« C’est une nouvelle ère qui commence pour le réseau de la santé et des services sociaux du Québec. Nous venons de poser les premiers jalons d’une importante réorganisation non seulement par son ampleur, mais aussi par les avantages qui en découleront. L’étape franchie aujourd’hui ouvre enfin la porte à un profond changement de culture qui nous permettra de passer d’un réseau d’établissements à un véritable réseau intégré, entièrement axé sur les services aux patients ». (Projet de loi 10, 7 février 2015)
Un véritable réseau intégré axé sur les services aux patients ! Cette semaine, l’ancien ministre de la santé affirme que sa réforme n’est pas en cause pour expliquer la catastrophe sanitaire que nous vivons. Les autorités publiques avaient juste trop tardé pour s’approvisionner en équipement de prévention. Pourtant, les témoignages sont nombreux pour expliquer que, durant la pandémie, le personnel a dû s’organiser sur ses propres bases sans l’appui des gestionnaires, et souvent contre leur avis pour donner des soins aux bénéficiaires en toute sécurité.
Cette absence d’introspection du ministre n’est pas causée par un trait de personnalité problématique. C’est le néo-libéralisme qui est malade. En santé comme ailleurs, le néo-libéralisme est incapable de faire son auto-critique et de revoir ses orientations. Il lui faut aller vite pour la recherche du profit et la consolidation de son marché.
Dans le journal Ricochet, (26 mai) le journaliste André Noel nous informait que le Ministre Legault avait mandaté Daniel Desharnais, pour élaborer la stratégie en vue de la prévisible deuxième vague (au détriment du docteur Joanne Liu). On l’a aussi nommé responsable de la reconstruction du réseau des CHSLD. Daniel Desharnais est directeur d’une firme de relation publique et ancien chef du ministre Barrette, en 2015, lorsqu’il a décrété sa réforme. Qui plus est, on a consulté le Ministre Barette avant de nommer Daniel Desharnais dans son poste de sous-ministre.
On peut facilement anticiper que la résolution de la crise dans les CHSLD va chercher à se faire d’une manière expéditive du côté gouvernemental. La réforme Barette ne sera pas mise en cause. On procédera à quelques mises en tutelle d’établissement, des congédiements de gestionnaires et de personnel. On mettra aussi en chantier quelques « maisons des aîné-es » financées par des Fondations philanthropiques. D’ailleurs, dans le Devoir du 26 mai, un architecte, Ron Rayside s’est empressé de se présenter pour proposer un projet de transformation de réseau d’hébergement pour les personnes âgées. Il mentionne qu’il a été président du conseil d’administration du CSSS Jeanne Mance, il y a plusieurs années. Ce qui lui confère une certaine légitimité. Ce qu’il ne mentionne pas, c’est qu’il a été responsable de compressions budgétaires de 7,5 millions$ dans cet établissement en 2010. On a alors coupé des services pour les aînés et les jeunes en difficulté. L’absence de ces services se fait toujours sentir aujourd’hui. Le soi-disant architecte « social », comme il aime s’appeler, avait pourtant désavoué la mobilisation syndicale et populaire qui s’était organisée pendant presqu’un an contre ces compressions budgétaires.
En procédant rapidement à la résolution de la crise dans le secteur des CHSLD, on cherchera à faire oublier les conséquences terribles des politiques néo-libérales. Les mouvements sociaux doivent mettre en place dès maintenant les espaces de délibération pour soumettre les enjeux sanitaires à l’épreuve de la démocratie. Nous devons appuyer la Coalition Solidarité Santé qui demande des États généraux en santé et services sociaux. Le réseau de la santé et des services sociaux est un réseau en crise. Une transformation démocratique de ce réseau doit être entamée de toute urgence.
René Charest,
Organisateur communautaire et militant syndical.
Photographie : Photo : Pascal Pochard-Casabianca Agence France-Presse
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