04.06.2012 - 07:24
Par Thomas CLUZEL
La perpétuité ... ça dure combien en Egypte ? ... Voilà la question posée ce matin en une du QUOTIDIEN D’ORAN ... après la condamnation ce week-end à la réclusion à perpétuité de l’ex-raïs Hosni Moubarak et de son ancien ministre de l’Intérieur ... tous deux accusés de corruption et d’implication dans la mort de plus de 800 manifestants pendant la révolte qui les a renversés ... En apparence ... les deux hommes sont donc à présent condamnés à passer le reste de leur vie en prison écrit l’éditorialiste ... ce qui aurait dû satisfaire les proches des victimes mais aussi tous les Egyptiens qui ont participé à la révolution ... Et pourtant ... et pourtant il n’en est rien car tous crient aujourd’hui au procès tronqué et au triomphe de la contre-révolution ...
Alors c’est vrai que le tribunal a créé la surprise ... une surprise amère précise toujours le journal d’Alger ... Car non seulement la Cour s’est montrée plus clémente à l’égard de Moubarak et de son ancien ministre de l’Intérieur que le procureur lequel avait requis la peine de mort ... Mais ce n’est pas tout : car elle a aussi purement et simplement acquitté les 6 principaux responsables des services de police et de renseignement de l’époque en invoquant le manque de preuves ... Et puis ... et puis toujours au cours de ce même procès la Cour a également blanchi les deux fils Moubarak accusés de corruption ... au motif que les faits qui leur étaient reprochés remontaient à plusieurs années en arrière et que donc il y avait prescription ...
Aussitôt après le verdict ... des milliers d’égyptiens scandalisés par le jugement ont donc laissé éclater leur colère précise ce matin le site d’information en ligne SLATE AFRIQUE ... « Dieu est grand ! » ... « Exécution pour ce fils de chien ! » ... « Le peuple veut la purge de la justice ! » ... Voilà quelques uns mots entendus à l’intérieur de l’enceinte de l’école de police où se tenait le procès ... Rapidement les manifestants ont envahi les rues du Caire ... Près de 20 000 égyptiens sont notamment retournés place Tahrir ... C’est là que le correspondant du journal suisse LE TEMPS a notamment rencontré une jeune Sœur musulmane Sara pour qui ce verdict résonne comme une insulte aux martyrs : « Dire que les chefs de la police sont innocents cela signifie qu’il n’y a pas eu de martyrs dit-elle et donc qu’il n’y a pas eu de révolution » ... « C’est un jugement politique qui consiste à désigner deux boucs émissaires pour mieux préserver le régime » s’insurge de son côté Ahmed ... Et l’on pourrait ainsi multiplier les témoignages à l’encontre de ce verdict ... Tous y voient le désaveu de leur révolution et la porte ouverte à la réhabilitation insidieuse des personnes jugées ...
Du coup et à deux semaines maintenant du second tour de l’élection présidentielle ... et bien beaucoup se demandent si la colère suscitée par le verdict va jouer en faveur d’un des deux finalistes ... Chacun tente en tous les cas d’exploiter l’évènement en allant dans le sens de son électorat ... Les Frères Musulmans ont ainsi appelé à manifester dès l’énoncé du verdict ... Quant à son adversaire perçu comme le candidat de l’armée il a de nouveau joué sur l’aspiration à la stabilité des égyptiens ... Et d’ailleurs précise LE QUOTIDIEN D’ORAN ... si l’armée a certes lâché Moubarak ... elle a incontestablement pesé pour qu’il ne soit pas condamné à mort ... et cela sans risquer de cristalliser contre elle le ressentiment populaire en profitant des inquiétudes que beaucoup éprouvent à la perspective d’une victoire du candidat des Frères musulmans ...
Quoi qu’il en soit c’est donc un verdict qui tombe mal écrit pour sa part le journal burkinabé LE PAYS ... Cette décision de Justice est arrivée comme la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la méfiance des partisans de la révolution vis-à-vis d’une Justice qui a servi sous l’ère Moubarak ... et dont ils doutaient encore de la réelle reconversion ... Alors que le pays était sur le point de changer de cap ... voilà qu’une décision judiciaire est donc sur le point de tout bouleverser écrit le journal ... avant de préciser toutefois ... la situation qui prévaut actuellement au Caire était en réalité prévisible dans la mesure où les jeunes manifestants de la révolution n’ont jamais fait mystère de leur aversion pour tout ce qui leur rappelle l’ancien régime ... Or le dernier Premier ministre de Moubarak étant le favori des deux candidats retenus pour le second tour de l’élection présidentielle ... il est clair que les révolutionnaires n’attendaient qu’un alibi pour lui barrer la voie ... Le prétexte de l’acquittement des responsables de la sécurité du régime Moubarak est donc désormais tout trouvé pour empêcher un déroulement normal du scrutin ... Le candidat des frères musulmans qui semble le plus tolérable aux yeux des manifestants de la place Tahrir s’est d’ailleurs joint au mouvement de contestation ... Autrement dit ... entre la peste et le choléra que représentent les candidats au deuxième tour de la présidentielle qui incarnent ... l’un l’islamisme et l’autre un régime dictatorial et corrompu et bien les Egyptiens croient sans doute avoir eu une aubaine pour n’en choisir aucun ... A présent ils contestent à présent tout le système et dénoncent un processus électoral biaisé ... Et l’éditorialiste de conclure ... s’ils étaient suivis dans leur élan par la majorité des Egyptiens pour le moment encore silencieuse ... alors ce serait au mieux le retour à la case départ ... au pire une replongée dans le chaos .
Quoi qu’il en soit une chose est sûr reprend son confrère du QUOTIDIEN D’ORAN ... si le verdict du Caire confirme l’essoufflement d’une révolution confisquée ... que l’on ne nous dise pas qu’elle a triomphé parce que le procès de