Montréal, dimanche 4 novembre 2007 – Les syndicats du secteur privé de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) dont plus des trois quarts des 540 000 membres oeuvrent au sein d’entreprises privées mettent en garde contre la dérive inquiétante vers la privatisation dans le débat sur le système de santé québécois et ses effets pervers sur les coûts de production et même sur la compétitivité des entreprises.
Cette privatisation qui se traduit par l’ouverture en toute illégalité et en toute impunité de cliniques privées et qui se traduira à court terme par une inflation incontrôlable du coût des assurances collectives constitue d’ailleurs une importante épine au pied des employeurs et des travailleurs américains.
Apprendre des déboires de nos voisins du Sud
« C’est très inquiétant que ce débat se fasse avec des œillères et qu’on n’apprenne pas des déboires de nos voisins du Sud alors que 47 millions d’Américains n’ont aucune couverture d’assurance en santé. Il s’en est ajouté 2 millions pour la seule année dernière. Pourquoi nous dirigerions-nous vers cette impasse ? », a questionné le président de la FTQ, Henri Massé.
Rappelons que même les trois grands de l’automobile ont reconnu qu’un système de santé public réduisait de façon sensible le coût du travail.
Augmentation inquiétante des coûts d’assurance
« Les assurances collectives sont déjà un sujet sensible aux tables de négociation, alors qu’elles augmentent en moyenne de 10 % annuellement. Imaginez si elles doivent désormais couvrir les chirurgies. Nous nous préparons des conflits majeurs alors qu’une étude de la firme Morneau Sobeco prévoit qu’en 2013, l’assurance collective (santé et invalidité) représentera 14 % de la masse salariale », a averti pour sa part le secrétaire général de la FTQ, René Roy.
Les solutions sont là, sous nos yeux, dans le système public
« Depuis l’arrêt Chaoulli de la Cour suprême, en juin 2005, on s’est penché très sérieusement sur les pratiques et sur nos pratiques dans le système de santé public. Avec un peu d’imagination et de courage politique, ça saute aux yeux que les solutions aux problèmes des listes d’attente, d’accessibilité, de qualité des soins passent par un sérieux brassage des façons de faire.
« Pourquoi par exemple un orthopédiste ne peut-il pas communiquer directement avec un physiothérapeute un diagnostic qui servira à établir une stratégie de réadaptation ? Il y a au moins trois intermédiaires entre lui et le physiothérapeute.
« Pourquoi un rendez-vous médical pour se faire dire que tout va bien à la suite de tests ? Pourquoi ne pas revoir en profondeur les actes délégués des médecins aux infirmières, des infirmières aux infirmières auxiliaires et aux préposés ? Pourquoi ne pas former du personnel spécialisé pour assister les anesthésistes en bloc opératoire ? Et la liste pourrait être longue », a fait valoir Michel Arsenault, directeur québécois des Métallos.
Optimiser l’utilisation des blocs opératoires
« C’est carrément indécent qu’un médecin spécialiste ne puisse opérer que six heures par semaine en bloc opératoire en raison d’une organisation du travail et des horaires déficiente. Régler ce seul problème contribuerait à réduire de façon significative les listes d’attente et permettrait d’optimiser l’utilisation des équipements », a indiqué Michel Ouimet, vice-président exécutif Québec du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP-FTQ).
Revoir toute la chaîne et pas seulement un maillon
« Il faut avoir le courage de revoir le fonctionnement de toute la chaîne des soins et pas seulement un maillon. C’est ce que nous allons faire valoir demain au sommet organisé par le Collège des médecins. On est conscients que ça va en irriter certains mais nous sommes convaincus qu’il faut passer par là et on est prêts à faire notre part. Si on n’agit pas dans ce sens, on va glisser vers la privatisation, ce qui ne règlera pas le problème, ni sur les coûts encore moins sur l’accès.
« Même si certains promoteurs de la privatisation se défendent de vouloir importer le modèle américain, dans les faits, lorsque la porte sera grande ouverte au privé, c’est exactement vers là qu’on se dirige », a ajouté Henri Massé.
Le système public de santé comme avantage concurrentiel
« Lorsqu’on bénéficie d’un avantage concurrentiel depuis longtemps, comme le système public de santé développé depuis 50 ans, on a tendance à ne plus le voir ou à le prendre pour acquis. Tous vont y trouver leur compte dans le renforcement de ce système, les travailleurs comme les entreprises », ont conclu les dirigeants syndicaux.