Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) reconnaît deux types de premiers ministres : ceux qui nient le droit de grève et ceux qui attisent la grève. François Legault peut difficilement être catégorisé comme l’un ou l’autre, car il semble plutôt appartenir aux deux modèles.
Pour se convaincre de l’appartenance de M. Legault au rang des premiers ministres qui incitent à la grève, rappelons le conflit de travail qui a duré 18 mois à l’Aluminerie de Bécancour (ABI). Le premier ministre avait choisi le 1er mai, Journée internationale des travailleuses et travailleurs, pour demander aux syndicats d’être plus raisonnables. Il avait rappelé au passage que le salaire moyen était de 92 000 $ par an chez ABI.
Outre son parti pris désolant en faveur des multinationales au détriment des travailleurs, François Legault a nourri la grogne syndicale. D’une part, il dit vouloir augmenter le salaire moyen en répétant que le Québec a besoin d’emplois payants, à 25 $, 30 $ ou 40 $ de l’heure. De l’autre, il affirme que les syndiqués qui gagnent 90 000 $ par an sont trop payés. Quelle obscénité !
Le premier ministre remue ainsi les braises du cynisme, car il défend sans problème les salaires des dirigeants de société d’État et hauts fonctionnaires gagnant des centaines de milliers de dollars par an. Son argument : il faut offrir une rémunération compétitive pour conserver les meilleurs employés. Si les travailleurs du Québec peuvent admirer ce raisonnement, ils souhaitent également en bénéficier.
Quant à nier le droit de grève, le cas de la crise du gaz propane en novembre 2019 est éloquent. La grève d’environ 3 200 employés du CN semblait alors heurter profondément le premier ministre du Québec. Il avait exigé du gouvernement fédéral l’imposition rapide d’une loi spéciale.
Par cette position, M. Legault n’a démontré aucun respect envers la négociation de la convention collective des employés du CN. La grève a évidemment nui à l’approvisionnement du Québec en propane. Le premier ministre s’est néanmoins montré insensible aux craintes sérieuses de sécurité exprimées par le syndicat des grévistes.
L’aversion de François Legault pour les syndicats et les travailleurs est frappante. Cependant, cela ne devrait pas lui faire oublier que, dans un jugement historique rendu le 30 janvier 2015, la Cour suprême du Canada a statué que le droit de grève est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Les valeurs inhérentes à ce droit, faut-il le rappeler à M. Legault, sont la dignité humaine, l’égalité, la liberté, le respect de l’autonomie de la personne et la mise en valeur de la démocratie.
N’en déplaise au premier ministre, cette décision permet aux travailleurs de s’unir pour s’impliquer dans le processus de détermination de leurs salaires, de leurs conditions de travail et des règles qui régissent leur vie professionnelle. Ils peuvent ainsi, par leur action concertée, refuser de travailler aux conditions imposées par l’employeur. Cette action concertée lors d’une impasse se veut une affirmation de la dignité et de l’autonomie personnelle des salariés.
En ce 18 février, Journée mondiale d’action en faveur du droit de grève, souhaitons que le premier ministre puisse reconnaître que le droit des employés de suspendre leur travail constitue une pierre angulaire en démocratie. Pour qu’il demeure un élément phare de l’État de droit, pour qu’il aide à équilibrer les règles du jeu pour les travailleurs en imposant des contrôles sur les pouvoirs des gouvernements, ce droit ne doit pas être remis en question.
Line Lamarre
Présidente du SPGQ
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