La grève doit permettre de "délivrer un message fort pour que l’éducation soit au cœur des priorités de notre pays", a déclaré Sébastien Sihr, du Snuipp-FSU, principal syndicat du primaire, alors que l’école est devenue l’un des grands enjeux de la présidentielle de 2012.
Entre 20 et 54 % de grévistes
Près de 54 % (53,75 %) des enseignants du primaire et 50 % de ceux du secondaire dans le public sont en grève mardi contre les suppressions de postes dans l’éducation nationale, ont annoncé à la mi-journée les syndicats de la FSU.
Auparavant, le ministère de l’éducation a fait état de ses propres estimations. Près de 29 % (28,89 %) des enseignants du primaire et 22,3 % des professeurs du secondaire étaient en grève mardi 27 septembre, selon une estimation du ministère. Dans le second degré, les grévistes sont, selon le ministère, 25,57 % dans les collèges, 23,29 % dans les lycées professionnels et 17,8 % dans les lycées généraux et technologiques. Dans le primaire, l’estimation du ministère est supérieure à celle diffusée vendredi après-midi (20,5 %) : les enseignants des écoles maternelles et élémentaires devant se déclarer grévistes au moins quarante-huit heures à l’avance, ils avaient donc jusqu’à samedi soir pour le faire.
Une centaine de manifestations sont prévues dans le pays. Dans la capitale, le défilé doit partir à 14 h 30 de Luxembourg.
"Pas révolutionnaire"
Le ministre Luc Chatel se veut serein. "Une grève fin septembre dans l’éducation nationale, ce n’est pas révolutionnaire", a-t-il dit, soulignant la proximité des élections professionnelles (13 au 20 octobre).
M. Chatel, qui "assume" les suppressions de poste, assure que "la vraie question aujourd’hui, c’est le sur-mesure" des enseignements et non "la quantité".
Justement, cette communication sur un enseignement "sur mesure" est mal passée auprès des syndicats, qui constatent que les suppressions de poste détériorent surtout les possibilités de suivi individuel des élèves. "On ne fera pas de la qualité si on n’a pas des personnels formés en nombre suffisant", estime ainsi Bernadette Groison, de la FSU.
Baisse des moyens dans les établissements défavorisés
Selon une enquête du SNPDEN, principal syndicat des principaux et proviseurs du public, les établissements défavorisés ont été "les plus durement touchés" en cette rentrée : ils ont perdu en moyenne 2,5 % de leurs heures, alors que les favorisés ont vu les leurs légèrement augmenter.
En outre, selon l’enquête du SNPDEN, le "levier" le plus employé pour supprimer les postes a été de limiter les cours à effectifs réduits, remettant justement en cause l’accompagnement personnalisé et le "sur-mesure".
En cette rentrée, l’école primaire est particulièrement touchée : elle a perdu près de 9 000 postes, sur un total de 16 000.
Dans le secondaire, "on supprime tout ce qui est qualitatif" et "les postes ont été retirés en priorité aux collèges et lycées en difficulté : on prend plus à ceux qui ont moins", selon Philippe Tournier, du SNDPEN.
La scolarisation des tout-petits, les cours à effectifs réduits, les projets éducatifs, les postes du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) de lutte contre l’échec scolaire sont des "variables d’ajustement". Classes surchargées, réserve de remplaçants quasi inexistante, bas salaires et réformes contestées, telle celle de la formation des enseignants, sont d’autres motifs de mécontentement.
Le privé, où l’appel à la mobilisation est historique, réclame "zéro retrait d’emploi pour 2012" et met en avant ses spécificités : tous les enseignants sont chaque jour devant une classe (aucun professeur n’est en disponibilité) et il n’y a pas de remplaçants."La suppression de près de 1 500 postes de plus cette année pose d’énormes problèmes. Il a fallu retirer des heures d’accompagnement personnalisé aux élèves", a affirmé le secrétaire général de l’enseignement catholique, Eric de Labarre.
L’école de la République
Pour Mme Groison,"le gouvernement a renoncé à la réussite de tous les jeunes". L’école de la République "relève plus du tri sélectif que de l’ascenseur social", dénonce Christian Chevalier, du SE-UNSA.
"Le poids des inégalités sociales est toujours aussi fort pour expliquer les performances moyennes des élèves à l’âge de 15 ans en France", a aussi constaté l’OCDE dans un rapport récent.
Avec la présidentielle, l’année scolaire 2011-2012 sera celle du "choix" entre un modèle éducatif libéral et un modèle républicain, prévient M. Chevalier.
Article tiré du quotidien Le Monde