De nombreux pays en Amérique du Sud, comme la Bolivie, le Vénézuela ou l’Argentine ont procédé à la nationalisation de nombreuses entreprises privées au nom de la souveraineté et du contrôle populaire de l’énergie. Comme le montrent les cas de Repsol (Argentine), Pétrobras (Brésil) ou PDVSA (Venezuela), le contrôle étatique des entreprises, y compris avec une répartition plus égalitaire de la rente, ne résout aucunement les défis de la transition énergétique. Au nom de la souveraineté populaire, l’exploration et l’extraction tout azimuts se poursuivent, dans bien des cas pour l’exportation, produisant les mêmes dégâts sanitaires et écologiques, y compris pour le climat.
Une forme de réductionnisme historique et théorique, auquel a grandement contribué l’article de Garrett Hardin sur la tragédie des communs [1], a fait de la privatisation et de la nationalisation des communs les deux seules options pour répondre à la surexploitation des ressources convoitées par des utilisateurs (supposés) peu soucieux de leur préservation. La troisième option historique, pratique et théorique que sont les biens communs, a longtemps été marginalisée. C’est en opposition à l’étatisation et à la privatisation de la gestion des ressources naturelles, qui ont généralement pour conséquence de déposséder les populations de leurs territoires et des ressources vitales pour leur survie, que l’approche par les biens communs délimite les contours alternatifs de formes de propriété ou de gestion collective des ressources naturelles.
La prix Nobel de l’Economie Elinor Ostrom [2] a démontré qu’une gestion commune des ressources pouvait être bien plus appropriée que de les confier à des marchés ou à des propriétaires publics ou privés. Alors que la sphère publique est celle de l’Etat, l’approche par les biens communs suppose l’implication directe des populations, l’exercice d’une gestion collective et d’une démocratie directe. Objectif : prendre soin des communs, principe qui unit les biens communs, sans quoi ils disparaissent. Construire une approche par les biens communs ne suppose pas la disparition de la sphère publique mais elle ne fait pas de la nationalisation un préalable. Elle ouvre un horizon des possibles fait d’hybridation, d’imagination et d’innovation sociale, qui génèrera pour sûr de nouveaux agencements institutionnels publics, une transformation de la structure de l’Etat.
Il s’agit d’inventer des règles qui permettent la récupération et la mise en commun des biens de l’humanité et de la planète, présents et à venir, afin que leur gestion soit assumée dans une démarche participative et collaborative par les personnes et communautés concernées et à l’échelle de l’humanité dans la perspective d’un monde soutenable [3]. La défense et la promotion des communs exige donc de la pratique, de l’expérimentation et de l’innovation sociale dans le but de stimuler le plus grand nombre de processus de réappropriations citoyennes et de déconcentrations des pouvoirs de décisions et de contrôle, contribuant à la démocratisation de la société. Agir pour faire en sorte que l’énergie et le climat soient des communs de l’humanité pose des défis tout à fait significatifs mais entrouvre la possibilité d’imaginer d’autres modes de régulation que la privatisation et la financiarisation de la nature d’un côté, sa collectivisation et son étatisation de l’autre. Le tout pour préserver la planète, en assurant la résilience des territoires et des populations dans un cadre de justice sociale. Un bel horizon à poursuivre.