Cette lettre est signée par 62 organisations et personnes dont la liste se trouve ici.
Une prévention efficace demande des moyens suffisants : la fréquence des rencontres du comité paritaire de santé et de sécurité doit permettre une discussion paritaire fluide et les représentant.e.s des travailleur.se.s doivent avoir du temps pour identifier les risques. Le PL 59 prévoyait que ces deux mécanismes dépendraient du « niveau de risque du secteur ». Or, le calcul du niveau de risque, ne tenant pas compte de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des problèmes de SST touchant particulièrement les femmes, faisait en sorte que 69,3% de femmes contre 50,2% d’hommes se retrouvaient dans les secteurs considérés à « risque faible » où moins de prévention était prévue.
Plusieurs groupes ont dénoncé le caractère sexiste et discriminatoire de ce critère et le ministre a décidé de le retirer. Ce faisant, il a aussi retiré les dispositions prévoyant le nombre de membres et la fréquence des réunions du comité de SST ainsi que le nombre minimal d’heures que les représentant.e.s des travailleur.se.s pourront consacrer à la prévention. Selon ce qui est proposé, cela devra faire l’objet d’une entente entre l’employeur et les travailleur.se.s, sinon d’une décision de la CNESST, qui pourra être contestée devant le Tribunal administratif du travail. Nous craignons que ces instances utilisent le critère de niveau de risque pour trancher les litiges, sous-estimant encore les risques dans les milieux majoritairement féminins. Cette nouvelle disposition dénature complètement le régime de SST et met à mal le paritarisme, un principe pourtant au cœur de la Loi sur la santé et sécurité du travail et nécessaire pour contrer les rapports de force inégaux, particulièrement en milieu non syndiqué où se trouve une majorité de femmes (82,5% ne sont pas syndiquées dans le secteur privé). Par ailleurs, sans un temps adéquat garanti on peut se demander comment les représentant.e.s des travailleur.se.s pourront identifier et prévenir les risques, y compris les risques psychosociaux auxquels les femmes sont davantage exposées ?
Le ministre a entendu certaines revendications, notamment le retour à une certaine autonomie du médecin traitant quant au retrait préventif de la travailleuse enceinte et l’ajout de la violence sexuelle aux dispositions visant à assurer la protection d’un travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence conjugale ou familiale. Cependant, l’essentiel des amendements ne fait qu’éviter des reculs désastreux pour les milieux de travail, plutôt que de constituer de véritables avancées : par exemple, le programme de prévention n’inclue toujours pas un plan de réaffectation pour les travailleuses enceintes. De plus, rien n’est prévu pour protéger adéquatement les travailleur.se.s d’agence ainsi que les travailleuses domestiques qui demeurent partiellement exclues de la couverture automatique de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (LATMP).
Devant la possibilité d’un recul historique en matière de droit des femmes au travail, il est urgent que le ministre entende réellement la voix de toutes les travailleuses et révise en profondeur son projet de loi.
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