la société d’État, le processus de consultation et d’accommodement mis en place par le gouvernement du Québec ne constitue généralement qu’une façade, une perte de temps instituée pour donner l’impression qu’Hydro-Québec se conforme aux exigences établies par la Cour suprême du Canada en regard des préoccupations des Premières Nations. On est loin de l’appel au dialogue lancé par la présidente d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, dans le cadre de son programme « Énergie en commun ». On est loin des belles paroles du gouvernement en matière de relations avec les peuples autochtones.
Indifférence totale
« Encore une fois, nous sommes considérés et traités comme un peuple de second ordre et cela nous replace devant la réalité d’une nation qui subit une expropriation illégale de ses terres ancestrales sur lesquelles ses droits, pourtant reconnus par la constitution du Canada et par l’ONU, sont continuellement bafoués, affirme le chef du Conseil des Innus de Pessamit, M. Jean-Marie Vollant ». Se disant offusqué des méthodes cavalières et de l’approche colonialiste que privilégient le gouvernement du Québec et sa société d’État, le chef Vollant rappelle que le Nitassinan (terres ancestrales) de Pessamit est le territoire le plus exploité au Québec pour ses ressources hydroélectriques. « Ce plus récent événement - dit-il - constitue encore la preuve que le gouvernement et Hydro-Québec agissent dans l’indifférence la plus totale envers nos droits. »
Pas de réponse
Pour exprimer son indignation et exiger une rencontre dans les plus brefs délais, le Chef Vollant a transmis, le 14 juillet 2021, une lettre à Mme Brochu, ainsi qu’aux ministres Benoit Charrette (Environnement) et Jonathan Julien (Énergie, Ressources naturelles), où il est spécifié que les procédures de rehaussement doivent immédiatement cesser. Le Chef invite ses vis-à-vis à communiquer en vue d’entreprendre des discussions de « Nation à Nation » menant à une prise en compte sérieuse et manifeste des droits des Innus de Pessamit. Il est également mentionné dans cette lettre qu’à moins de recevoir une réponse favorable à cette demande au plus tard le 15 juillet, les mesures nécessaires seront prises afin d’initier les procédures judiciaires qui s’imposent.
À cette date, ni la présidente d’Hydro-Québec, ni les deux ministres n’ont manifesté leur intention de participer une telle rencontre.
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