Édition du 11 mars 2025

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Economie mondiale

Japon, le déclin

Le temps est loin où le Japon était supposé « acheter le monde », suscitant un matraquage médiatique parti des Etats-Unis, marris de leur déficit commercial : il vient d’être dépassé par la Chine en termes de produit intérieur brut (PIB).
L’image déclinante de l’Archipel depuis l’éclatement de la bulle financière au début des années 1990 paraît confirmée.

Le temps est loin où le Japon était supposé « acheter le monde », suscitant un matraquage médiatique parti des Etats-Unis, marris de leur déficit commercial : il vient d’être dépassé par la Chine en termes de produit intérieur brut (PIB).
L’image déclinante de l’Archipel depuis l’éclatement de la bulle financière au début des années 1990 paraît confirmée : « Le Japon a régressé au troisième rang des économies mondiales. » Certes, ça fait un titre. Mais derrière le titre, qu’y a-t-il ? D’incontestables statistiques : 1 337 milliards de dollars pour la Chine et 1 228 milliards pour le Japon au deuxième trimestre.

Témoignant de cette « régression », l’attrait exercé par la Chine ou le Japon s’inverse, souligne Asahi Shimbun dans une série d’articles « L’époque où l’on se tourne vers le Dragon » : des Japonais se rendent désormais en Chine pour faire fortune - alors que longtemps ce fut le contraire - et l’argent chinois arrive dans l’Archipel.

L’expansion chinoise est sans doute la plus grande transformation de l’histoire de l’humanité par sa rapidité et son ampleur. Mais pour atteindre le PIB japonais par habitant (39 000 dollars), il faudra que la Chine (dont le revenu par tête est de 3 600 dollars) maintienne son taux de croissance actuel pendant un quart de siècle. Ce dont on peut douter.

Le recul de leur pays dans le palmarès économique mondial n’a pas remonté le moral des Japonais, mais il ne les a pas affectés outre mesure : le vague à l’âme était déjà là. La déflation, l’aggravation des inégalités sociales, la valse des premiers ministres (un par an en moyenne depuis 2006), qui rend problématique tout suivi politique, ont engendré une lassitude sensible.
En un an au pouvoir, l’opposition démocrate n’a guère répondu aux attentes de l’opinion. La liste des problèmes de l’Archipel est longue : vieillissement, dette publique « abyssale », rigidités de l’appareil productif confronté à la mondialisation, dépeuplement des campagnes, insuffisance de la couverture sociale, poussée suicidaire... Un cycle de la croissance est bouclé. Soit. Le Japon est-il figé pour autant dans l’inertie ?

La perception du Japon est dominée à l’étranger par des statistiques en berne et des anecdotes épinglées de quelques mots japonais - au demeurant parfaitement traduisibles - élevées au rang de phénomènes de société. Regardons un peu ailleurs.

On ne vit certes pas que des services. Mais au pays de l’automation, les services assurés par les entreprises publiques ou privées font partie d’une qualité de la vie dont tout le monde profite : l’efficacité et la propreté des transports *en commun, - certes plus que bondés aux heures de pointe -, le nombre des équipements pour handicapés en ville, les taxis à la pelle, les supérettes ouvertes 24 heures sur 24 où l’on peut, en plus d’acheter, envoyer des paquets, payer ses quittances ou retirer de l’argent, les stations d’essence où l’on s’empresse autour de la voiture du client, la multitude - et la propreté - des toilettes publiques et, d’une manière générale, l’amabilité des commerçants... sont quelques éléments du quotidien nippon.
Détails que tout cela ? Sans doute au regard des visions d’un enchanteur futur mondialisé mais, pour la majorité, le quotidien est fait de détails. Autre détail : le Japon est une démocratie dotée de solides institutions. Certes avec des ratés, il ne sort pas si mal des marasmes économiques et conserve un taux de criminalité parmi les plus faibles du monde.

Au-delà de ces détails, tournons-nous vers du solide : la production. Bien qu’il ne détienne pas le « ruban bleu » en matière d’invention, le Japon continue à progresser dans la recherche-développement, à laquelle il consacre 3,6 % de son PIB. Il est en tête pour la sobriété énergétique - son taux de rendement énergétique a augmenté de 40 % en trente ans - et des technologies clés, notamment écologiques.

Au final, tout cela donne quoi ? Selon Christian Sautter, ancien ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et fin analyste du Japon depuis de longues années, ce pays « ouvre une voie de développement qui allie deux économies complémentaires, plus qu’opposées. D’un côté, une économie mondialisée à fort contenu de recherche-développement, qui combine hauts salaires et productivité élevée et croissante. De l’autre, une économie localisée avec salaires et productivité modérés où les seniors trouveront à s’employer et qui peut accueillir les jeunes peu diplômés ou les mères de famille ». Vision optimiste ? Peut-être. A-t-on de meilleures solutions ?

Et si le Japon, arrivé à maturité en matière de développement et dépris jusqu’à un certain point de la frénésie compétitive, était à l’avant-garde d’une prise de conscience des avantages d’une croissance modeste ? Sans nier les bienfaits de l’expansion, accordons le bénéfice de l’ambivalence au déclin nippon.
D’un Japon au-delà de l’écume des jours des titres accrocheurs, un nouveau magazine français en ligne, Zoom Japon (www.zoomjapon.info), donne des aperçus revigorants par des articles documentés et nourris de sources japonaises.

Pas de fresques géo-politico-sociales concoctées avec de brillants concepts ramenant une réalité, fruit d’une histoire différente, à nos références, mais des sujets inattendus et placés dans leur contexte. Rafraîchissant.

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