Édition du 18 juin 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet du 22 octobre

Les chicanes du PQ

Le PQ est bien connu pour ses nombreuses chicanes. Et cela ne change pas. Les médias-poubelles et les experts patentés se font un plaisir de ridiculiser le PQ et de dire qu’il est incapable de gouverner. Certes, les tergiversations du gouvernement facilitent la tâche des démagogues. Je serais presque porté à défendre Pauline Marois, mais …

Le PQ depuis son avènement gère une contradiction qui contredit dans un sens le « système ». Ce système, c’est celui de la « gouvernance » et qui essentiellement signifie de gérer le statu quo. Des changements sont parfois envisagés, mais en « marge ». On peut être à droite (parfois à la droite de la droite comme Harper), même au centre et plus rarement au centre-gauche. Mais il ne faut pas franchir les lignes rouges. Celles-ci ont été resserrées sous le néolibéralisme : aggravation des écarts entre riches et pauvres grâce à la scandaleuse inégalité fiscale, privatisation des biens publics, affaiblissement des protections arrachées à l’époque keynésienne, etc. On voit le dilemme, quelque soit le gouvernement en place, car aller à l’encontre de la pensée unique, c’est risquer gros. Dans le cas du PQ, il y a un autre obstacle. Pour les dominants (toutes tendances confondues), l’indépendance n’est pas négociable, même sous une forme édulcorée. Pour gouverner, le PQ n’a pas le choix de mettre cela de côté, à moins de déclencher une grave confrontation.

Après plusieurs défaites et impasses, le PQ s’est atrophié. Pierre-Marc Johnson qui avait succédé à René Lévesque avait vu, avant tout le monde, qu’il fallait être « lucide », avant que ce mot n’acquière le label qu’il a aujourd’hui. Après 1995, l’option a été reprise par l’ultra-lucide Lucien Bouchard. Son successeur Bernard Landry, plus modéré, a continué le « lucidisme » : réduction des dépenses publiques, tarification des services, privatisation, promotion du libre-échange, etc. Malgré cela, Landry a perdu l’élection de 2003. En effet, les électeurs du PQ se sont abstenus en grand nombre. Pour leur part, les dominants n’avaient pas confiance. Un positionnement semblable aujourd’hui place le PQ devant un grave dilemme.

Cette contradiction dans le code génétique du PQ ouvre des fractures incessantes. Les partisans de l’indépendance ou les jeunes qui refusent la religion néolibérale refusent que le PQ flushe le projet original et donc les « compromis », pour ne pas dire les « capitulations » qui sont présentées comme inévitables. Les confrontations actuelles dans le PQ reflètent cette mission impossible. Il a été élu pour réformer la fiscalité, pas pour accepter la religion néolibérale. Il devait désengluer le secteur éducatif de l’impasse et stopper les projets de pillage des ressources, pas pour autre chose. Il a gagné en promettant de réanimer la lutte pour l’autodétermination. Mais une fois au pouvoir, cela s’avère impossible, du moins si on accepte de rester dans le cadre de la « gouvernance ». Les maladresses de Pauline et de certains ministres ne sont pas la cause du blocage, mais ses conséquences.

Est-ce une fatalité ? Pas vraiment. En 1995, Jacques Parizeau avait refusé de jouer la « game ». Il savait que le PQ n’avait aucun avenir en tant que parti de « gouvernance ». Il avait raison sur le fond, mais la défaite crève-cœur du référendum a ramené au premier plan les Lucides. 18 ans plus tard, le débat rebondit. Le PQ a perdu le monopole du terrain politique à gauche du centre. Un mouvement populaire s’est organisé pour bloquer la prédation. La citoyenneté est en marche. L’air du temps est au changement, ce qui ne veut pas dire que les choses seront faciles. Les dominants sont prêts à tout : mensonge et prédation, manipulation et violence symbolique, chantage économique, etc. La bataille sera longue et difficile.

Des éléments du PQ qui refusent le « lucidisme » peuvent regarder les choses autrement et se joindre à une nouvelle coalition populaire qui prend forme. J’ai hâte que des députés se lèvent et aient comme Jean-Martin Aussant le courage de leurs convictions. Ils pourraient avec Amir et Françoise renforcer l’opposition de gauche à l’Assemblée nationale et donner un nouvel élan à la lutte pour le changement.

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