La contre-réforme de l’assurance-emploi est un des volets inclus à la loi « mammouth » C-38 qui met en œuvre une panoplie de changements mis en avant par les conservateurs de Stephen Harper. Un des changements les plus fondamentaux vise de plein fouet les travailleuses et les travailleurs les plus précaires. En effet, le gouvernement revient à la charge avec les prestataires dits « fréquents », c’est-à-dire les personnes qui ont présenté trois demandes de prestations et qui ont touché plus de 60 semaines de prestations au cours des cinq dernières années. Il exigera que ces chômeurs acceptent tout travail à compter de la septième semaine de chômage à un salaire équivalent à 70 % de leur salaire antérieur. Cette mesure vise particulièrement les travailleurs saisonniers qui doivent recourir au régime année après année.
Les conservateurs prévoient également d’autres changements qui pénaliseront particulièrement les prestataires des régions éloignées tout en alourdissant les procédures juridiques permettant aux chômeuses et aux chômeurs de contester une décision défavorable. Pour les organisations syndicales, l’abolition des conseils arbitraux, des juges arbitres et des mécanismes d’appel constituent autant de freins à l’accès à la justice.
Décision idéologique
« Le gouvernement fédéral ne verse plus un sou à la caisse, et ce, depuis 1990. C’est sur la base de préjugés anti-chômeurs qu’il va de l’avant avec une telle réforme sans aucune consultation auprès des premiers concernés, les travailleuses et les travailleurs, bien que ce soit eux qui financent le programme, avec les employeurs », dénonce le secrétaire général de la FTQ, Daniel Boyer.
Ces changements proposés par les conservateurs représentent une menace pour l’économie des régions, particulièrement les régions où le travail saisonnier est très important, par exemple celles qui vivent de la pêche, de la foresterie, du tourisme ou de l’agriculture. Ils auront aussi un impact majeur pour les salarié-es de la construction. De plus, ils entraîneront indéniablement des pressions à la baisse sur l’ensemble des salaires, dénoncent les représentants syndicaux.
« L’approche des conservateurs est contre-productive. Au lieu de se concentrer sur la création de richesse en soutenant mieux le développement d’emplois de qualité, entre autres dans le manufacturier, il pénalise les chômeurs et toute la société en les forçant à accepter un travail où leurs compétences ne seront pas utilisées de façon optimale », plaide pour sa part le vice-président de la CSN, Jean Lacharité.
Le rapatriement : un objectif à plus long terme
« La priorité des priorités doit aller pour le moment à défendre le régime actuel d’assurance-emploi et à sauver ce qui peut l’être notamment en convainquant le gouvernement de laisser plus de temps au chômeuses et aux chômeurs de se trouver un emploi convenable, comparable à celui qu’ils occupaient avant de se retrouver au chômage », explique le secrétaire-trésorier de la CSQ, Daniel-B. Lafrenière. Ainsi les centrales syndicales souhaitent intervenir dès maintenant pour limiter les dégâts de la contre-réforme conservatrice.
Les organisations syndicales poursuivront en outre leur réflexion quant à l’éventualité de rapatrier au Québec le programme d’assurance-emploi. Si elles voient un certain intérêt à mettre sur pied un régime québécois qui refléterait davantage les besoins des travailleuses et des travailleurs du Québec, les centrales syndicales estiment que le rapatriement du programme ne peut être qu’un objectif à long terme : beaucoup de questions demeurent quant au fonctionnement d’un éventuel régime québécois et cela sans compter les obstacles constitutionnels à franchir pour y arriver.
Le gouvernement du Québec interpellé
Enfin, les centrales syndicales demandent à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Julie Boulet de se saisir du dossier et de demander au gouvernement fédéral une véritable consultation sur cette importante question. Rappelons que, vendredi, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une motion exigeant du gouvernement fédéral qu’il renonce aux modifications les plus néfastes pour les travailleuses et les travailleurs au statut des plus précaires. « Nous demandons au gouvernement du Québec de se joindre aux gouvernements des provinces de l’Atlantique afin de réclamer une consultation de la part du gouvernement fédéral et de dénoncer les aspects les plus régressifs de cette contre-réforme. L’approche unilatéraliste est contre-productive en ce qui a trait à cette importante maille de notre filet de sécurité sociale, partout au pays », soutient le vice-président de la CSD, Claude Faucher.