Un double obstacle
Ainsi a réagi Carolle Dubé, présidente de l’APTS, à la toute récente étude de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) qui établit que les employé·e·s des services publics, majoritairement des femmes (soit 72 %), font l’objet d’un double obstacle pour bénéficier d’une rémunération équitable : une discrimination fondée sur le sexe et une incapacité de la Loi sur l’équité salariale (LES) à corriger les écarts de rémunération qui prévalent dans certaines parties du secteur public québécois.
« On s’en doutait depuis longtemps, souligne Carolle Dubé. Avec cette étude de l’IRIS, réalisée à la demande l’APTS, on en a maintenant la preuve noir sur blanc. Les femmes ont beau avoir envahi le marché du travail depuis les années 70, pour en constituer aujourd’hui quelque 48 %, les stéréotypes se perpétuent. À tel point qu’ils engendrent une sous-valorisation de leur travail dans les secteurs où elles occupent nettement la majorité des postes, comme c’est le cas, à 81 %, dans le réseau de la santé et des services sociaux. »
Une loi qui a ses limites
Même la LES n’y peut rien. « La loi ne permet pas de comparer différents secteurs d’emploi entre eux dans le secteur public », déplore en effet la présidente de l’APTS. C’est une des raisons qui expliquent qu’on retrouve un écart de rémunération, établi à 23 % en moyenne, entre les employé·e·s des services publics et ceux et celles des entreprises d’État comme Hydro-Québec, la Société des alcools du Québec ou encore Loto-Québec. « On donne 23 % de moins aux gens qui prennent soin de nos malades, de nos enfants et de nos personnes âgées, s’indigne Carolle Dubé. C’est clairement deux poids, deux mesures ! »
Pénalisées deux fois plutôt qu’une !
Les choses ne s’arrêtent pas là. L’étude de l’IRIS démontre également que les employé·e·s des services publics sont les seul∙e∙s du secteur public québécois à avoir encaissé une diminution de leur niveau de vie depuis le début des années 2000. De fait, de 2000 à 2017 l’effectif des services publics a dû composer avec une baisse de son pouvoir d’achat de 1,2 %, tandis que celui de tous les autres secteurs a bénéficié d’une hausse moyenne de 10,7 %. « Sachant que nos services publics sont majoritairement féminins, à qui a-t-on demandé de se serrer la ceinture, interroge Carolle Dubé. Poser la question, c’est y répondre… C’est à croire qu’on avance par en arrière », ironise-t-elle.
Le prix de l’iniquité
L’écart décrié est considérable : 5,9 milliards $ en salaire uniquement. Une somme que l’État demande aux employé·e·s des services publics d’assumer, année après année, en rémunération non versée. « C’est le prix de l’iniquité, le prix de la discrimination systémique fondée sur le sexe, observe la présidente de l’APTS. C’est ainsi, poursuit-elle, parce que depuis 20 ans et même davantage l’État demande aux employé·e·s des services publics de se presser le citron à l’extrême. Chose qu’il ne fait pas, ou si peu, avec ses sociétés, les policiers ou les médecins. »
« Si l’État refuse d’opérer un rattrapage salarial ou de modifier la LES pour permettre de comparer différents secteurs entre eux, c’est clairement à lui que revient l’odieux de cette discrimination à l’égard des femmes. L’État a en effet un double devoir d’exemplarité, d’abord comme législateur gardien de l’équité pour toutes les travailleuses, ensuite comme employeur envers ses 543 000 employé·e·s. Malheureusement depuis 1996, année de l’adoption de la LES et de la Loi sur l’équilibre budgétaire, sa politique se drape dans les contradictions et se ramène à une formule toute simple : " Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais. " Il est grand temps que ça change, conclut Carolle Dubé. Nous allons y voir. »
Un message, un commentaire ?