Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

La politique économique du gouvernement péquiste

Le gouvernement péquiste : de la régression sociale à l'asservissement national

Pour les personnes qui ont défendu le vote stratégique, le Parti québécois portait, malgré tout, un réel espoir de changement. Leurs espérances ont été vite déçues. Le gouvernement péquiste a inscrit sa politique économique dans les pas du gouvernement Charest. Pour les indépendantistes, les politiques de ce gouvernement nous enfonce dans le provincialisme et la dépendance. Une autre politique est nécessaire.

A. Le gouvernement péquiste maintient des mesures facilitant la régression sociale amorcée par le gouvernement libéral de Jean Charest.

a. L’objectif du déficit zéro, prétexte aux attaques contre le secteur public.

Il ne rompt en rien avec les politiques de privatisation des services publics. Il ne fait pas de la protection de ces derniers le centre de ses préoccupations. Il reprend à son compte le mythe d’un Québec qui aurait vécu au-dessus de ces moyens. Il faudrait revenir au plus tôt au déficit zéro et ceci ne serait possible que par le contrôle des dépenses publiques et par l’austérité la plus stricte. Avec le dépôt des crédits, le gouvernement péquiste annonce qu’il multipliera les compressions dans la quasi-totalité des ministères.

Sa défense du déficit zéro et ce tournant vers l’austérité conduiront à des coupures des dépenses particulièrement dures en éducation et dans les affaires sociales. Alors, il n’est pas question pour le gouvernement d’envisager sérieusement la gratuité scolaire. Le gel des frais de scolarité lui-même est mis de côté au profit d’une indexation. La taxe santé est maintenue bien que modulée. Le gouvernement indexe au coût de la vie, les tarifs du bloc patrimonial d’électricité.

Le gouvernement maintient le principe de l’utilisateur-payeur et la tarification des services publics. Ces attaques contre les services publics vont surtout frapper les femmes qui constituent une proportion majeure des employéEs de ce secteur. Une telle politique d’austérité, l’exemple européen l’a démontré, va renforcer le ralentissement actuel de l’économie et risque d’enfoncer le Québec dans la récession.

b. Il rejette toutes les propositions de transformation de la fiscalité dans le sens de la redistribution des richesses

Il a suffi que les plus riches étalent leur insatisfaction pour que le gouvernement péquiste abandonne ses timides mesures de redistribution des richesses. Le gouvernement refuse même de discuter les propositions faites par les différents mouvements sociaux pour réformer la fiscalité. Il n’y a aura pas de lutte contre l’évasion fiscale. Le gouvernement refuse de se donner les revenus nécessaires pour une intervention publique efficace dans l ’économie. Il laisse tomber sa promesse sur les redevances minières.

Non seulement le gouvernement refuse d’envisager la mise en place d’une fiscalité progressive. Il fait le contraire. Il promet des exemptions fiscales aux entreprises. Il se félicite que la taxation des entreprises au Québec soit parmi les plus basses au Canada. Il facilite ainsi la concentration de la richesse vers les sommets de la société.

c. Il ne présente aucun plan sérieux de reconversion écologique

Il refuse de prendre au sérieux la reconversion écologique de l’économie. Il ne planifie aucun investissement important dans le développement des énergies renouvelables. Il ne planifie pas la nationalisation de l’éolien. Il n’envisage pas la mise en place d’un vaste chantier public d’électrification des transports collectifs. Pourtant, il ne peut pas y avoir de politique équitable de l’énergie au service des citoyenNEs si celle-ci est dépendante des lois du marché. La gestion de l’énergie doit être citoyenne et démocratique. C’est là un enjeu essentiel.

Le gouvernement a une autre perspective. Les investissements du secteur privé seront le moteur de l’économie. Le développement par le secteur privé des énergies fossiles fait partie du projet du gouvernement péquiste. Dans son discours du budget, le tournant vers l’exploitation pétrolière a été hautement revendiqué. L’exploitation du pétrole dans le Golfe St-Laurent sera confiée au privé. Ce n’est que dans la mesure où la mobilisation citoyenne contre l’exploitation des gaz de schiste se maintiendra, qu’on peut espérer que le gouvernement ne recule pas sur ce terrain également. Le gouvernement définit son rôle comme celui d’accompagnateur du secteur privé. Sa tâche, c’est de créer de meilleures conditions d’affaires, les meilleures conditions d’investissements. Le gouvernement agit concrètement contre la réappropriation citoyenne de l’économie.

En somme, le gouvernement péquiste n’offre aucune solution aux problèmes économiques, sociaux et environnementaux auxquels fait face la majorité populaire. Il refuse toute véritable réforme de la fiscalité permettant de remettre en question l’inégalité de plus en plus importante dans la redistribution de la richesse. Il démissionne devant le secteur privé. Il n’a pas l’intention de favoriser l’augmentation des salaires pour faciliter la relance. Il ne parle pas d’élargir les droits syndicaux et de faciliter la syndicalisation des non-syndiquées. Il n’a aucun grand projet collectif à proposer. Ses intentions sont claires : rapetisser les services publics, diminuer les sommes qui leur sont consacrées, pour subventionner les plus riches à qui on demande de moins en moins. Et cela, c’est organiser la régression sociale.

B. Le gouvernement péquiste participe de l’approfondissement de la soumission du Québec au capital international

En soutenant le plan Nord, en se faisant le défenseur, au Québec, de la stratégie canadienne sur les hydrocarbures et se faisant le promoteur de l’Accord du libre-échange avec l’Europe, le gouvernement péquiste se fait à la fois l’instrument des visées du grand capital international et participe d’une politique de rapetissement et d’assujettissement du Québec à leurs projets. Non seulement, ne poursuit-il en rien une politique d’indépendance nationale, il s’inscrit comme un acteur de l’assujettissement national du Québec.

a. Le gouvernement péquiste, nouveau propagandiste du Plan Nord

Il était courant d’entendre dénoncer le Plan Nord mis de l’avant par le gouvernement Charest comme un projet de pillage des richesses naturelles du Québec. La complicité de Charest dans la braderie de nos ressources était justement stigmatisée. Il n’aura pas fallu 100 jours pour que le gouvernement Marois reprenne à son compte la défense du Plan Nord. Durant son voyage à New York, Pauline Marois a multiplié les rencontres pour vendre le Plan Nord et pour attirer l’investissement privé. Elle leur a promis que les exigences du Québec demeureront raisonnables. Elle a rappelé le congé fiscal de 10 ans pour les investissements de plus de 300 millions de dollars.

C’est tout le contraire d’une politique d’indépendance économique. Le gouvernement péquiste n’envisage même pas la reprise en main par le Québec du développement des richesses naturelles. Il n’envisage nullement la transformation de ces ressources dans une démarche de développement intégré des richesses naturelles pour la satisfaction des besoins de la population dans une perspective de protection environnementale. Ce gouvernement se dit prêt à livrer aux multinationales les richesses naturelles aux meilleures conditions. Il s’agit là d’une politique de démission honteuse dans la défense d’une véritable politique d’indépendance nationale. Il s’agit là d’un abandon de toute politique de reprise en main de nos richesses et de notre économie dans l’intérêt de la majorité de la population.

b. Le gouvernement péquiste appuie l’objectif stratégique du Canada de devenir un des principaux exportateurs d’énergies fossiles dans le monde

Le tournant pétrolier du gouvernement péquiste s’est aussi concrétisé dans l’ouverture à l’acheminement du pétrole tiré des sables bitumineux de l’Alberta vers le Québec. Lors du Conseil de la fédération, la première ministre du Québec a donné son aval à la formation d’un comité Québec-Alberta pour préparer cet acheminement. En fait, ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement le renversement du flux Sarnia-Montréal, c’est l’ouverture de la Cote est des États-Unis comme lieu d’exportation et de transit du pétrole albertain. Le gouvernement péquiste s’inscrit dans le cadre de la stratégie « nationale » de l’énergie du gouvernement Harper. Il le fait au mépris de toute démarche environnementaliste. Cette politique constitue un rejet concret de toute perspective de sortie prévisible de l’utilisation des énergies fossiles. Il se situe par là dans la logique de démission des différents gouvernements occidentaux face à la lutte contre le réchauffement climatique. Mais, cette politique énergétique a aussi sa dimension nationale : celle de l’acceptation de faire du Québec, une plaque-tournante dans la distribution des hydrocarbures en direction des États-Unis. En ce domaine également, le gouvernement péquiste maintient le Québec dans une situation de sujétion nationale tant vis-à-vis du Canada que de Washington.

c. Le gouvernement péquiste soutient le libre-échange avec l’Europe et fait encore le jeu du gouvernement canadien...

Le discours d’ouverture de Pauline Marois annonçait le soutien de son gouvernement à l’Accord de libre-échange avec l’Europe. Cet accord va ouvrir les marchés publics du Québec au capital européen. Cet accord va exercer des pressions à la privatisation des services publics. C’est d’ailleurs le sens de l’initiative du gouvernement Harper. Il s’agissait par cet Accord d’ouvrir le marché européen au pétrole canadien en échange de l’ouverture des marchés publics au Canada. Plusieurs intervenants (syndicats, ATTAC, IREC...) ont souligné les dangers sur la privatisation de l’eau, sur les attaques possibles contre normes environnementales, sur le dumping culturel, sur l’utilisation de politique d’achat pour stimuler la création d’emplois... Le gouvernement péquiste est resté totalement sourd à ces avertissements. L’appui à cet accord de libre-échange favorisera le renforcement de notre dépendance au capital étranger. Il menace notre secteur public. Dans la situation actuelle de récession généralisée en Europe, la prétendue ouverture d’un marché de 500 millions de personnes risque de s’avérer totalement illusoire. De toute façon, c’est encore une fois, une vision des intérêts de la bourgeoisie qui sont encore ici essentiellement pris en compte. Cette politique va immédiatement à l’encontre du sens véritable de notre lutte visant à construire un Québec indépendant et solidaire pour la majorité de sa population.

C. Le gouvernement péquiste mène une politique économique marquée par la régression sociale et la capitulation nationale

Le Parti québécois disait défendre une politique de gouvernance souverainiste. Puis, le gouvernement péquiste a rapidement indiqué que son statut de gouvernement minoritaire ne lui permettrait pas de viser si haut. Et, on a pu voir, sa politique de capitulation nationale et sociale se généraliser. Il est plus que temps de cesser de caractériser le gouvernement péquiste (ou le PQ) comme souverainiste. Ce serait là s’appuyer sur la rhétorique des jours de fête pour caractériser un parti politique. Ici, comme en d’autres domaines, c’est la pratique concrète qui est déterminante. Et cette pratique, particulièrement sa politique économique, ne laisse aucun doute. Ce parti se fait le défenseur de la soumission nationale et sociale du Québec aux intérêts du grand capital.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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