Texte publié dans le Journal des Alternatives le 27 juin 2010.
Mais, tout porte à croire que le G20 fera la sourde oreille aux demandes pressantes, notamment en ce qui concerne l’imposition d’une taxe mondiale sur les transactions financières. C’est pourquoi le millier de délégués-es craignent le pire ! Les résolutions de la CSI ainsi que les interventions des syndicalistes durant le congrès ont exprimé une forte inquiétude à voir les efforts de représentation pour « changer la mondialisation » entrepris depuis deux ans se solder par un échec. Toutefois, la CSI n’a réussi pas à concerter un ambitieux plan d’action internationaliste et à se projeter sous un mode offensif.
La direction sortante avait bien choisi le moment et l’endroit du congrès, compte tenu de l’actuel G8 et G20 à Toronto. Une délégation syndicale composée de représentantes et représentants de CSI, du CTC canadien et de la CSN ont rencontré, le week end qui a précédé le congrès, le premier ministre canadien, Stephen Harper, notamment pour lui exprimer l’importance de la création d’emplois mais aussi d’une taxe internationale sur les transactions financières.
La délégation lui a aussi remis une déclaration endossée par le Fédérations syndicales internationales (Global Unions) et la CSI, qui reprend nombre des propositions présentées depuis deux ans lors de rencontres semblables et qui correspondent aussi aux principales recommandations soumises au congrès. Elles concernent, en plus du projet de taxe internationale, la promotion d’un pacte international pour l’emploi, l’investissement dans un développement durable basé sur les énergies vertes, une réforme des règles du jeu du secteur financier international et une meilleure gouvernance mondiale.
La déclaration fut aussi transmise aux gouvernements des pays du G20 et plusieurs confédérations syndicales en ont profité pour rencontrer les représentants de leur gouvernement. Au bout du compte, à peu près rien : les propositions ne sont pas reprises par le G20 et, bon joueur, Stephen Harper a exprimé son appui à la création de plus d’emplois !
Le principal danger selon la CSI : un retour à la case départ sans changement
La CSI s’est constituée en 2006 à Vienne alors que se sont unifiés les deux organisations historiques non-communistes, la Confédération internationale des syndicats libres, social-démocrate, et la Confédération mondiale du travail, chrétienne. Selon les intentions affichées, la mise en place de cette nouvelle organisation internationale vise notamment à impulser un nouvel internationalisme syndical. Or, depuis, s’est produite une crise financière et économique qui a mobilisé les ressources que l’on sait pour assurer la reprise économique. La résolution soumise au congrès d’ailleurs le rappelle bien :
Au moment de rédiger le présent rapport, 34 millions d’emplois étaient supprimés dans le monde entier, 64 millions de personnes supplémentaires plongeaient dans la pauvreté extrême et plus de 1,1 billion US$ était mobilisé pour sauver les institutions qui endossent une lourde responsabilité dans la suite des événements. (Maintenant le peuple !, projet de résolution au 2e congrès de la CSI, juin 2010, page 7).
En effet, tout semblait possible pour la CSI :
Dans un brasier collectif des orthodoxies établies, leur nouveau consensus (des dirigeants politiques de toutes les tendances - ndlr) rapidement recueille, bien que vague- s’est déclaré en faveur d’un changement radical du fonctionnement de l’économie mondiale, en commençant par des actions sans précédent visant à relancer la croissance et à entreprendre un processus profond de réglementation des institutions et des marchés financiers. (…) Le G20 était mis sur pied pour veiller à ce que ce changement soit opéré. (…) La satisfaction des syndicats (…) a été renforcée par l’accès de la CSI aux premiers sommets des dirigeants du G20 à Washington, à Londres et à Pittsburg. (Maintenant le peuple !, p. 8).
Or, deux ans plus tard, la CSI constate le résultat et craint le pire !
Les occasions offertes par la crise d’opérer un changement fondamental n’ont pas disparu. Toutefois, la sensation déconcertante que la fenêtre d’opportunité se referme est de plus en plus vive. Plus imminent est également le danger que sans réels progrès significatifs dans un délai relativement court, la sortie de la crise ne mènera pas à la justice sociale mondiale mais nous ramènera plutôt dans cette spirale descente dans laquelle croissent les inégalités et des injustices au travail et dans la société. (Maintenant le peuple !, p. 8).
Cristina Kourchner au congrès de la CSI
Pourtant, la CSI a quelques alliés dans le G20, dont la présidente d’Argentine, Cristina Kirchner qui est intervenue à la tribune du congrès pour informer les délégations de son appui au programme de la CSI. Le premier ministre grec aussi, Georges Papandreou, via satellite, qui a parlé des problèmes économiques actuels de son pays et a demandé aux organisations syndicales de renforcer leur action en vue d’avancer leurs solutions pour la sortie de crise.
Même les dirigeants centraux du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, et de l’Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, ont invité le mouvement syndical international à faire valoir son point de vue et tenté de présenter les positions de leur organisation. Ce qui n’a pas vraiment convaincu l’auditoire comme le rapporte le journal Le Monde (24 juin 2010).
Vers un nouvel internationalisme syndical ?
Si la résolution propose un programme ambitieux de sortie de crise, elle constate aussi l’importance que ça se traduise dans une action internationale commune et concertée. C’est même là le sens attribué au projet de nouvel internationalisme syndical qui vise à dépasser celui qui avait cours jusqu’à présent, soit un internationalisme « éloigné du principal travail et des priorités syndicales à l’échelle nationale et (qui) constituait une préoccupation pour un groupe restreint de spécialistes » (page 22). Mais le congrès de Vancouver n’a pas permis ce saut qualitatif souhaité. Compte tenu du développement inégal des disponibilités et des réalités des confédérations syndicales à agir de manière plus vigoureuse, il ne fut pas possible pour le congrès d’envisager la tenue d’une « véritable journée mondiale de protestations et de manifestations massives autour de revendications clairement définies » (p. 23).
Dans son discours de fin de congrès, en lien avec cette stratégie d’action, le secrétaire général sortant, Guy Ryder, témoignait des difficultés de concertation entre les organisations. En effet, circulait depuis quelques jours l’idée d’une action internationale d’envergure le 29 septembre prochain. Aussi, la CUT brésilienne allait jusqu’à proposer la grève générale mondiale. Guy Ryder annonçait finalement que les syndicats européens s’étaient concertés en vue de tenir une journée européenne de perturbation le 29 septembre. Par ailleurs, depuis sa création en 2006, la CSI a initié une journée mondiale de sensibilisation sur la nécessité du travail « décent », idée lancée initialement par l’Organisation internationale sur le travail (OIT). Guy Ryder a indiqué avoir vérifié la possibilité d’entreprendre un projet plus audacieux de journée de mobilisation internationale mais il a constaté avec la direction de la CSI que les organisations nationales n’étaient pas toutes prêtes à une telle journée.
C’est pourquoi, il a avancé la volonté de maintenir le 7 octobre comme perspective d’action internationale commune sur une base de sensibilisation, tout en laissant le mouvement syndical européen agir le 29 septembre dans des actions de perturbation. Il a conclu en avertissant que la situation de développement inégal et le manque de synchronisation de la mobilisation ne pourraient pas continuellement empêcher la CSI d’agir de manière plus importante qu’elle ne le fait actuellement.
Élection d’une nouvelle direction
Les délégués-es, qui représentent 176 millions de salariés-es de 155 pays regroupés dans 312 organisations, inquiets et déçus du peu de conséquences de l’action de la CSI, ont adopté en clôture du congrès la résolution principale qui avait pour thème « Maintenant, le peuple ! » et ont élu une nouvelle direction. L’artisan de l’unification de la CSI en 2006, Guy Ryder, quittant ses fonctions de secrétaire général pour travailler à l’OIT. Il est remplacé pour la première dans l’histoire du syndicalisme international, par une femme, la présidente sortante de la CSI, Sharan Burrow, qui quittera ainsi ses fonctions de présidente de la confédération syndicale australienne.