Ce texte correspond à une œuvre scolaire qui s’adresse aux membres du « collège de veille »[1] (992d) qui implique l’étude de l’astronomie, discipline qui à l’époque se confondait avec la théologie. Ce texte introduit un cinquième élément qui n’est pas mentionné dans le Timée : l’éther. Il est aussi question d’un moteur capable de mettre en mouvement le corps des objets célestes : l’âme d’un dieu. Aucun doute possible, nous sommes en présence ici d’une démarche qui correspond à une théologie astrale.
Dans ce texte apocryphe, il est question des connaissances utiles pour accéder à la sagesse et celles qui ne le permettent pas. Dans cette dernière catégorie, on retrouve les connaissances des techniciens, des devins et des artistes. La seule connaissance qui mène à la sagesse est celle du nombre. Le nombre est enseigné par le dieu du Ciel, c’est-à-dire Ouranos. Selon la mythologie grecque, Ouranos, ou « roi des montagnes » ou « roi du Ciel », est le fils de la Terre-Mère qui, du haut des montagnes, donna naissance à la végétation, aux étendues d’eau et à la vie sur la planète ; outre les poissons et les animaux, il donna vie également à des géants et des cyclopes (Graves, 1967, pp. 44-45).
Cela dit, l’ouvrage comporte quatre parties, à savoir : le prologue (973a-b) ; la science qui mène au bonheur et à la sagesse (973b-979e) ; le législateur et les divinités (980a-992b) ; et l’épilogue (992c-e).
Dans un jeu de dialectique ou plutôt de dualité, ce texte cherche à identifier les connaissances qui ne mènent pas à la sagesse (la production, l’agriculture, l’artisanat, la chasse, la divination, l’imitation, la protection, la guerre, la médecine, la navigation, la rhétorique et le talent) et la science qui nous y conduit (la science du nombre[2]). Cette science du nombre provient du dieu du Ciel (977a), et les astres qui logent dans les hauteurs « sont pourvus d’une âme » (982e). À ce sujet, le texte attribué à Platon précise ceci : « À cette heure, donc, j’espère que nous sommes dans le vrai en énonçant pour tous ces corps la loi suivante : il est impossible, si une âme n’est pas attachée à chacun de ces êtres et n’y réside pas, que la Terre, le Ciel, tous les astres et toutes les masses qu’ils forment puissent arriver à accomplir avec exactitude leurs mouvements annuels, mensuels et journaliers, et que se produisent tous les effets bénéfiques dont nous profitons tous » (983b-c). La seule discipline destinée « à favoriser la piété » (989e) ou susceptible de conduire une personne vers le chemin de la sagesse est « (l’)astronomie » (990a). Ainsi, il y aurait justification de toutes formes d’existence sur la base d’une union entre un corps et une âme, au point même d’extrapoler une hiérarchie d’âmes et d’aboutir à la présence d’une essence immortelle appartenant à des êtres tout-puissants pouvant s’incarner dans les astres, ce qu’une âme humaine ne pourrait aspirer. Autrement dit, par un raisonnement inductif partant de l’explication de la vie humaine, il y a généralisation de celle-ci à toutes les formes d’existence et aux immensités présentes dans le cosmos, puisque le mouvement est vie et toute vie suppose ici l’intervention d’un corps et d’une âme.
Guylain Bernier
Yvan Perrier
12 août 2022
yvan_perrier@hotmail.com
Références
Brisson, Luc (Dir.). 2020. Platon oeuvres complètes. Paris : Flammarion, p. 311-332.
Dixsaut, Monique. 1998. « Platon ». Dans Dictionnaire des philosophes. Paris : Encyclopaedia Universalis/Albin Michel.
Graves, Robert. 1967. Les Mythes grecs. Paris : Fayard, 1 185 p.
Sans auteur. 2014. Écrits attribués à Platon. Traduction et présentation par Luc Brisson. Paris : GF Flammarion, p. 151-188.
[1] Il s’agit de la plus haute magistrature de la cité des Lois (Livre XII).
[2] S’expose ici le pouvoir de l’arithmétique pour appréhender le monde, voire le saisir par des chiffres ou le langage de la raison, de manière à réfléchir sur la réalité et à fournir une compréhension suffisante pour finalement donner à l’existence son véritable sens. Cela revient à découvrir le nombre des dieux grâce à l’astronomie qui implique son lot de calculs.
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