Édition du 12 novembre 2024

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Premières Nations

Rehaussement du réservoir Manicouagan - Le Québec et Hydro-Québec bafouent les droits de la Première Nation des Innus de Pessamit

PESSAMIT, QC, le 22 juill. 2021 - À nouveau le gouvernement du Québec et Hydro-Québec bafouent les droits d’une Première Nation en négligeant de se conformer à leurs obligations de consultation et d’accommodement, cette fois-ci dans le cas du rehaussement du réservoir Manicouagan.

Et cette fois encore, ce sont les Innus de Pessamit qui écopent : eux qui, depuis plus de 65 ans, ont vu leur territoire ancestral littéralement dévasté par les barrages, les réservoirs et les centrales Hydro-Électriques et ce, sans consultations et sans leur consentement. Pour ajouter l’insulte à l’injure, le gouvernement a procédé dans ce dossier en informant les locataires de terrains situés dans le secteur visé, de son intention de révoquer leurs baux de villégiature afin de procéder au rehaussement projeté, sans daigner en informer les Innus, sans que leurs préoccupations ne soient considérées et sans leur proposer d’accommodements.

Tricherie

Pessamit connaissait les intentions du gouvernement de rehausser le réservoir puisqu’une ordonnance de la Cour supérieure rendue en décembre 2020, permettait à Hydro-Québec de le faire, à la condition expresse d’avoir obtenu les autorisations délivrées au terme d’un processus de consultation et d’accommodement auprès des Innus, et suite aux examens menés par le ministère de l’Environnement du Québec (MELCC) et Pêches et Océans Canada. La Première Nation s’est donc impliquée de bonne foi dans le processus de consultation et s’est attelée à la tâche de conduire ses propres évaluations sur les plans communautaire, technique et environnemental, étude dont les résultats préliminaires firent l’objet d’un mémoire déposé le 6 juillet 2021. Mais voilà ! Hydro-Québec n’a pas jugé bon attendre les résultats préliminaires de cette consultation et a décidé de procéder au rehaussement sans avertir le Conseil des Innus de Pessamit.

Loin des belles paroles

À l’heure actuelle, le niveau d’eau approche et menace les installations de la Réserve mondiale de la biosphère Manicouagan Uapishka, copropriété des Innus de Pessamit et de l’UNESCO. L’objectif étant de rehausser le réservoir à une hauteur de 355,95 mètres à l’automne 2021 et à une hauteur de 359 mètres en 2022, on comprend qu’Hydro-Québec est pressée et ne souhaite pas s’embarrasser de « procédures » avec les Innus. D’autant plus que pour la société d’État, le processus de consultation et d’accommodement mis en place par le gouvernement du Québec ne constitue généralement qu’une façade, une perte de temps instituée pour donner l’impression qu’Hydro-Québec se conforme aux exigences établies par la Cour suprême du Canada en regard des préoccupations des Premières Nations. On est loin de l’appel au dialogue lancé par la présidente d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, dans le cadre de son programme « Énergie en commun ». On est loin des belles paroles du gouvernement en matière de relations avec les peuples autochtones.

Indifférence totale

« Encore une fois, nous sommes considérés et traités comme un peuple de second ordre et cela nous replace devant la réalité d’une nation qui subit une expropriation illégale de ses terres ancestrales sur lesquelles ses droits, pourtant reconnus par la constitution du Canada et par l’ONU, sont continuellement bafoués, affirme le chef du Conseil des Innus de Pessamit, M. Jean-Marie Vollant ». Se disant offusqué des méthodes cavalières et de l’approche colonialiste que privilégient le gouvernement du Québec et sa société d’État, le chef Vollant rappelle que le Nitassinan (terres ancestrales) de Pessamit est le territoire le plus exploité au Québec pour ses ressources hydroélectriques. « Ce plus récent événement - dit-il - constitue encore la preuve que le gouvernement et Hydro-Québec agissent dans l’indifférence la plus totale envers nos droits. »

Pas de réponse

Pour exprimer son indignation et exiger une rencontre dans les plus brefs délais, le Chef Vollant a transmis, le 14 juillet 2021, une lettre à Mme Brochu, ainsi qu’aux ministres Benoit Charrette (Environnement) et Jonathan Julien (Énergie, Ressources naturelles), où il est spécifié que les procédures de rehaussement doivent immédiatement cesser. Le Chef invite ses vis-à-vis à communiquer en vue d’entreprendre des discussions de « Nation à Nation » menant à une prise en compte sérieuse et manifeste des droits des Innus de Pessamit. Il est également mentionné dans cette lettre qu’à moins de recevoir une réponse favorable à cette demande au plus tard le 15 juillet, les mesures nécessaires seront prises afin d’initier les procédures judiciaires qui s’imposent.

À cette date, ni la présidente d’Hydro-Québec, ni les deux ministres n’ont manifesté leur intention de participer une telle rencontre.

Conseil des Innus de Pessamit

https://pessamit.org/

La réserve indienne de Pessamit est située à environ 50 km en amont de Baie-Comeau. En 2005, le conseil de bande de Betsiamites a été remplacé par le conseil des Innus de Pessamit et, le 6 novembre 2008, la Commission de toponymie acceptait le changement du nom Réserve indienne de Betsiamites pour celui de Réserve indienne de Pessamit. Les habitants d’un village montagnais ont été identifiés dès les premières explorations européennes. Champlain en rapporte en effet la présence sur sa carte de 1632 où il fait mention des Sauvages Bersiamiste. Sous le Régime français, un poste de traite était établi à l’embouchure de la rivière Betsiamites. Désigné sous le nom Pointe-des-Bersimites par Hocquart en 1733, on pense cependant qu’il était localisé sur la rive ouest de la rivière plutôt que sur la rive est où le village se situe actuellement. Les registres de la mission de Notre-Dame-de-Betshiamits s’ouvrent en 1845 et c’est probablement à cette époque que démarre l’évolution en parallèle des formes Betsiamites et Bersimis. Du côté des Montagnais et des missionnaires oblats dont Charles Arnaud et Louis Babel, c’est la première forme qu’on utilise. La seconde est cependant privilégiée par l’amiral Bayfield lorsqu’il fit les relevés hydrographiques du Saint-Laurent entre 1837 et 1848 et par la Compagnie de la Baie d’Hudson lorsqu’elle vint s’y établir en 1855. Par ailleurs, à partir de 1860 environ, un petit noyau industriel se développe sur la rive ouest et c’est là surtout que Bersimis acquiert sa popularité. Un bureau de poste y est établi sous ce nom en 1863 puis sous ceux Moulin-Bersimis, en 1910, et de Rivière-Bersimis, en 1945. Il faut se rappeler que, vers 1900, la population y est plus importante que du côté du village montagnais. Là, le bureau de poste porta le nom Notre-Dame-de-Betshiamits de 1881 à 1898. Remplacé par celui de Bersimis de 1898 à 1919, il reprit ensuite le nom Betsiamites quand les habitants en firent la demande et que la Commission de géographie du Québec réussit à convaincre son homologue fédéral du bien-fondé de cette position. Malgré cela et en dépit du fait que la réserve ait été établie sous le nom Betsiamites en 1861, l’usage administratif a, le plus souvent, favorisé Bersimis à tel point qu’Hydro-Québec y a exclusivement recours dans ses aménagements de la rivière dans les années 1950. C’est en 1981 que le conseil de bande entreprend de renverser la tendance en faisant la promotion de Betsiamites. L’anthropologue Frank G. Speck avançait en 1931 l’hypothèse que le nom pourrait signifier ceux qui arrivent par la rivière. Toutefois, la plupart des auteurs s’entendent pour accorder à ce toponyme montagnais « Pessamit » le sens de lieu où il y a des sangsues ou des lamproies ou anguilles de mer.

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