Mme Marois est prête à tout pour ramener ses brebis au bercail. C’est sans doute pourquoi elle laisse entrevoir la possibilité de réformes démocratiques souvent réclamées ces derniers temps : nouveau mode de scrutin, référendums d’initiatives populaires, décentralisation des pouvoirs, chambre des régions, redditions de comptes annuelles, vote à 16 ans, financement public des partis, etc. Il y en a pour tout le monde dans son buffet démocratique. Mais on ne fait pas la réforme d’une démocratie désuète et malade comme la nôtre avec un menu populaire racoleur.
Des promesses trompeuses
Premièrement, ce sont des promesses, comme toutes celles sans lendemain qu’on fait les partis sur le sujet depuis 50 ans. Avant qu’elles ne deviennent réalité, elles devront être acceptées par le parti, le PQ devra se faire élire (!), le gouvernement péquiste devra les réaliser en dépit des résistances et des risques que comporte le fait de mettre la hache dans un système électoral et politique qui lui aura permis, comme aux autres partis, de s’emparer du pouvoir et de s’y maintenir. D’ailleurs, Madame Marois protège bien ses arrières : elle a prévu de soumettre ce projet de réforme à une Commission des institutions démocratiques. On sait ce que font les gouvernements des rapports de commissions. Ce ne serait pas la première commission du genre à faire patate : pour ne mentionner que les plus récentes, les États généraux de 2003, malgré un succès démocratique sans précédent, ont été totalement ignorés par le gouvernement de Bernard Landry, tout comme les consultations récentes sur le mode de scrutin par le gouvernement Charest.
Deuxièmement, dans son buffet démocratique, Madame Marois a pris bien soin d’écarter tout ce qui touche le rôle des partis politiques, la ligne de parti, le contrôle du pouvoir législatif par un exécutif partisan, le coeur de la bête en somme. De plus, chacune des réformes proposées est sournoisement tronquée : le mode de scrutin proposé n’est pas la proportionnelle mais une hybridation étrange du système actuel, un scrutin uninominal à deux tours ! Les référendums d’initiatives populaires ne seraient accordés que si 15% des électeurs (850,000) signaient un registre et ne seraient pas contraignants pour le gouvernement, alors qu’ailleurs 5% d’appuis suffisent en général pour qu’ils soient accordés (en Suisse 50,000), et 3% au registre pour qu’ils soient contraignants pour le gouvernement.
Enfin, l’engagement du parti à réaliser cette réforme n’a rien de contraignant puisque plusieurs réformes proposées devront d’abord fait l’objet d’une Commission spéciale. Mme Marois, si elle est élue, aura donc beau jeu de tripoter ce programme de réformes à son goût et de le remettre une fois de plus aux calendes grecques, par prudence ! Preuve que les partis politiques ne réformeront jamais un système qui leur assure le pouvoir absolu, à eux plutôt qu’aux citoyens
Une seule solution : une assemblée constituante de citoyens
Les tentatives désespérées de Mme Marois, et bientôt des autres partis sans doute, pour récupérer le débat sur la réforme démocratique, ne doivent tromper personne : elles n’offrent aucune garantie sérieuse de changement à ce chapitre.
En fait, seul le peuple a la légitimité et l’indépendance requises pour définir ses institutions politiques, et cela se fait normalement dans une constitution, par une assemblée constituante, composée de citoyens libres de toute allégeance politique. Aucun parti politique ni commission n’a la légitimité, le pouvoir, ni l’indépendance nécessaires pour décider comment les citoyens du Québec veulent se gouverner et participer aux décisions. C’est à eux qu’il faut donner le crayon, non aux appareils de partis politiques.
Si nous pensons vraiment qu’une réforme complète de notre système politique est nécessaire, le projet des Sans-parti pour la réaliser est incontournable, simple et concret : il faut faire élire des candidats « sans parti » qui s’engagent à confier cette réforme à une assemblée constituante de citoyens et à lui laisser l’entière liberté de consulter la population et de définir nos institutions démocratiques comme elle l’entend. On peut résumer ce projet en trois mots qui commencent C : Coalition de candidats sans-parti aux élections, Constituante de citoyens, Constitution québécoise.
Si Mme Marois veut faire de la politique autrement et croit vraiment qu’il est urgent de réaliser une réforme complète de nos institutions démocratiques « pour redonner confiance aux Québécois en leurs institutions démocratiques » comme elle le dit, il en faudra beaucoup plus que ce qu’elle nous annonce. Le plus simple serait qu’elle joigne la Coalition des Sans-parti et mette de côté son programme partisan, le temps de réaliser le grand chantier de la Constituante et de la Constitution (2 ans).
Roméo Bouchard, membre du conseil provisoire de la Coalition des Sans-parti.