Siégeant au Sénat canadien en tant que représentant libéral, depuis 1997, M. Joyal désire faire interdire ce qu’on appelle communément les « thérapies de conversion ». Il s’agit du projet de loi S-260 modifiant le Code criminel du Canada (thérapie de conversion).
« […] C’est ce dont il est question ici : la destruction de vies. Il ne s’agit pas simplement d’empêcher quelqu’un de traverser la rue, de voler ou de commettre une autre infraction courante prévue au Code criminel. Il s’agit de mesures qui peuvent détruire des vies. Le Code criminel vise à protéger l’intégrité physique d’une personne, à la protéger contre la violence physique. Nous devrions aussi penser à protéger l’intégrité psychologique de la personne. Il s’agit de violence contre la personne dans les deux cas. […] Le fait est que dans le monde entier, dans les pays ayant des caractéristiques similaires à celles de la société canadienne, on condamne la thérapie de conversion — et je vais fournir des explications plus tard », a déclaré le sénateur Serge Joyal dans un discours au Sénat, le 7 mai.
« Honorables sénateurs, si vous voulez lire les cas qu’ils ont examinés [citant une étude menée à l’Université Cornell dans l’État de New York], vous verrez des cas absolument horribles de personnes qui se mutilent les parties génitales avec un rasoir et qui versent du Drano sur les plaies, a poursuivi Serge Joyal. En lisant ces cas, on a l’impression d’être dans une salle de torture. Certaines personnes ont tellement honte qu’elles veulent simplement réagir en se mutilant, en s’en prenant à ce qu’elles perçoivent comme étant la source de leur anormalité. Elles doivent tout faire pour essayer de se conformer à la norme de leur milieu, leur communauté, leur Église ou, comme je l’ai dit, quiconque exerce sur elles une influence psychologique. Honorables sénateurs, lorsqu’on lit ce genre de documents, il est épouvantable de constater que ces pratiques puissent être menées librement, sans aucune interdiction. »
Pour le sénateur Joyal, il s’agit d’abord et avant tout de préserver l’être humain, de sauvegarder sa dignité et de reconnaître tout le mal que ce type de traitements peut causer à une personne. Cela est dit clairement dans le préambule du projet : « Attendu : que le Parlement du Canada reconnaît les dommages causés par les pratiques et traitements visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’un individu ; qu’il importe de protéger la dignité humaine et l’égalité de tous les Canadiens et Canadiennes en décourageant ces pratiques et traitements qui ont des conséquences négatives, en particulier chez les jeunes ».
Dans son allocution, le sénateur Joyal a constaté le retard du gouvernement fédéral à agir puisque certaines provinces, comme l’Ontario, le Manitoba ou encore la Nouvelle-Écosse avaient déjà pris des mesures contre ce genre de traitements. « Même la Ville de Vancouver a proposé en juin 2018 — il y a un an — de prendre des mesures pour garantir que les règlements municipaux interdiraient la technique visant à convaincre les gens de suivre une thérapie de conversion », a poursuivi le sénateur.
La législation
Ce projet de loi définit ainsi de quoi il s’agit par l’ajout de l’article 172.01 (1) :
« Au présent article, thérapie de conversion s’entend de pratiques, traitements ou services visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’un individu ou visant à éliminer ou réduire l’attirance sexuelle ou le comportement sexuel entre personnes de même sexe. Il est entendu que la présente définition ne vise pas le changement chirurgical de sexe ou tout service qui s’y rapporte », peut-on lire.
Si on désire interdire cette pratique, on veut également empêcher quiconque d’en faire la publicité et d’être rémunéré pour de telles thérapies. « Quiconque fait sciemment de la publicité pour offrir une thérapie de conversion moyennant rétribution est coupable […] ».
Aux yeux de la loi, cela devient un acte criminel passible de cinq ans de prison ou d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
« Honorables sénateurs, je vous exhorte à réfléchir à ce sujet qui est plus ou moins odieux. Nous ne voulons pas penser à ces choses qui sont si horribles lorsque qu’on les examine de près. Imaginez ce que c’est de se faire dire que parce que l’on est né avec une certaine caractéristique, par exemple des yeux bleus, on n’est pas normal parce que la normalité, ce sont les yeux bruns. Vous naissez avec vos yeux bruns, qui ne disparaîtront pas. Vous les aimez et vous vivez heureux avec. De la même façon, lorsque vous naissez homosexuel ou avec telle ou telle identité de genre, vous vivez avec et vous avez tous les droits d’être protégé par le gouvernement et par la société contre toute tentative de vous convaincre que vous n’êtes pas normal et que vous devez changer », a souligné le sénateur Serge Joyal en conclusion de son allocution.
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