Récemment, le cabinet Marois a comblé quatre postes au Conseil du statut de la femme (CSF) en y nommant autant d’ardentes défenseures de la charte des valeurs dont le ministre Drainville est le parrain. Interprétées par la présidente du conseil, Julie Miville-Deschênes, comme une atteinte à l’indépendance de l’organisme, ces nominations sont intervenues quelques jours après que cette dernière eut reçu un appel de la ministre responsable de la CSF, Agnès Maltais, qui, selon elle, a fait pression pour l’empêcher de critiquer le projet de charte. En langage vernaculaire on qualifie cette forme d’ingérence de « paquetage » et de « tordage de bras ».
Quel retournement de situation pour M. Drainville qui, naguère preux chevalier de la démocratie, cautionne maintenant une pratique malsaine propre à augmenter le cynisme de la population. D’ailleurs, il est notoire que le Secrétariat des emplois supérieurs (SES) qui fait partie du Conseil exécutif, le ministère de la première ministre, est une officine d’où sortent parfois de bien bizarres concoctions. On a encore en mémoire la nomination d’André Boisclair comme délégué à New York avec en prime une permanence à vie dans la fonction publique ; ce qui lui aurait permis de profiter du RRAS, le lucratif régime de retraite de l’administration supérieure. Cette combine-là a échoué. Mais bien d’autres du même genre sont passé sous le radar depuis un an. Sans compter, les milliers d’autres qui se sont effectuées sous les gouvernements précédents, libéraux comme péquistes. C’est systémique.
Ce genre de pratique va même parfois jusqu’à un échange de bons procédés entre libéraux et péquistes lorsque survient un changement de gouvernement. Ainsi, quelques jours après sa victoire, la première ministre Marois a accepté de nommer Chantal Landry sous-ministre adjointe à la Santé et aux Affaires sociales sans qu’elle ait de compétence particulière pour occuper cette fonction. Cette dernière avait agi comme directrice adjointe au cabinet du premier ministre Charest. On se souvient qu’elle avait été surnommée « madame post-it » suite à son témoignage devant la commission Bastarache. Elle avait en effet avoué inscrire l’allégeance politique des candidats à la magistrature sur des « post-it » avant de transmettre leurs dossiers au grand patron. Question de faciliter son choix quoi !
Pour quand une réforme du mode de scrutin ?
Revenant aux réformes réalisées par M. Drainville comme ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, il faut reconnaitre que son bilan ne comporte pas jusqu’ici que des éléments négatifs. En effet, il a fait adopter à l’unanimité par l’Assemblée nationale une importante réforme du financement des partis politique. Il a aussi obtenu un appui unanime à son projet de loi instituant des élections à date fixe, une réforme qui était réclamée depuis longtemps.
Par contre, son gouvernement veut toujours conserver le scrutin majoritaire qui fausse systématiquement les règles du jeu électoral en faveur des formations dominantes que sont le PQ et le Parti libéral au détriment de partis émergents comme Québec solidaire et Option nationale. En l’absence d’une représentation proportionnelle, ces derniers sont en effet privés d’une représentation parlementaire équitable qui se traduit souvent par leur exclusion pure et simple de l’Assemblée nationale.
Le premier ministre René Lévesque considérait pourtant que l’introduction d’éléments de proportionnalité dans le mode de scrutin constituait la mesure la plus importante dans l’imposant train de réformes démocratiques qu’il avait inscrites au programme de son nouveau gouvernement en 1976. Malheureusement ce fut une des rares qu’il n’a pu réaliser ; incapable d’obtenir un appui clair du caucus des députés péquistes au projet de loi instituant un scrutin proportionnel régional qu’il entendait présenter à l’Assemblée nationale.
Toutefois, l’instauration d’un mode de scrutin proportionnel a fait partie du programme du Parti québécois pendant 42 ans, soit de son congrès de fondation en 1969 jusqu’au plus récent, celui de 2011. Tournant le dos au fondateur de leurs parti, les délégués péquistes ont alors biffé cet engagement du programme avec la bénédiction de Pauline Marois et de Bernard Drainville. Appelle-t-on ça faire de la politique autrement ? Mon œil !
par Paul Cliche, militant progressiste
Montréal, 24 septembre 2013